Selon Brian McLaren

Nous avons conscience de la grande mutation dans laquelle l’humanité est engagée. Nous percevons l’ampleur de cette transformation. Et naturellement nos pratiques chrétiennes sont appelées à y participer. Alors peut-on entrevoir un nouveau genre de christianisme en train d’émerger ?

Pionnier de l’Église émergente aux États-Unis, Brian McLaren (1) peut aider à cette lecture. Nous avons suivi son parcours. Aujourd’hui, il a beaucoup appris de ses premières expériences et sa vision s’est élargie dans une appréhension globale du christianisme. Ainsi, dans un livre récent, il nous appelle à une « migration spirituelle » (2). Aujourd’hui, Brian McLaren s’exprime à la demande de Richard Rohr (3), un prêtre franciscain, fondateur et animateur du « Center for action and contemplation » (Centre pour l’action et la contemplation) (4) ou il propose une spiritualité œcuménique alliant approche contemplative et engagement chrétien dans le monde.

Les 2 et 3 janvier 2020, Brian McLaren a  ainsi exposé la manière dont il entrevoit un nouveau genre de christianisme en phase avec la transformation du monde (5). Dans son livre précédent : « The spiritual migration » (2), Brian McLaren a déjà largement abordé ce sujet. Aujourd’hui, nous trouvons ici un texte court, facilement accessible, et c’est pourquoi nous en proposons les principaux extraits.

 

Un mouvement trans-dénominationnel portant une spiritualité engagée et contemplative

« De plus en plus nombreux, sont ceux, qui, parmi nous, espérons, prions et nous dévouons pour un nouveau genre de christianisme. Ce nouveau genre de christianisme peut seulement émerger comme un mouvement  trans-dénominationnel portant un activisme spirituel et contemplatif (« trans-denominational movement of contemplative spiritual activism ») .

Le christianisme émergent sera décentralisé et divers plutôt que centralisé et uniforme. En d’autres mots, il prendra la forme d’un mouvement plutôt que d’une institution. Il résultera de la poussée commune résultant d’un unité manifesté dans un genre de vie, une mission, des pratiques et une vision du bien commun

Au lieu d’enfermer et de centraliser les ressources comme l’expertise, l’éducation, le conseil et l’autorité, nous avons besoin de les multiplier et de les démocratiser ».

C’est l’approche d’un mouvement. « Jésus a joué le rôle d’un leader non violent et a lancé son mouvement dans les termes classiques d’un mouvement ». Brian McLaren nous renvoie aux paroles et aux actes de Jésus. Ainsi, « il a usé de son pouvoir pour donner du pouvoir aux autres. Il a fait de grandes choses pour inspirer ses disciples d’en faire même de plus grandes (Jean 14.12-14). Il leur a rappelé que toutes ses brebis n’étaient pas dans la même bergerie (Jean 10.16) ».

Et, de même, on peut entrevoir dans l’approche de Jésus, et ensuite celle de Paul, la manière utilisée pour développer un mouvement (leader, enseignant, praticien)

« A une époque dangereuse comme la notre, nous avons besoin de susciter une génération de militants dévoués, courageux, créativement contemplatifs qui suivent Dieu pour amener un changement et une guérison radicale à ce monde blessé, endommagé avant qu’il ne soit trop tard.

Nous avons besoin de ce mouvement, pas un jour, peut-être, mais tout de suite ».

 

Un mouvement centré sur l’amour

« Le mouvement décentralisé et diversifié dont nous avons besoin sera radicalement collaboratif, œuvrant avec, à travers et lorsque nécessaire en dehors et en dépit des institutions existantes en recherchant le bien commun.

Il ne sera pas anti-institutionnel parce que les institutions sont nécessaires pour la survie humaine, et il ne sera pas non plus institutionnel dans le sens de se préoccuper de sa propre survie ou d’apporter des bénéfices uniquement à ses membres. Plutôt, il sera trans-institutionnel, œuvrant à travers les institutions à la fois religieuses et non religieuses en recherchant le bien commun de ceux qui sont à l’intérieur et à l’extérieur du mouvement et des institutions qu’il implique.

L’aspect le plus important de ce nouveau genre de christianisme à venir, est simple, évident, et cependant radical. Il s’agit de l’amour comme Jésus l’a enseigné et incarné

Le Nouveau Testament nous apprend clairement et abondamment que ce qui caractérise Jésus, c’est l’amour d’abord et avant tout, en parole et en action. Jésus commença par l’amour de Dieu, mais de manière inséparable avec l’amour du prochain, avec cctte compréhension que le prochain signifie l’autre, celui du dehors, le rejeté, le dernier, le moins, le perdu, le disgracié et l’ennemi. L’amour du prochain est à son tour inextricablement relié à un amour approprié pour soi. De fait, aimer le prochain comme soi-même mène à la compréhension que nous-même et notre prochain, nous sommes des réalités à la fois distinctes et inséparables. Dans le monde d’aujourd’hui, nous devons ajouter que, pour Jésus, l’amour de Dieu s’étend à la fleur sauvage,  à l’herbe du pâturage, au moineau et au corbeau. Il a vu toutes les créatures de Dieu comme une partie du Royaume céleste, comme l’a fait Saint François et de plus en plus d’entre nous aujourd’hui.

Quand je pense au nouveau genre de christianisme à venir, je pense au mouvement d’un amour révolutionnaire. Je le vois comme distinctement chrétien, mais sans aucune exclusive, car si nous aimons comme vraiment Jésus nous le montre passionnément, alors, la profondeur de notre attachement au Christ nous engagera à aimer nos prochains juifs, musulmans, hindous, bouddhistes,… agnostiques, athées et autres comme nous-même ».

Et voilà comment Brian McLaren envisage le nouveau genre de christianisme à venir.

« Dans ce futur désiré, chaque communauté se voulant chrétienne soumet toute tendance compétitive à l’amour qui est le fruit de toute contemplation et le but de toute action. Si nous incarnons cette forme émergente de christianisme… si nous devenons les semences d’un activisme contemplatif dans l’Esprit du Christ, je peux imaginer des centaines de milliers de congrégations, chacune une école d’amour localement et globalement engagée, enseignant aux générations futures à découvrir l’amour, à le pratiquer et à le vivre, amour pour notre prochain, amour pour nous-même, amour pour toutes les créatures et pour toute la création, un amour inclusif pour Dieu qui est tout en tous ».

Vision d’avenir

Nous vivons dans monde difficile où les menaces abondent . C’est un monde où l’humanité a soif d’espérance. Dans la prise de conscience écologique, il y a quelque part la reconnaissance que l’humanité ne peut tout ramener à elle et doit s’ouvrir à une autre dimension.  Si, à la fois, la communication  numérique abaisse les barrières, si l’autonomie personnelle grandit, en regard, il y aussi de nouveaux isolements qui apparaissent et, en conséquence, un désir accru de fraternité à l’échelle de ce monde nouveau. Nous sentons se lever autour des nous des aspirations nouvelles, des aspirations spirituelles : reconnaissance du vivant,  de l’être humain  dans toute sa dimension, désir de fraternité.

En regard, le paysage chrétien ne paraît pas à la mesure de ces aspirations. Il y a un grand écart entre l’évolution des institutions et le changement des mentalités. Dans un contexte chrétien, si des groupes peuvent se crisper et des institutions rechigner au changement et perdre du terrain,  n’y a-t-il pas également un tissu chrétien qui se cherche en renouvellement et une montée spirituelle qui grandit.

Si, dans la part active du « christianisme institutionnel», il y aura toujours des ressources : lieux d’hospitalité, d’étude, de prière, on peut imaginer en regard un tissu chrétien en mouvement, en renouvellement et prenant forme, à la fois en relation ou partie prenante par rapport aux institutions et libres d’esprit à leur égard . La vision de Brian McLaren vient éclairer cette piste de recherche dans une perspective plus vaste. C’est la dynamique d’un christianisme en terme de mouvement, avec l’amour comme ferment et une vision universelle de l’œuvre divine.

Jean Hassenforder

  1. « Une théologie émergente. Qu’est-ce qu’une orthodoxie généreuse ? » : https://www.temoins.com/une-theologie-pour-leglise-emergente-quest-ce-quune-qorthodoxie-genereuseaampqu/
  2. « La grande migration spirituelle » : https://www.temoins.com/la-grande-migration-spirituelle/
  3. Richard Rohr est notamment l’auteur un livre : « The Divine Dance », présentation d’une théologie trinitaire très appréciée par des personnalités chrétiennes du christianisme en mouvement aux États-Unis : http://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
  4. Center for action and contemplation : https://cac.org

Interventions de Brian McLaren sur le site du Center for action and contemplation  les 2 et 3 janvier 2020 : https://cac.org/diverse-discipleship-2020-01-02/  https://cac.org/a-school-for-love-2020-01-03/

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