Dans le cadre d’une émission mensuelle proposée par le media RCF (Radio Chrétienne Francophone) de notre ville de Nevers, il m’a été proposé de dire ma pratique de lecture de la Bible.[1]
Avec grand plaisir, en réponse aux trois questions posées à chaque invité, j’ai partagé ma relation avec cette Parole de laquelle je m’approche quasi quotidiennement depuis bientôt 50 ans.

La première question posée est celle du « support » utilisé lors de cette lecture

Pour y répondre il faut remonter à l’époque où je re-découvre le message de l’Évangile ; Il me parvient par le témoignage d’une personne évangélique membre d’une église pentecôtiste. Or, dans cette communauté qui m’accueille, la lecture quotidienne de la Bible est essentielle ; ainsi la Bible Segond[2] est le livre de chevet de ces premières années de vie d’église. Par la suite, comme je constate que mes choix de lecture s’orientent très souvent vers les épitres de Paul, je décide de m’astreindre à une lecture plus raisonnée et préfère la lecture quotidienne de « la Bible en un an », édition proposant de parcourir toute la Bible sur une année.

Ce fut un bon exercice m’obligeant, durant une dizaine d’années, à un parcours exhaustif des textes bibliques. Puis, enrichi par la rencontre d’écrits des « Pères de l’église » je m’abonne à un recueil mensuel proposant les textes liturgiques du jour suivis d’un commentaire d’Irénée, ou Origène, François d’Assise, Jean Chrysostome, Grégoire de Nysse… ou, plus proches de nous, Joseph Ratzinger ou François… pour ne citer que les plus connus [3].

J’apprécie beaucoup ces pensées inhabituelles car hors champ de ma culture religieuse actuelle ; pensées étrangement contemporaines alors que venant parfois du premier millénaire.

Ces textes in-entendues m’invitent souvent à un déplacement intérieur, à une prise de conscience nouvelle, un élargissement de mes représentations… même si parfois ma sensibilité protestante est mise à rude épreuve… Toutefois j’accepte et même j’aspire à cet « autrement » bousculant mais nourrissant. Et, pour plus tard, pour la route, je classe les « best of » de l’ouvrage.

 

Vient ensuite la question sur la manière de lire : comment lire ?

Le milieu évangélique pentecôtiste côtoyé dans un premier temps invite à une lecture méditative et priante ; le lecteur de la Parole a conscience que l’Esprit Saint veut l’instruire, que la Parole veut lui « parler », qu’il est « lu » par cette Parole autant qu’il la « lit ». Ainsi une phrase, un mot rejoignent l’intime du lecteur et se révèlent être une réponse particulièrement ajustée, éclairant son « ici et maintenant ».

Je préfère lire le matin, au lever, après le petit déjeuner et à un même endroit. Je ressens réellement le besoin de rencontrer quotidiennement le texte biblique ; dans ce vis à vis je perçois la « proche » invitation à cheminer vers la VIE, celle à l’image de Jésus Christ. Ce mouvement d’accueil de la Parole, d’acceptation de son interpellation et de mise en marche nourrit toute vie chrétienne.

Lors de la lecture du jour, j’essaie parfois de mémoriser un mot ou un verset en espérant le garder en tête et m’en nourrir durant la journée, comme on garde un noyau d’olive dans la bouche pour en garder la saveur plus longtemps.

Cet image est reprise par un auteur italien, Erri de Luca, dont j’apprécie l’écriture ; il a intitulé un de ses ouvrages, « noyau d’olive »[4], dans lequel il raconte comment, chaque jour et comme le faisait son père, il mémorise un verset puisé dans sa lecture matinale des textes bibliques, et se nourrit de sa compagnie tout au long de sa journée de travail.

En complément de la lecture des textes bibliques j’apprécie les ouvrages proposant une connaissance améliorée de leur environnement politique, culturel… autant d’éclairages pour recevoir plus justement cette Parole.

Des auteurs comme Hans Küng, Christian Duquoc, Maurice Bellet, Joseph Moingt, Colette et Jean Paul Deremble, Christof Théobald, pour le côté catholique, Jurgen Moltmann, Daniel Marguerat, pour le côté protestant, ou encore Thomas Römer… m’ont beaucoup apporté.

 

Une question sur un texte plus particulier de la Bible termine l’émission

Le « Sermon sur la montagne » est pour moi la fine pointe du message de Jésus :

«Heureux ceux qui reconnaissent leur pauvreté spirituelle, car le royaume des cieux leur appartient! Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ! Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre ! Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés ! Heureux ceux qui font preuve de bonté, car on aura de la bonté pour eux ! Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ! Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu ! Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux leur appartient ! Heureux serez-vous lorsqu’on vous insultera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande au ciel. ».[5]

Absolu divin, paradoxe humain !

Aucune parole, me semble-t-il, ne va aussi loin au cœur même de la Vérité ; je la reçois comme le sommet de la sagesse, la pensée la plus profonde qui puisse être énoncée.

Or, cette Parole indépassée, indépassable, a été pleinement incarnée et accomplie par Celui qui l’a énoncée, Jésus.

Alain GUBERT

[1] https://rcf.fr/spiritualite/alain-gubert-de-l-eglise-protestante-unie-de-france

[2] La Sainte Bible de Louis Segond, Éditeur : BIBLI O

[3] Parole et Prière ; Groupe ELIDIA

[4] Erri De Luca, Noyau d’olive. Éditeur : Gallimard (2006)

[5] Évangile selon Matthieu 5.3-11

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