Marc Frédéric Muller, depuis septembre  2010 , vous êtes pasteur à Bourg la Reine (92) et vous préparez un cycle de conférences pour susciter la réflexion des chrétiens de cette banlieue sur les changements de mentalité et leurs incidences sur les attitudes vis à vis des pratiques d’église. Nous voudrions en savoir plus sur cette intéressante initiative.

 

1) Avant de devenir pasteur de l’Eglise luthérienne de Bourg la Reine , ** Voir le site ** vous avez eu, entre autres, une riche expérience internationale. Pouvez-vous nous raconter votre itinéraire ?
Un certain exotisme m’a poussé à voyager régulièrement quand j’étais étudiant. Cela m’a conduit au Nicaragua où j’ai rencontré celle qui est devenue mon épouse. Plus tard, j’ai enseigné trois années l’éthique à la Faculté évangélique d’études théologiques de Managua. Je m’y étais préparé en travaillant sur une thèse de doctorat consacrée à une « éthique de la rencontre » avec pour champ de réflexion la conquête de l’Amérique et sur sa commémoration en 1992. Enfin, avant d’arriver à Bourg-la-Reine, j’étais responsable du service de relations internationales du Defap (Service protestant de Mission) ** Voir le site ** , fortement engagé en Afrique noire et à Madagascar. Depuis mon entrée dans le ministère pastoral, j’ai alterné entre service en paroisse et poste spécialisé ; Bourg-la-Reine est la troisième communauté où je suis pasteur après Seloncourt au Pays de Montbéliard et Tours.

2) Dans le contexte de votre itinéraire, vous vous êtes posé des questions sur le thème même du cycle que vous organisez : « Mutations religieuses et défis sociaux ». Comment ces interrogations vous sont-elles venues à l’esprit ? En fonction de quelles expériences ?
C’est peut-être moins par expérience que par observation d’abord que la question des mutations m’intéresse. Je suis plus « moderne » que « post-moderne » ; je lis des études sociologiques et théologiques, je vois un monde qui change, je pense même en comprendre certaines clés, mais quelque chose en moi résiste. C’est peut-être cela mon expérience, l’impression d’être dépassé tout en me refusant à confondre mes ressentis avec la marche de l’histoire.

3) Aujourd’hui, pasteur dans une banlieue de la région parisienne, comment percevez-vous le rapport entre l’évolution des mentalités et les pratiques d’église ?
Dans une vie paroissiale classique, c’est-à-dire avec des personnes attachées à des traditions et d’autres plus en recherche ou en mouvement, les tensions du dehors sont perceptibles à l’intérieur : écarts entre générations, décalages culturels, différences de sensibilités. De mon point de vue, la vocation de l’Eglise est de porter ces contradictions : elle doit en faire son miel pour être aux prises avec le monde et témoigner de la bonne nouvelle de Jésus-Christ.
Le risque serait de vouloir échapper aux tensions en se repliant sur une tradition fossilisée ou en épousant l’air du temps.

4) Comme pasteur responsable depuis un an d’une paroisse protestante dans la banlieue parisienne, quelles sont vos premières observations concrètes sur les rapports entre cette paroisse et son environnement ?
La paroisse protestante de Bourg-la-Reine regroupe des personnes vivant surtout en proximité géographique et c’est d’abord un espace de convivialité, presque familial. Dans l’environnement de la banlieue parisienne, c’est salutaire. Ses membres souhaitent y vivre sans faire de bruit, parce qu’ils y ont trouvé un certain bonheur et une forme de sérénité. L’attente est de trouver un lieu de repos, à l’écart du bruit et de l’agitation. Le défaut de ses qualités est d’avoir l’impression de se suffire à elle-même, avec pour principale ambition d’exister sans avoir de combat à mener.

5) A travers ce programme de conférences sur « Mutations religieuses et défis sociaux », quelle sont les questions majeures posées ?   ** Lire le programme détaillé (2 pages) ** de ces conférences.
Pour présenter et comprendre les changements en cours dans notre société, les expressions nouvelles dans le champ religieux et chrétien sont très significatives. De plus, celles-ci interagissent dans ces transformations, assumant leur vocation de témoignage. Elles reflètent des mutations dans le paysage socio-culturel français, par exemple avec la multiplication des Eglises nées de l’immigration ; or, ces communautés d’origine étrangère font évoluer les autres Eglises à travers des dialogues, des collaborations, des pratiques d’hospitalité. Autre illustration, la résurgence du diable et des esprits démoniaques dans les fictions littéraires ou cinématographiques n’est pas sans lien avec le regain des pratiques d’ex orcisme dans toutes les Eglises. Autre exemple, les questions écologiques sont au cœur des préoccupations de nos contemporains et elles sont susceptibles de faire bouger les lignes dans les pratiques et les discours chrétiens, dans leur témoignage.

6) Quels publics cherchez-vous à atteindre ? Pour quels effets ?
Quels sont les objectifs à plus long terme de cette initiative ?
Nous aimerions toucher des personnes de la banlieue Sud de Paris, qu’elles soient actives dans leurs Eglises locales, à la marge des paroisses ou simplement curieuses sur les sujets religieux dans la société française. Sur la méthode, il s’agit d’abord d’ouvrir un espace de dialogue en bénéficiant des apports d’un intervenant extérieur, grand témoin ou expert. Sur le fond, nous avons à prendre la mesure des évolutions dans les mentalités, dans les comportements pour mieux discerner quelles sont les contraintes et les possibles dans ces transformations, et aussi les exigences à partir de notre spiritualité chrétienne. Les schémas traditionnels ont la vie dure, c’est évident, pour le pire et parfois pour le meilleur. La difficulté est d’exercer le discernement sans lâcher le fil qui porte notre vie de foi.

Interview de Marc Frédéric Muller par Jean Hassenforder

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