Entre sécularisation et recomposition

Sans toujours savoir ce qu’il en est, les français ont conscience des changements en cours sur la scène religieuse française. Et de fait, en quelques décennies, c’est un bouleversement qui est advenu. Nos représentations renvoient souvent à un passé révolu. Elles sont parfois confuses et il en résulte des craintes et des manifestations d’antagonisme. Pour faire face à ce dérangement, il importe de comprendre cette évolution. Un livre vient de paraître : « La religion de la France contemporaine. Entre sécularisation et recomposition » (1). Il est écrit par deux sociologues réputés : Philippe Portier et Jean-Paul Willaime. Il éclaire l’évolution des croyances, la situation des religions en France. De fait, ce livre est une somme qui envisage les différents aspects du fait religieux dans les conduites personnelles comme dans l’espace public dans la perspective d’un changement engagé depuis plusieurs décennies. Voilà un outil de travail indispensable pour tous ceux qui ont une responsabilité dans la gestion du religieux. Et ils sont nombreux aujourd’hui puisque la question est fréquemment abordée dans les affaires publiques. Et ce livre concerne également les acteurs religieux eux-mêmes. A Témoins, comme chrétiens, nous nous interrogeons depuis près de trente ans sur notre responsabilité dans la manière de proposer le message de l’Evangile en rapport avec les attentes et les aspirations de nos contemporains. Ainsi nous percevons une inadéquation de l’offre chrétienne et nous étudions les innovations qui cherchent à y remédier. La question est vaste, complexe. Elle requiert une prise en compte des apports de la sociologie. En regard, ce livre est particulièrement précieux. « Il propose une analyse de l’état religieux de la France dans une problématique générale sur le devenir du religieux dans la conscience occidentale », comme l’indique le sous-titre : « De la sécularisation à la recomposition ». L’ouvrage se déroule en trois grandes parties : « La religion dans l’espace privé. La religion dans l’espace social . La religion dans l’espace politique ». Ainsi le paysage religieux est saisi sous ses différents angles « et, pas seulement celui, classique, des appartenances et des pratiques » (p 5). Au fil des années, les lecteurs de Témoins ont pu suivre l’évolution de ces appartenances et pratiques, notamment à travers les résultats des enquêtes successives, notamment celles de « l’enquête sur les valeurs des européens « (2). Le champ de ce livre est donc plus large. Il comprend des analyses en profondeur de phénomènes socio-religieux dans la durée comme l’œcuménisme et les dialogues interreligieux, le réaction des forces religieuses à la libération des mœurs et aux défis bioéthiques, la laïcité étatique, l’école publique et la religion ; vers la fin d’un contentieux, philosophies, politiques et religions. Ces états des lieux permettent de faire le point, mais ils ouvrent aussi des perspectives. Ces différents angles de vue, en se combinant, rendent compte de la complexité du fait religieux en France en permettant d’aborder la question religieuse dans un bon équilibre.

 

Un pluralisme religieux en France

Le paysage religieux de la France a connu un grand bouleversement durant ces dernières décennies.

C’est d’abord l’effondrement de la religion dominante. En 1982, 70% des français se déclaraient catholiques. Ils sont 32% en 2018, soit une chute de plus de la moitié. Et pour le noyau actuel de cette population, les catholiques pratiquants réguliers, c’est à dire les catholiques se rendant à la messe au moins une fois par mois, la baisse est également très sensible, de 17% à 7%. Si l’on prend en compte la répartition selon les générations, le phénomène est encore plus marqué . 48% des personnes âgées de 60 ans et plus se disent catholiques, mais seulement 15% des 18-29 ans. Dans la jeune génération, il y a davantage d’affiliations aux autres religions : 18% (dont 13% de musulmans). Dans leurs commentaires, en s’inscrivant dans l’approche globale qui est la leur, les auteurs tempèrent le constat de la perte. En effet, ils tiennent compte d’autres données. Et, par exemple, 20% des élèves sont scolarisé actuellement dans une école catholique. « L’importance sociale d’un groupe millénaire ne se réduit pas à la proportion de ses fidèles » (p 24).

Si il y a donc une « décatholisation » de la France, en forme de « révolution silencieuse », en regard, les autres confessions chrétiennes se maintiennent et se développent. C’est « un christianisme au pluriel » (p 93). « Le protestantisme, avec 2,5% de la population reste une « microminorité », mais une microminorité qui, non seulement s‘est maintenue au cours des dernières décennies, mais qui a légèrement augmenté en raison de la croissance du protestantisme évangélique » (p 29). Ce protestantisme évangélique occupe maintenant une place majeure à l’intérieur du protestantisme : 44%. L’affaiblissement du catholicisme « change quelque peu la condition des protestants ». Ils sont davantage visibles dans le champ religieux, particulièrement dans les grandes agglomérations. C’est aussi un groupe « religieusement et socialement actif » avec un taux élevé de pratiquants réguliers.

Il y également en France un monde orthodoxe issu de vagues d’immigration successives. Il y a des traits communs avec les chrétiens d’orient qui, eux aussi, sont arrivés de terres étrangères. Cet ouvrage nous apporte beaucoup sur un milieu diversifié.

La France religieuse, ce ne sont pas seulement des chrétiens de différentes confessions. « Ce sont aussi des musulmans, des juifs, des bouddhistes, des hindouistes, des témoins de Jéhovah, des mormons… Parmi ces minorités religieuses non chrétiennes, deux se détachent nettement : Les musulmans, les juifs. Les premiers, pour leur importance numérique qu’ils ont désormais dans le paysage religieux et les différentes affaires dans lesquelles ils se sont trouvés impliqués. Les seconds pour l’ancienneté de leur présence en France et par le fait que l’identité juive a été à jamais marquée par une tentative radicale d’extermination, la Shoah » (p 95) Les auteurs réunissent ces deux milieux différents dans un même chapitre parce qu’ils ont en commun de se distinguer par un mode de vie qui leur est propre. Ici les religions sont des modes de vie : « fêtes, pratiques alimentaires, et, à un moindre degré, pratiques vestimentaires ». Ces modes de vie attirent une visibilité, mais aussi engendrent une étrangeté.

La population musulmane en France se situerait entre 6 à 7%. C’est une population religieusement très active, ce qui apparaît dans tous les indicateurs et donne à ce groupe une place importante et une visibilité dans la pratique religieuse. « 71% des musulmans respectent le ramadan ce qui est une proportion considérable si l’on considère l’effort que représente cette pratique quotidienne du jeune pendant une trentaine de jours et, d’autre part, le fait que cette pratique se déroule dans une société environnante non musulmane ce qui en fait un marqueur visible d’identité musulmane » (p 103). Les auteurs nous décrivent ce monde musulman dans ses rapports délicats, bien souvent conflictuels avec la société globale. Leur regard est néanmoins encourageant : « Pourquoi croire en un islam intangible qui resterait fermé au questionnement critique et à des réformes ? Qui eut cru à l’époque du Syllabus (1864) que l’Eglise catholique reconnaitrait la liberté religieuse et l’œcuménisme ? » (p 111).

Environ 550 000 personnes se déclarent juives (p 114). Depuis les années 50, il y eu un renouvellement des origines par la part croissante des juifs venus d’Afrique du Nord. Les auteurs nous présentent le judaïsme dans sa double dimension « à la fois communautaire et ouvert sur la cité ».

La nouvelle diversité de la France se manifeste également à travers des minorités religieuses qui ont pris forme dans la seconde moitié du XXè siècle. Ce livre nous présente la communauté bouddhiste avec 600 000 adeptes (p 123). C’est l’expression française d’une religion mondiale bien connue par ailleurs. Cependant, il y a d’autres apparitions qui se sont manifestées à travers une expansion inattendue. Sait-on que les Témoins de Jéhovah sont passés de 10 000 membres à la fin des années 1950 à 15 5000 en 2018 et les mormons de 1 000 membres à 38 000. Ces évolutions sont souvent peu connues et nous sommes attachés à des représentations du passé : Une France catholique et une France laïque. « Historiquement et culturellement, la France est plus encline à une vision unitaire qu’à une vision pluraliste » (p 25). Mais aujourd’hui, la France a changé. « L’augmentation sensible de la proportion des français s’identifiant à une religion autre que catholique n’est pas anodine : 10% en 2018 contre 3% en 1981. Cette augmentation est principalement due à la croissance du nombre des personnes se déclarant musulmans ou à un moindre degré, protestants évangéliques (2) » (p 25).

Les influences respectives se modifient non seulement en fonction des changements relatifs dans les affiliations, mais également en fonction des évolutions dans les croyances et dans les pratiques. Par exemple, « La France religieuse des pratiquants est moins catholique et plus diversifiée religieusement qu’elle ne l’était auparavant . Les pratiquants réguliers sont aujourd’hui constitués de 53% de catholiques, 16% de musulmans, 9% de protestants, 9% d’autres religions et 12% de sans religion » (p 33).

Les répartitions se modifient également en fonction des lieux et des milieux sociaux. Ainsi les grandes agglomérations et les milieux ayant un niveau d’études supérieur sont davantage religieux.

La diversité religieuse ne se manifeste pas seulement à travers la pluralité des religions, mais à l’intérieur de celles-ci, par la diversité des tendances et aussi par les oppositions entre celles-ci. Dans de nombreuses religions, les intégrismes sont vigoureux et leurs contraires s’y manifestent également. Il y a « deux traits opposés dans les religiosités contemporaines, d’une part une religiosité centrée sur l’expérience spirituelle personnelle et conçue comme un chemin vers « sa »  vérité. D’autre part, une religion très formatée collectivement conçue comme la découverte de « la » vérité (p 129). On retrouve aujourd’hui la même différenciation entre « pèlerins et convertis » que Danièle Hervieu Léger mettait en évidence, il y a une vingtaine d’années, dans un livre toujours inspirant (3).

 

Un autre changement majeur est apparu au cours des dernières décennies : la vague des « sans religion ».

Si il y a un pluralisme religieux croissant, on peut parler aussi d’un « pluralisme convictionnel ». Une part de l’évolution actuelle est liée à des migrations de  population. C’est le cas de la communauté musulmane Mais il y a aussi des transformations opérant dans la société française. Il en est ainsi pour le changement majeur qui bouleverse le paysage français : la croissance rapide du nombre de personnes qui se disent « sans religion ». Si cette révolution atteint l’ensemble du monde occidental, elle est également très marquée en France. On passe de 27% de « sans religion » (dont 9% d’athées convaincus) en 1981 à 58% (dont 21% d’athées convaincus) en 2018. En quelques décennies, la proportion des « sans religion » a doublé. Aujourd’hui les « sans religion » constituent une majorité de la population française. Et cette majorité a remplacé la majorité catholique des années 1980. Celle-ci a décroché de 70% en 1981 à 32% en 2018.

On distingue deux groupes dans ces personnes sans religion : les athées convaincus : 21% et les sans religion indifférents : 37%. Ces chiffres sont parlant, mais ces données quantitatives nous paraissent à cet égard très insuffisantes. Comment a été perçu le catholicisme dont on s’est séparé ? Quelle image la religion évoque-t-elle pour être ainsi rejetée ? Quel est le tri qui s’est opéré ? On sait qu’une partie des « sans religion indifférents » manifestent des aspirations et des questionnements spirituels. Un quart des personnes sans religion croient en Dieu (p 28). 13% prient quotidiennement (p 35). Si des gens se disent sans religion, sont-ils pour cela «  des personnes sans domicile fixe de sens » (p 25) ou bien plutôt des gens chez lesquels un nouveau sens s’élabore, de nouvelles manières de percevoir le sacré se forgent ? Ce serait un laboratoire et il est dommage qu’il n’y ait pas davantage de recherches qualitatives à ce sujet. Cependant, dans l’enquête sur les valeurs des européens réalisée en 2008 et dont les résultats en France ont été publiés en 2009, figurait une question nouvelle particulièrement significative. 47% des français y répondaient « avoir leur propre manière d’être en contact avec le divin sans avoir besoin d’église et de service religieux. ». Cette attitude se rencontrait à la fois dans un sous groupe de « catholiques pratiquants irréguliers et non pratiquants » et chez des « sans religion ». C’est une indication importante sur l’évolution des mentalités. On peut également s’interroger à partir de la réponse de certains qui se disent « spirituels, mais pas religieux ».

 

Un changement de paradigme : de la modernité à l’ultra modernité.

Philippe Portier et Jean-Paul Willaime inscrivent leur ouvrage dans une perspective globale.

« Nous soutenons qu’après la modernité triomphante où des développements technoscientifique, sanitaire, économique, politique culturel et éducatif ont objectivement apporté des améliorations sensibles des niveaux de vie et ont nourri de fortes espérances séculières dans les bienfaits du Progrès », nous sommes désormais entrés dans un nouveau registre que nous qualifions d’« ultramodernité ». Dans ce nouveau registre, les espérance séculières se trouvent elles-mêmes désenchantées et des logiques d’incertitude ont pris le pas sur les certitudes modernistes… Dans ce nouveau régime où s’entremêlent continuités et discontinuités, s’effectue une mutation fondamentale que l’on vérifie empiriquement, à la fois une autre façon d’être moderne et une autre façon d’être religieux » (p 6). Ainsi ce livre ne nous apporte pas seulement des données importantes sur la religion en France, il nous introduit dans un regard sociologique qui a lui même profondément changé ; « Le premier moment de la modernité bouscule l’univers communautaire et hiérarchique issu du Moyen Age. Ce basculement affecte toutes les sphères de l’activité sociale : politique ave la naissance du régime démocratique, économique avec l’avènement de la société industrielle, culturelle avec la critique du récit théologique. Au principe de cette nouvelle civilisation morale, toute entière attachée à l’idée d’autonomie individuelle, on trouve quatre types de processus : de différenciation, de rationalisation, de pluralisation et de nationalisation. Ce mouvement s’accompagne sur le plan religieux d’un vaste processus de sécularisation : adossé au récit du progrès, la première modernité tend à écarter le religieux de son horizon de sens » (p 8). Le grand récit unificateur est inspiré par le thème du progrès. Dans cet univers, quelle place le religieux peut-il occuper ? « Les constats, de Marx à Weber en passant par Comte et Durkheim, convergent globalement sous l’effet de la différenciation et de la globalisation : le religieux, comme mode de communication avec une transcendance externe serait voué à s’effacer de l’horizon des sociétés qui s’annoncent » (p 12). De son emprise passée, le religieux ne garde que quelques restes « aux marges de la cité, dans la conscience des individus ». La sociologie a longtemps été dominée par cette perspective. « Cette analyse construite au XIXè siècle a accompagné la sociologie tout le XXè jusqu’aux années 1960 » (p 13). A la fin de cette période, cette théorie de la sécularisation prévaut dans plusieurs livres. Mais un tournant intervient alors dans la sociologie. « Dans les années 1970-1980, le monde occidental est confronté à l’irruption de toute une série de phénomènes nouveaux tels que l’ouverture à la mondialisation, le développement des biotechnologies et de l’intelligence artificielle, la révolution numérique, la déconstruction des différences de genre, la crise écologique, la critique accentuée du productivisme… Ces changements n’ont rien de superficiels. Dans leur profondeur, ils modifient les équilibres pratiques de la période antérieure et annoncent une recomposition du lien social » (p 15). Cette mutation sociale est désignée par deux termes : postmodernité et ultramodernité. Philippe Portier et Jean-Paul Willaime ont placé le concept d’ultra-modernité au cœur de leurs analyses (p 15). « L’ultramodernité, c’est la modernité bien sûr, mais c’est la modernité désenchantée, auto-relativisée, opérant par la désabsolutisation de tous les idéaux séculiers qui, dans un regard critique au religieux, s’étaient érigés en nouvelles certitudes… Ce basculement travaille la société dans son ensemble et, par voie de conséquence, le religieux qui, sous des formes inédites, fait retour, en profitant de la crise de la raison » (p 15) ; les auteurs exposent un changement de paradigme : épuisement de l’idée de raison, dislocation de l’idée d’institution, disparition de l’état fort. « Cette transformation radicale est la résultante d’une sécularisation au carré. La critique portait jadis sur les formes du religieux. Le désenchantement concerne aujourd’hui les figures du siècle » (p18). Trois mouvements caractérisent la nouvelle période. C’est « la dissémination du religieux » comme une radicalisation du pluralisme. « Nos sociétés sont devenus en fait des mosaïques d’appartenance ». « A l’intérieur même de chacun des univers confessionnels, des sensibilités différentes émergent sans cesse. Cet éclatement procède sans doute de la mondialisation. Il vient également d’un subjectivisme triomphant. La déprivatisation du croire constitue un deuxième trait de l’époque contemporaine. Enfin c’est la désinstitutionnalisation de la foi. C’en est fini des disciplines d’hier qui voyaient les églises imposer leur régime de vérité à tous les fidèles… ». Les auteurs citent Michel de Certeau : « Il n’y a plus d’articulations fermes entre l’acte de croire et les signes jadis liés à la foi » (p 19-20). Ce n’est pas le retour du religieux tel qu’il était autrefois. Philippe Portier et Jean-Paul Willaime nous parlent d’une recomposition. « Plus de sécularité n’entraine pas moins de religion, mais du religieux autrement » (p 29). (4) Au total, le paysage est aujourd’hui très divers et très mobile. Il nous paraît que l’ouverture actuelle au religieux sous de nouvelles formes ouvre l’horizon. Philippe Portier et Jean-Paul Willaime concluent ainsi leur ouvrage : « La nouvelle scène religieuse de la France contemporaine laisse apparaitre un religieux tout à la fois décléricalisé et expérientiel qui s’emploie en association avec le monde séculier à offrir du sens, mais aussi, parfois de la norme, à une modernité désormais pétrie d’incertitudes » (p 300).

Ce livre répond à nos questions sur les différents visages du religieux en France. Et il inscrit les connaissance qu’il nous apporte dans une histoire. Cette histoire, c’est la succession de deux grandes périodes : la modernité et la séquence qui a suivi et que les auteurs appellent l’ultramodernité. Mais, de même que la modernité a des racines plus profondes que le siècle des Lumières, on peut se demander si le changement d’état d’esprit correspondant à l’identification de l’ultramodernité n’a pas précédé sa reconnaissance par la sociologie. Depuis le siècle des Lumières, les mouvements de contestation n’ont pas manqué. Et le mythe du progrès a été mis à mal par le carnage de la grande guerre. L’insatisfaction vis à vis d’un vide spirituel perçu dans une société prospère a éclaté au grand jour dans les manifestations étudiantes autour des années 1968. Le livre de Hans Joas : « Les pouvoirs du sacré » (5), nous apporte une histoire intellectuelle sur « les alternatives au désenchantement ». Et il rapporte, entre autres, les recherches de William James sur l’expérience spirituelle.

La dynamique de Témoins prend appui dans la reconnaissance des choix personnels déjà présents dans « la société des individus », qui prospère dans la modernité, et qui a été très tôt mise en valeur par la sociologue Danièle Hervieu Léger dans le terme d’« autonomie croyante » (6). Dès le début, Témoins a participé à une proposition de l’Evangile, à une vision de la communion divine répondant à des aspirations spirituelles largement répandues et aussi à un besoin de fraternité. Et aujourd’hui, ce message s’inscrit dans la recherche d’une spiritualité nouvelle où puisse se manifester une harmonie entre l’être intérieur, les autres humains et la nature dans l’inspiration divine. C’est un message de Vie pour la vie.

Et, dans cette perspective, Témoins s’est immédiatement interrogé, à partir de la sociologie, sur le manque de pertinence de l’apport des institutions, le déphasage des pratiques de beaucoup d’églises qui sont encore, pour une part, empreintes de prémodernité. Si le nombre des sans-religion s’est considérablement étendu, n’est-ce pas en partie parce que la « religion organisée » n’a pas répondu aux attentes ? Manifestement, il y a place aujourd’hui pour des recherches qualitatives pouvant nourrir une écoute et un dialogue (7).

Ce livre nous appelle à l’ouverture. Il nous appelle aussi à l’humilité. Nous y découvrons un foisonnement du religieux qui nous dépasse. Une pensée nous vient à l’esprit : le message de Paul à Athènes . « Dieu a voulu que les hommes le cherchent et qu’ils s’efforçassent de le trouver en tâtonnant, bien qu’ils ne soient pas loin de chacun de nous, car en Lui, nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 17-27).

Jean Hassenforder

 

  1. Philippe Portier. Jean-Paul Willaime. La religion dans la France contemporaine. Entre sécularisation et recomposition. Armand Colin, 2021
  2. Comment le paysage religieux en France a complètement changé en quarante ans : https://www.temoins.com/comment-le-paysage-religieux-en-france-a-completement-change-en-quarante-ans/ L’émergence d’un nouveau paysage religieux en France : Croire sans appartenir : https://www.temoins.com/lemergence-dun-nouveau-paysage-religieux-en-france-croire-sans-appartenir/
  3. Danièle Hervieu Léger. Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement. Champs Flammarion, 2001 (édition de poche)
  4. Sur l’évolution de la sociologie de la modernité à l’ultramodernité, voir aussi : Comprendre les changements actuels dans notre manière de croire. La recomposition du religieux dans la modernité selon Danièle Hervieu-léger : https://www.temoins.com/comprendre-les-changements-actuels-dans-notre-maniere-de-croire/
  5. Hans Joas. Les pouvoirs du sacré. Une alternative au récit du désenchantement. Seuil 2020
  6. L’autonomie croyante. Questions pour les églises. (Interview de Danièle Hervieu-Léger) : https://www.temoins.com/jean-hassenforder-lautonomie-croyante-questions-pour-les-eglises/
  7. On trouvera un bel exemple de recherche qualitative en Angleterre : « Annoncer l’Évangile dans un âge spirituel » : https://www.temoins.com/annoncer-levangile-dans-un-age-spirituel/ Voir aussi : Les grandes questions de la vie : https://www.temoins.com/jean-hassenforder-les-grandes-questions-de-la-vie/
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