« I want to know if my hairs is just like yours ». « Touch it, Dude ! » Juin 2014
« Je veux savoir si mes cheveux sont vraiment comme les tiens. »
« Vas-y, bonhomme, touche ! »

 

Barack Obama vient de publier le premier volume de ses mémoires : « Une Terre Promise » (1). La présentation qui en est donnée en page de couverture, mérite d’être rappelée ici : «Dans le premier volume de ses mémoires présidentielles, Barack Obama raconte l’histoire passionnante de son incroyable odyssée, celle d’un jeune homme en quête d’identité devenu dirigeant du monde libre, retraçant de manière personnelle son éducation politique et les moments emblématiques du premier mandat de sa présidence.

Obama nous invite à le suivre dans son incroyable voyage et ses premiers pas sur la scène politique à sa victoire décisive aux primaires de l’Iowa qui démontre le pouvoir de l’engagement citoyen, et jusqu’à la soirée historique du 4 novembre 2008 lorsqu’il fut élu quarante quatrième président des Etats-Unis devenant ainsi le premier afro-américain à accéder à la fonction suprême.

En revenant sur les grandes heures de sa présidence, Barack Obama nous offre un point de vue unique sur l’exercice du pouvoir présidentiel, son amplitude phénoménale, mais aussi ses limites, ainsi qu’un témoignage singulier sur les ressorts de la politique intérieure et de la diplomatie internationale ».

La première campagne présidentielle de Barack Obama a suscité des échos dans le monde entier. Il y avait là une promesse de transformation en profondeur de la société politique américaine dans un mouvement de justice sociale et de respect des groupes jusque là discriminés. Et un grand élan participatif était apparu dans la confiance et l’espérance. « Yes, we can » (Oui,
nous pouvons). Ainsi, l’élection de Barack Obama nous est apparue non seulement comme un tournant de l’histoire américaine, mais comme un tournant de l’histoire du monde, un véritable signe des temps (2).

A l’époque, Dominique Moïsi, chercheur à l’IFRI, venait de publier un livre : « Géopolitique de l’émotion » (3). La scène internationale n’est pas soumise uniquement aux couleurs politiques. Les émotions collectives jouent un rôle moteur, ainsi l’humiliation, la peur et l’espoir. Il n’y a pas de fatalité. C’est bien sous le signe de l’espoir que s’est placée l’action d’Obama et son ouvrage : « une Terre Promise ». Dans un livre précédent, il avait parlé de « l’audace de l’espoir » : « Audacy of hope ». Cet espoir requiert une considération pour l’homme et son potentiel. Il s’accompagne de la confiance. C’est bien l’esprit que l’on trouve dans la biographie de Barack Obama. Dans un monde inquiet, cette biographie éveille la sympathie et rencontre une audience internationale. Nous en sommes témoins par une réaction que ce livre a suscité autour de nous. Si des amis ont manifesté de l’enthousiasme lors de la publication de ce livre, nous avons pu constater, lors d’une hospitalisation, que cet ouvrage éveillait de l’intérêt chez certaines aides-soignantes d’origine africaine.

Genèse d’une personnalité

Cette biographie nous permet de suivre le premier mandat de la présidence de Barack Obama dans ses réflexions personnelles face aux grands enjeux de l’époque, dans le contexte des disputes et des conflits de l’époque. Mais ce qui nous intéresse ici en premier, c’est comme cette personnalité a émergé et comment elle s’est engagée et a gagné la campagne présidentielle. Le  témoignage de Barack Obama nous apporte une réponse.

Il nous éclaire sur son entourage familial, sa mère, ses grandsparents maternels et la manière dont il a grandi à Hawaï. Et puis, advient ensuite un long périple sur le continent américain, dés études universitaires, un travail sociale de développement communautaire à Chicago et puis des études de droit dans la prestigieuse université d’Harvard. C’est tout un cheminement à partir d’un idéalisme studieux. Barack nous décrit sa rencontre avec Michèle et leur mariage, un tournant majeur dans sa vie. Ainsi il a fallu des années à Barack Obama pour qu’il parvienne à un niveau de maturité à partir duquel il s’est ensuite engagé dans la vie politique. Ce parcours nous apprend combien nos évolutions requièrent du temps.

Mais c’est durant cette période que l’idéal d’Obama s’est forgé.

C’était le rêve américain. « L’idée de l’Amérique, la promesse de l’Amérique, ça je m’y suis accroché avec une obstination qui me surprenait moi-même. Nous tenons pour évidentes les vérités suivantes que les hommes sont créés égaux. Voilà l’Amérique telle que je la concevais. L’Amérique de la Déclaration d’indépendance, de Tocqueville, le pays de Whitman et de Thoreau, où nul ne m’était inférieur ou supérieur, l’Amérique des pionniers qui étaient partis vers l’Ouest en quête d’une vie meilleure ou des immigrés qui avaient débarqué à Ellis Island poussés par la soif de la liberté… C’était l’Amérique de Lincoln à Gettysburg, du Centre des œuvres sociales de la militante du droit des femmes, Jane Addams à Chicago, des GI épuisés sur les plages de Normandie et de Martin Luther King appelant la nation toute entière, et lui le premier, à s’armer de courage.

C’était la Constitution et le Bill of Rights rédigés par des penseurs brillants, même s’ils n’étaient pas sans défauts, qui avaient su fonder sur la raison un système à la fois solide et souple, ouvert aux changements » (p32-33).

De père kenyan, Barack Obama est métis. Il s’inscrit ainsi dans la communauté afro-américaine en lutte pour son émancipation après l’asservissement de l’esclavage et portant haut le message de Martin Luther King (4). Le titre même de cette biographie, « une terre promise » renvoie à l’inspiration judéo-chrétienne, celle de l’exode du pays d’Egypte vers la terre promise.

Très concrètement, lorsque après ses études universitaires, en 1983, Barack prend un emploi à Chicago dans une association d’églises qui s’étaient regroupées pour maintenir à flot des populations ravagées à la suite de la fermeture des aciéries. «Cette expérience lui a permis de reprendre pied dans le monde réel ». « Il me fallait désormais être à l’écoute des problèmes des gens au lieu de broder des théories. Je devais demander à des inconnus de se joindre à moi et de collaborer sur des projets concrets : réhabiliter un parc, désamianter des logements sociaux ou monter un programme de cours du soir. J’ai connu des échecs où j’ai appris à me retrousser les manches…
Autrement dit, j’ai grandi » (p 34). Cette expérience a été une occasion de développer son aptitude à la relation et le goût de celle-ci qui vont être une caractéristique marquante de sa vie politique. Barack écrit ainsi : « J’ai fini par m’attacher aux hommes et aux femmes avec qui je travaillais… Les épreuves que toutes ces personnes avaient traversées et leurs modestes triomphes ne cessaient de me conforter dans l’idée que les gens étaient foncièrement bons et honnêtes. Grâce à eux, j’ai vu à quelles transformations on pouvait aboutir quand les citoyens demandent à leurs dirigeant et aux institutions de leur rendre compte, même sur les questions les plus triviales » (p 34). Ici, Barack nous dit avoir beaucoup appris : « Grâce à eux, j’ai pu résoudre les questions qui me taraudaient sur ma propre identité raciale. Car je me suis rendu compte qu’il n’existait pas une seule et unique façon d’être noir. Essayer d’être un type bien était déjà suffisant. Grâce à eux, j’ai découvert une communauté de croyances… Et comme j’entendais dans les salles en sous-sol des églises… exalter ces mêmes valeurs : l’honnêteté, le travail, la compassion, que m’avaient inculquées ma mère et mes grands-parents, j’en suis venu à croire en la force du lien commun qui unissait les gens » (p 34-35).

Si l’engagement d’Obama s’opère progressivement sur la scène intérieure, tout d’abord dans l’Illinois, puis au sénat des Etats-Unis, enfin dans la campagne présidentielle jusqu’à l’accession à la présidence, il a, dés le départ, une conscience internationale. Cela tient à ses origines. Né d’un père kenyan et d’une mère américaine, il passe sa première jeunesse dans le Pacifique, notamment à Hawaï. Si il croit en la vertu de l’idéal américain, il a bien conscience des méfaits de l’impérialisme et il votera par ailleurs contre la guerre en Irak. Il sait que les Etats-Unis sont la première puissance dont les habitants viennent des quatre coins de la terre. Lorsque vient le moment de sa candidature à la présidence aux Etats-Unis, dans une conversation avec Michèle, la motivation internationale, transethnique de Barack Obama, s’exprime du fond du cœur : « Je sais une chose. Je sais que le jour où je lèverai la main pour prêter serment à la présidence des Etats-Unis, le monde commencera à porter un regard différent sur les Etats-Unis. Je sais que tous les gamins de ce pays, les gamins noirs, les
gamins latinos, tous les gamins qui ont l’impression de ne pas être à leur place ici, porteront eux aussi un regard différent sur eux-mêmes, leur horizon soudain dégagé, le champ des possibles soudain ouvert devant eux » (p 112).
Obama porte un espoir en faveur de la diversité des origines.

Barack Obama : le primat de la relation

Le premier pas d’Obama dans la campagne présidentielle fut la victoire d’Obama à la désignation des représentants démocrates de l’Iowa. Ce fut le résultat d’une intense activité auprès des électeurs. Barack Obama a montré là une grande capacité de relation avec des gens différents de sa propre condition. L’Iowa est un état rural. Sa victoire est la résultante d’une volonté délibérée : rassembler : « J’avais compris que pour faire vraiment bouger les choses, je devais pouvoir parler au plus grand nombre » (p 68). Son activité politique dans l’Illinois, un état aux populations très diversifiées, avait été un bon apprentissage en ce sens.

Ce livre révèle l’intensité des campagnes électorales américaines. Là où il s’est engagé, Barack Obama a su rassembler et mobiliser de fervents soutiens et un grand nombre de bénévoles. C’est un effet de ses convictions, mais aussi de sa chaleur humaine.

Cette attention relationnelle est bien mise en évidence par le livre. Et bien sur, cette qualité apparait en premier dans sa vie familiale : l’amour respectueux porté à Michelle, une relation attentive et joyeuse avec ses deux filles, Malia et Sasha. A de nombreuses reprises, il exprime l’importance des relations familiales et la nécessité de ne pas les négliger au profit d’une ambition de carrière. Cette attention relationnelle est également constante dans son activité politique. Ainsi, non seulement dans ce livre, il évoque un grand nombre de personnes, mais encore, il en décrit souvent la personnalité en quelques lignes. Cette approche est présente à la fois dans la manière dont il rapporte ses campagnes électorales et lorsqu’il décrit le milieu
politique auquel il a affaire durant sa présidence. Ses descriptions sont parfois empreintes d’humour, mais toujours de respect, y compris pour ses adversaires. Cette aptitude relationnelle va également lui permettre de gouverner en écoutant ses conseillers. C’est la voie d’une meilleure prise de décision. Et Barack Obama a su également garder le contact avec ses électeurs, avec les citoyens américains à travers un service de correspondance où il a répondu personnellement chaque jour à quelques lettres (5).

 

Pour une bonne part, ce livre traite du premier mandat présidentiel. Et bien sur, si Obama progresse dans son projet, il rencontre aussi beaucoup d’oppositions, beaucoup d’empêchements. Nous y apprenons la complexité de la vie politique. Certainement, Barack Obama n’a pas atteint la « Terre promise », mais celle-ci est l’aboutissement d’un chemin qui se manifeste à travers un état d’esprit. Dans sa symbolique chrétienne, si magnifiquement exprimée par Martin Luther King, la Terre Promise se manifeste à travers une société nouvelle et régénérée. A travers la biographie de Barack Obama, nous percevons un mouvement persévérant pour aller dans ce sens. Ne s’ouvre-t-elle pas par une citation en extrait d’un spiritual afro-américain :

« O vole et jamais ne fatigue
Vole et jamais ne fatigue …
Un grand rassemblement
se trouve en Terre Promise »
Jean Hassenforder

 

 

 

1. Barack Obama. Une Terre Promise. Fayard, 2020
2. Le phénomène Obama. Un signe des temps : https://www.temoins.com/jeanhassenforder-le-phenomene-obama-un-signe-des-temps/
3. Dominique Moisi. Géopolitique de l’émotion. Flammarion , 2008
4. De Martin Luther King à Obama : http://vivreetesperer.com/de-martin-luther-king-aobama/
5. Récits de vie et gouvernance participative : https://vivreetesperer.com/recits-de-vieet-gouvernance-participative/
Autres textes
La prière dans la vie de Barack Obama : http://vivreetesperer.com/la-priere-dans-la-vie-debarack-obama/
Barack Obama au Kirchentag : https://vivreetesperer.com/notre-responsabilite-pour-lemonde/
La rencontre entre le Président Obama et le pape François : http://vivreetesperer.com/larencontre-entre-le-president-obama-et-le-pape-francois/

Barack Obama présente Une terre promise : https://youtu.be/8JQcjGmzXcw


« J’espère que les gens qui ne pourront pas lire le livre prendront plaisir à l’écouter. »
Un extrait de livre audio en français lu parJérémie Covillault, Traduit par Pierre Demarty,
Charles Recoursé, Nicolas Richard : https://www.audiolib.fr/livre-audio/une-terre-promisepromised-land-les-memoires-presidentiels-tome-1-9791035405656
Sur France Inter le 8 février 2021, Barack Obama en interview exclusive pour parler de son
livre chez Augustin Trapenard revient sur son parcours, sur le pouvoir des mots et sur ses
espoirs pour le monde de demain : https://youtu.be/STYIGlGaSc0 DG

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