Je voudrais évoquer un moment étonnant de partage biblique à la prison des femmes de P. Cela ressemble à une autre forme d’église, assez inattendue pour qui n’a pas encore fréquenté ces lieux.

Après un premier contact un mois auparavant -qui m’a déjà très agréablement surprise- j’anime cette séance qui fait office de culte, avec la participation de l’aumônière qui me laisse la main.

Mon intuition m’a portée au texte de la brebis égarée de Luc 15, 1-7.

«… Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue… Il y aura plus de joie dans le ciel pour une seule perdue et retrouvée, que pour cent autres qui ne l’étaient pas. »

Je propose une brève introduction (avant les questions) : Jésus répond aux pharisiens, aux «gens biens», qui lui reprochent de fréquenter des «gens douteux», de mauvaise vie. Pourtant, c’est pour le retour de ceux-là qu’il y a de la joie dans le ciel. Ce sont ceux qui sont perdus que le berger va chercher, et prend sur ses épaules, quand ils reviennent à lui.

Une seule question pour lancer le débat : que vous évoque ce texte? Et c’est un feu d’artifice immédiat où l’on évoque la joie dans les nuées célestes (ces nuées qui sont données à voir à Jean dans l’Apocalypse), les anges, les êtres vivants qui adorent Dieu; c’est la fête dans la vraie joie, pour une seule de ces brebis qui se sont égarées. On entend que chacun ici s’est égaré, le repentir a été long à venir, dans le déni antérieur et l’accusation de l’autre. On dit comment on finit par lâcher prise.

On comprend que l’on n’est pas jugé, mais aimé d’un amour infini qui regarde au cœur de la personne, au-delà de ce qu’elle a fait, de ses fautes. On redit que chacune est unique et aimée comme telle, au point que Jésus quitte le troupeau pour aller la chercher. C’est vraiment réconfortant, dans la honte où elles sont, “le mot prison gravé sur leur front à vie”.

Et chaque formulation, chaque prise de conscience en sécurité, déclenchent encore d’autres découvertes bouleversantes: Jésus demande de renoncer à soi-même ; c’est aussi peut-être de renoncer à son passé, ses douleurs, sa culpabilité, «ses guenilles», pour devenir un être nouveau, comme on le chante dans le cantique : ‘Tu peux naître de nouveau, tu peux tout recommencer, balayer ta vie passée ; et repartir à zéro, et repartir à zéro, avec Jésus pour berger…’

Je ne prends pas de notes, bien sûr, mais je suis impressionnée par la profondeur et le vécu spirituel de ces quelques personnes. La prison est pour certains l’occasion de cette rencontre avec Dieu. Ce ne sont que des petits groupes, depuis le Covid, 6 personnes, maximum, qui se sont inscrites (la salle est petite). Et l’on entend à demi-mot que le vécu ici, est très dur ; l’enfance avant, a connu un grand manque d’amour, voire manque de respect. L’image de soi est dégradée, on ne s’aime pas. Mais quel travail intérieur peut se faire là, avec la seule compagnie de Dieu, et les miracles qu’Il accomplit dans ces cœurs blessés, à la recherche de paix, et de vérité.

Il se dit là des paroles que j’ai rarement entendues dans d’autres groupes de partage. Et je loue le Seigneur parce que chaque être, unique, appelle et reçoit son Amour infini réparateur. Il est là pour chacun d’entre nous, avec ses fautes et ses erreurs.

Ce sont bien les brebis perdues qui ont besoin de Jésus. Et ce sont elles qui le reçoivent, avec simplicité et joie, dans une grande humilité après leurs faux pas.

Diane de Souza

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