Cynthia Fleury, directrice de la chaire de philosophie à l’Hopital Saint Anne à Paris

« Pour réarmer les désirs de chacun alors que nous sommes dans des situations à la fois d’effondrement, de fatigue, de déplacement, de découragement, il fallait dire: « Mais ça suffit, ça suffit. » Le silence, l’horizon, la santé physique et psychique sont autant de bien à défendre. Ce qu’on ne peut voler est une clé du bonheur.

Le silence, le temps long ou encore la vue…: https://youtu.be/EJpkyrsk9IU

« Ce qui ne s’achète pas : la définition du bonheur selon Cynthia Fleurye : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-grande-table-idees/ce-qui-ne-s-achete-pas-la-definition-du-bonheur-selon-cynthia-fleury-7074646

« En vacances, on essaie de reprendre la main sur le temps »: https://youtu.be/NJfsXBOoTpA

« Je donne un exemple, préserver une vue. C’est-à-dire, tous les jours, avoir la possibilité dans sa vie la plus quotidienne d’avoir accès à l’horizon, d’être porté par cela. Un paysage, que ce paysage soit rural, urbain, tout ce que vous voulez, la jungle, etc. mais tout à coup dire: « mon Dieu, ce milieu autours de moi, il doit être « phorique ». Phorique – au sens grec, « phorein » c’est-à-dire « porter » -, c’est-à-dire tout d’un coup, je peux, de manière politique, me ressaisir, me reconstituer, me restaurer dans ma santé parce que je regarde au loin et que, de manière existentielle, je me nourris de cela.

« Quand on a fait cette charte, l’enjeu c’était de dire: « qu’est-ce que c’est demain « préserver une vue » pour un directeur d’hôpital ? qu’est-ce que c’est demain « préserver une vue » pour un directeur de prison ? qu’est-ce que c’est demain « préserver une vue » pour un directeur d’école, etc. ? C’est-à-dire des lieux qui, dans un premier temps, ne pensent pas que: « tiens, l’accès à l’horizon, c’est vital pour la vie bonne.

Donc la vue, le silence… aujourd’hui on a une confiscation du silence par les espaces de luxe, alors que c’est une denrée essentielle pour l’âme, l’esprit, le corps. Le silence, c’est une ressource cognitive, clinicienne, thérapeutique, c’est une ressource pour le sacré. Comment se recueillir correctement si on ne fait pas silence, on en a besoin dans les espaces publics, parce que c’est une fonction politique.

Comment bien se parler, comment bien délibérer démocratiquement si, à un moment donné, on ne s’écoute pas ? Si on ne fait pas silence ? On voit que le fardeau sonore est toujours porté par les plus vulnérables. C’est pour ça qu’on a posé le « care », la philosophie du « care » comme une phénoménologie du politique. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’en fait, ça rend visible tout ce que le politique veut rendre invisible, et qui est de plus en plus inacceptable. Donc, on met en lumière tous ces points de vulnérabilité et à partir de là, on renverse le pouvoir, d’une certaine façon. Et ont fait en sorte que ne se joue pas là de la domination, mais du « prendre soin ». Pourquoi ce « prendre soin » ? Parce que c’est à partir de ce « prendre soin » qu’on reconstitue, qu’on restaure nos capacités d’agir, nos puissances d’agir ». (France Culture, « La grande table », 29/07/2022)

Pour fêter les 10 ans de la série ‘Un été avec’, Cynthia Fleury a choisi de faire découvrir aux auditeurs Vladimir Jankélévitch (1903-1985), penseur-clé du XX e siècle qui disait ne travailler que pour le XXIe siècle https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-ete-avec-jankelevitch

DG

 

À lire:

Ce qui ne peut être volé. Charte du Verstohlen, Cynthia Fleury

Antoine Fenoglio

https://tracts.gallimard.fr/fr/products/ce-qui-ne-peut-etre-vole#:~:text=Antoine%20Fenoglio&text=S’est%20fait%20ressentir%20le,que%20ce%20vol%20ait%20lieu

S’est fait ressentir le besoin de disposer d’un manifeste qui viendrait poser sans hiérarchie ce qui ne peut nous être volé, du silence à l’horizon, de la santé au temps long, de même que les méthodes et approches qui permettraient d’éviter que ce vol ait lieu. Cette charte aurait vocation à inspirer tous ceux qui ont besoin de réarmer leur désir, de s’appuyer sur quelques compagnons déjà constitués, de partager des méthodes de conception et de déploiement et d’arpenter ensemble les chemins de la ‘vie bonne’. Car nous sommes des hommes dont l’humanisme est fragile ; et chacun d’entre nous tisse dans la matière de sa vie des façons de se lier à des collectifs plus régulateurs, tout en assumant un principe d’individuation digne de ce nom, test de crédibilité de l’État de droit. Il s’agit dès lors d’inventer une technique de la furtivité – d’où cette charte tient sa désignation, le Verstohlen –, c’est-à-dire de maintien au monde en y consolidant nos pouvoirs d’agir et nos libertés.

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