Décrypter l’actualité avec Gabriel Monet

Dans une actualité où les nouvelles se bousculent, ce sont souvent les plus mauvaises qui sont mises en exergue. Au total, c’est la crainte, le fatalisme, la démobilisation qui peuvent en résulter. Des journalises ont perçu cet effet et ils se sont regroupés pour agir en terme de « reporters d’espoir, journalistes de solution » (1). Pionnier de la psychologie positive, Jacques Lecomte abonde dans le même sens au point d’écrire un livre où il met en évidence les réussites qui peuvent nous encourager : « Le monde va beaucoup mieux que vous ne croyez » (2).

En fait, les réseaux sociaux et l’environnement médiatique traitent des nouvelles selon des émotions et des représentations collectives qui s’y imposent et s’y confrontent. A l’arrière-plan, ces émotions et ces représentations dépendent des expériences et des attitudes devant la vie de ceux qui les partagent, de leurs valeurs et de leur éthique. Dans ce champ, le climat varie. En certains espaces et à certains moments, violence et agressivité peuvent s’exprimer sous des formes variées du persiflage et de la dérision à la critique tout azimut et à la fabrication de boucs émissaires. Si la défiance l’emporte sur la confiance, alors une méfiance systématique va s’exprimer allant jusqu’à la théorie du complot.

Ainsi,  un traitement objectif de l’information fondé sur un recueil fiable et contrôlé des données , la distinction entre la matière de la nouvelle et le commentaire, ne peut l’emporter, à lui seul, sans un environnement qui manifeste un parti pris de confiance. Et, en des termes voisins, la bienveillance n’influe pas seulement sur l’usage de l’information, mais sur sa qualité même.

C’est dire combien  le recueil de chroniques publiées par Gabriel Monet sous le titre : « le défi de la bienveillance » (3), est bienvenu.

« Au travers des ses chroniques radio hebdomadaires ici rassemblées, Gabriel Monet cherche à susciter la réflexion à partir de l’information. Son regard n’est pas neutre . Il se veut libre, constructif et assume un point de vue chrétien ».  Dans ce champ de l’information  exposé à pressions et à des interprétations de toutes sortes, ce travail de réflexion à partir de l’information est de première importance. « Il s’agit malgré tout de distinguer ce qui va bien et donc de savoir s’enthousiasmer et oser la bienveillance. En tout cas, il est important d’avoir un regard lucide et de prendre le temps d’analyser les évènements qui jalonnent notre quotidien . Il est vrai que les nouvelles ne sont pas toujours bonnes. Pourtant ce n’est pas une fatalité. Au contraire, cela doit encourager notre responsabilité pour réagir et être proactif afin de faire émerger des signes, des gestes et des attitudes de bienveillance » (4). Et, effectivement, dans ces chroniques, Gabriel Monet s’engage dans l’esprit de valeurs qui peuvent s’exprimer en terme de bienveillance.

 

La montée de la bienveillance

Or, dans le grand tumulte de notre époque, n’est-il pas signifiant que la bienveillance devienne aujourd’hui  une attitude privilégiée dans des champs très différents ? Ici l’information, mais aussi l’éducation, le travail et même une réinterprétation de certains concepts religieux. Ainsi, si nous vivons des temps difficiles, un regard rétrospectif peut nous indiquer des progrès discrets dans nos pratiques relationnelles. Dans un article paru dans « Sciences humaines », Jean-François Dortier s’est récemment interrogé dans un article intitulé : « Empathie et bienveillance, révolution ou effet de mode » (5). Or, c’est bien une évolution profonde qui apparaît. Et, par exemple, le succès du mot : empathie, quasi inconnu il y a un demi-siècle, « en dit long tant sur la façon de penser les rapports humains que sur nos attentes dans ce domaine ». « Dans les livres en langue française,  son usage a grimpé en flèche dans les décennies 1990 et 2000 »

Dans l’éducation, selon Béatrice Kammerer (6), on voit aujourd’hui un courant de pensée et d’action se développe en faveur d’une éducation bienveillante. Et ce courant a des fondements puisqu’il s’appuie sur des mouvements qui font aujourd’hui référence : « La théorie du care développée au début des années 1980 par la psychologue et la philosophe américaine, Carol Gilligan, la psychologie positive née aux Etats-Unis en 1998 sous l’impulsion du chercheur en psychologie Martin Seligman, les techniques de communication non violente développées notamment par le psychologie Marshall Rosenberg à partir des années 1960 ». Cette éducation bienveillante « s’inscrit dans un idéal contemporain des relations entre parents et enfants ». De même, il existe aujourd’hui un appel à la bienveillance dans l’univers professionnel. Et ainsi, le mouvement en faveur de la bienveillance commence à apparaître dans les entreprises (7).

Nous sommes donc bien en présence d’une émergence de bienveillance . C’est un changement de regard sur les relations humaines. Ce changement rompt avec des représentations pessimistes de l’homme et une pratique autoritaire du pouvoir ancrées dans un héritage du passé. Et, puisqu’il s’agit d’une transformation en profondeur, elle nous invité à revisiter des conceptions religieuses répandues dans la chrétienté occidentale. Ainsi, dans son livre : « Oser la bienveillance » (8), Lytta Basset montre comment ce pessimisme radical sur la nature humaine est étranger à la veine originelle du christianisme et à la bienveillance manifestée par Jésus.

informées, équilibrées dans leur approche,  riches en  analyses fines des comportements, agréables à lire, ces chroniques ouvrent la voie à un usage responsable de l’information. A cet égard, elles participent à une éducation civique. Elles traduisent sur ce registre le message d’amour et de respect du prochain qui rayonne dans l’Evangile.

Si aujourd’hui, la bienveillance est une attitude en pleine émergence, ce livre : « le défi de la bienveillance » participe à ce mouvement dans une belle contribution.

Jean Hassenforder

 

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