Rodolphe Gozegba est venu en France pour écrire et soutenir une thèse de doctorat en théologie sur : « L’Espérance et le Dieu crucifié : la réception de l’œuvre de Jürgen Moltmann dans la théologie francophone » (1). Cette recherche sur la pensée de Moltmann inspire une œuvre à long terme, une action sociale et écologique en Afrique !2). Ainsi, Rodolphe Gozegba est rentré dans son pays : la Centre Afrique, immédiatement après la soutenance de sa thèse le 10 décembre 2020 . Et, avec l’association A9, il s’est engagé dans une action pour l’autonomie alimentaire de Bangui. Il écrit :

Face à l’insécurité alimentaire, le jardin potager familial est une solution. Je souhaite que chaque famille puisse avoir son propre jardin qui lui permettrait de se nourrir mieux, de se créer éventuellement quelques revenus, tout en contribuant activement à l’acquisition de l’autonomie alimentaire du pays.

1) A  ton retour de France en décembre 2020, tu t’es engagé avec A9 dans une action pour l’autonomie alimentaire de Bangui. Pourquoi ?

Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour l’opportunité que vous me laissez de parler de A9.
A9 est un projet qui me tient à cœur depuis longtemps : son but premier est d’améliorer au travers de 9 actions à développer à plus ou moins longue échéance, les conditions de vie du peuple centrafricain dont une grande partie vit dans des conditions très difficiles de grande pauvreté et même de misère.
Lorsque je suis rentré en Centrafrique au début de l’hiver 2020 en pleine période électorale, j’ai immédiatement été confronté à un grave problème : celui de la dépendance alimentaire de la Bangui vis à vis de l’extérieur. Pour marquer leur désaccord, les rebelles avaient en effet coupé les routes d’approvisionnement depuis le Tchad et le Cameroun occasionnant ainsi dans la capitale sinon une pénurie de produits alimentaires de première nécessité, du moins une augmentation inconsidérée de leurs prix. J’ai bien compris que Bangui avait frôlé la catastrophe alimentaire.
Il était essentiel que cela ne puisse pas se reproduire. Il était essentiel d’agir !

C’est ainsi que A9 a lancé en avril 2021 l’opération « Nourris ta Ville en 90 jours ».
L’objectif de cette action est de conduire les habitants de la Ville par des explications, des incitations, notamment par des distributions de kits comprenant des semences, une bêche, une houe et un arrosoir, et un accompagnement soutenu, de mettre en culture les nombreuses terres à leur disposition dans la Ville. Il s’agissait pour A9 d’introduire l’agriculture urbaine dans la Ville de Bangui.

 

2 Quelles ont été  depuis, les grandes étapes de cette action ?

Le lancement officiel de A9 et de son action « Nourris ta Ville en 90 jours » s’est déroulé à Bangui le 23 avril 2021 en présence d’élus, de journalistes et de personnes intéressées par le sujet.

Notre souhait est évidemment de toucher l’ensemble de la population de Bangui, soit 8 arrondissements et deux villes périphériques (Bimbo & Bégoua).
A9 vivant actuellement sur ses fonds propres et ceux-ci ne permettant pas de répondre sur le court terme aux besoins de plus de 200 000 familles nécessiteuses, a commencé son action en rencontrant au cours de journées de porte-à-porte les personnes des quartiers les plus pauvres du 6ème arrondissement et de Bimbo, ville de la périphérie de Bangui.

Il me faut partager avec vous que nous avons reçu un accueil absolument enthousiaste. Ceux que nous visitions marquaient immédiatement leur adhésion au projet et leur volonté de s’engager.
C’est ainsi que nous avons déjà pu distribuer des kits à plus de 270 familles, améliorant ainsi le quotidien de plus de 1000 personnes si l’on compte une moyenne de 4 à 5 personnes par foyer.
Lors de notre accompagnement ou suivi des adhérents, il nous est donné de partager avec elles la joie de leurs premières récoltes.
Cette joie nous fortifie et nous encourage à continuer.

 

3 Si on peut considérer que cette action dans sa phase expérimentale est une réussite, comment l’amplifier? Quels sont les soutiens attendus?

La première phase est effectivement une réussite. Nous avons compris que les Centrafricains étaient prêts à se prendre en mains, qu’ils voyaient les premiers effets de cette agriculture urbaine dans leur assiette et dans leur vie et qu’ils étaient désormais ravis et fiers de leur jardin.

D’ailleurs de nombreuses autres familles nous contactent pour s’insérer dans le projet.
Faute de moyens financiers suffisants, nous ne pouvons pas répondre immédiatement à leur demande mais savons que petit à petit, grâce à la persévérance de tous, nous arriverons à satisfaire chaque intéressé.

Donc, quand vous me parlez de soutien attendu, j’espère ne pas vous décevoir en vous parlant de soutien financier.
Notre énergie est là ; elle est déjà à l’œuvre, mais des soutiens financiers nous permettraient d’avancer un peu plus vite et de soulager plus rapidement toutes ces familles tellement pauvres qu’elles n’arrivent pas à s’acheter les outils indispensables pour débuter la création de leur jardin.

Un kit comprenant des semences, une bêche, une houe et un arrosoir coûte 20 euros.
200 euros feront donc vivre 10 familles
Toute aide sera la bienvenue.

Je crois bien qu’on dit en France : les petites gouttes font les grandes rivières.

 

4 Quelle est la signification spirituelle de cette action? Comment l’envisages-tu dans la perspective de la théologie de Jürgen Moltmann?

Moltmann est évidemment toujours en fond de mes pensées et de mon action.
Moltmann a toujours prôné l’action. Dieu construit l’Histoire, mais avec l’Homme. Ce dernier ne doit pas rester apathique dans l’attente de l’action de Dieu. Tout croyant doit au contraire s’impliquer dans ce qui se passe autour de lui et doit s’engager pour une société plus juste.

Moltmann s’est d’ailleurs toujours insurgé contre la passivité des Églises qu’il constatait avec amertume. Il les interpelle, leur demandant de sortir de leurs murs pour clamer la Bonne Nouvelle et agir en conséquence.
C’est dans la continuité de pensée de Moltmann que A9 a engagé son action auprès des plus pauvres : pour leur donner de nouvelles sources de subsistance mais aussi leur redonner de l’espoir et ainsi leur dévoiler l’amour de Dieu pour eux.

 

5 Comment envisages tu l’œuvre écologique dans la dimension africaine ?

Là aussi, A9 reste dans la droite ligne de la pensée de Moltmann qui alertait depuis longtemps sur les risques de la maltraitance de la terre et exhortait à bénéficier des richesses qu’elle mettait à notre disposition dans l’amour et le respect de la nature.

L’action de A9 s’est dirigée par priorité vers les besoins alimentaires de la population centrafricaine, mais une grande partie des 9 actions insérées dans son programme concerne l’écologie ou plus précisément l’éco-environnement.
La population doit pouvoir s’épanouir en conjuguant harmonieusement son bien-être physique et spirituel avec l’amour et le respect de la nature

 

 

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