La mutation démographique.

 

                Reprenons ici quelques grandes étapes de la démonstration qui nous est présentée.

La première, qui donne le ton, est effectivement la métamorphose démographique.

                Jusqu’ici l’Afrique subsaharienne se caractérisait globalement par son faible peuplement, aujourd’hui 36 habitants par kilomètre carré. Durant les derniers siècles, entre 1500 et 1900, alors que la population mondiale était multipliée par trois et demi, et celle de la Chine  et d’Europe par cinq, la population d’Afrique avait stagné. « La part de l’Afrique subsaharienne dans la population mondiale aurait ainsi reculé en l’espace de quatre siècles de 17% à 7% ». La cause de cette régression peut être attribué pour une large part aux oppressions subies, esclavagisme et colonialisme. « Entre le XIIIè et le XXè siècle, près de 17 millions d’africains auraient été vendues par des caravaniers au Proche et Moyen Orient ou été victimes de la traite de l’océan Indien. Entre le XVè et le XIXè siècles, 11 millions de personnes auraient quitté l’Afrique à bord des navires négriers. Cette ponction de l’ordre de 28 millions de jeunes hommes et femmes africains est considérable au regard des moins de 100 millions d’habitants que l’Afrique subsaharienne comptait au tournant du XIXè siècle » (p. 18). La conjoncture change à partir de la fin de la première guerre mondiale. Dans la seconde moitié du XXè siècle, la croissance de la population s’accélère dans l’intervalle bien connu entre la chute de la mortalité et la persistance de la fécondité. La population de l’Afrique subsaharienne passe d’un peu moins de 100 millions en 1900 à près de 700 millions en l’an 2000. Cependant, alors que dans les autres continents, la poussée démographique diminue, en Afrique, elle va encore produire des excédents considérables dans ce nouveau demi-siècle jusqu’en 2050.

                La population d’Afrique sub-saharienne devrait de nouveau doubler en l’espace d’une quarantaine d’années passant de 960 millions d’habitants aujourd’hui à environ 1,8 milliard en 2050.  Ce chiffre est considérable. « 1,8 milliard d’habitants, c’est une fois et demie l’Inde d’aujourd’hui et trois fois plus que l’Europe de demain ».  Les auteurs de ce livre nous appellent à deux constats.

               De fait, « la croissance fulgurante des sociétés africaines constitue en réalité un rattrapage après les traumatismes démographiques subis par le continent  noir. Une forme de retour à la normalité aussi puisque ce n’est qu’au terme de ce processus de peuplement accéléré que l’Afrique retrouvera en 2050 le cinquième de la population mondiale qu’elle représentait en 1500, avant les ponctions de la traite négrière et de la colonisation. Le continent noir reprend en quelque sorte sa place dans l’histoire. À 72 habitants par kilomètre carré, l’Afrique atteindra des densités proches des autres continents et salutaires pour son développement économique. L’Afrique sera donc vengée » (p.20).

                 Le deuxième constat concerne la puissance de ce processus dont les résultats seraient plutôt sous-estimés. Cette réalité doit être au plus tôt reconnue. Comme l’écrivent Michel Severino et Olivier Ray, « Aveuglés par les transformations asiatiques en cours, les citoyens et dirigeants européens n’osent observer les mutations africaines à venir ». Une prise de conscience est nécessaire. Comment l’Europe peut-elle reconnaître et accompagner cette mutation dans un esprit de partenariat ? 

 

Share This