Rodolphe GOZEGBA

Je viens d’un continent, d’un pays (la Centrafrique) marqué par les souffrances: la guerre qui touche les plus innocents, les maladies, tel le paludisme, qui déciment les familles, la pauvreté qui supprime tout espoir… J’y ai supporté beaucoup d’épreuves. Habitué à côtoyer la douleur, j’ai vu beaucoup de personnes mourir autour de moi, sans raison…

Quand la crise sanitaire a éclaté, je n’ai pas vraiment été déstabilisé, même si je compatissais avec les familles touchées, mais une chose m’a fait beaucoup réfléchir et m’a marqué : le confinement. Déjà le mot en lui-même : enfermement ! Et sa dimension : le monde a été confiné ! Je n’aurais jamais imaginé que cela puisse arriver ! Mais je n’ai pas encore trouvé d’explication à cet évènement.

Sur le plan existentiel, j’ai compris ce qui s’est passé : un virus appelé Covid-19 a fait son entrée en Europe en provenance de Chine. J’ai lu les journaux, regardé les émissions télévisées. Tous ne sont pas d’accord entre eux, mais un fait est qu’un microscopique virus a causé une pandémie.
Et sur le plan spirituel, je n’ai pas de réponse ; je cherche encore, car je ne veux pas tirer de conséquences théologiques trop hâtives sur cela.

Mais en même temps je dois dire que du point de vue ecclésiologique, le confinement a révélé ce qu’est l’Église, ce qu’est la foi chrétienne. Et l’Église est sortie grandie du confinement.

Nous avons toujours défini l’Église comme étant une assemblée de chrétiens ; l’Église n’est Église que lorsque les gens se rencontrent, se réunissent pour prier, louer, adorer Dieu et écouter la parole, lorsqu’ils expriment leur fraternité par un respect mutuel, traduisant la joie de se voir, de prier ensemble.

Mais le confinement a montré que l’Église est bien plus que cela. Pour moi, le confinement a montré le vrai visage de l’Église. Je le dis en tant que pasteur d’une paroisse où pendant plus de deux mois, je suis resté sans officier, sans aucune activité inhérente aux fonctions d’un pasteur, telle que l’enseignement du catéchisme, le prêche de l’Évangile, la célébration de baptêmes ou de mariages. Le confinement m’ayant privé de toute activité quotidienne, cela m’a interpellé : que signifie « être pasteur » ? Qu’est-elle, l’« Église » ?

J’ai découvert un autre visage de l’Église : celle qui va à la rencontre des familles. Cela m’a permis de comprendre que l’Église ne se réduit pas à un bâtiment, que Dieu n’est pas seulement dans le temple qui nous accueille, mais en chacun de nous. Il est à nos côtés où que nous soyons, avec qui que ce soit. Notre confinement a dévoilé que Dieu lui-même n’était pas confiné… dans les lieux de culte.

Le confinement a mis en exergue cette nouvelle dimension de l’Église, où chaque chrétien doit d’abord chercher et trouver Dieu en soi , puis aller partager sa présence avec l’autre.

Le confinement a aussi révélé des talents et un grand esprit de solidarité. En effet, nombre de paroissiens se sont spontanément tournés vers l’autre pour l’aider et l’accompagner, qu’il s’agisse de personnes seules, âgées, fragiles. Un coup de téléphone régulier, le portage de repas, la distribution de masques sont autant d’actions concrètes traduisant fraternité, amour et partage.

L’Église a renforcé son sens de la solidarité : en cela, les gens ont assimilé la théologie du sacerdoce royal où l’on n’a plus besoin du grand sacrificateur ou du grand prêtre pour entrer en relation avec le Seigneur. Ils ont compris qu’aller vers Dieu est d’abord une démarche individuelle, puis collective. L’Église a développé sa dimension extérieure grâce au confinement.

L’Église a été valorisée par la technologie : au XXIème siècle, elle ne saurait faire fi des réseaux sociaux, notamment Facebook, qui m’a permis de toucher plus de 5 000 personnes en deux mois, soit bien plus  que les habitués et fidèles du dimanche.

Bien sûr, je ne dis pas que pour autant il ne faut plus venir au culte le dimanche matin, mais je veux attirer l’attention sur ce nouveau support de communication qui ne peut que favoriser le rayonnement de l’Église. Et même si je n’ai pas encore de réponse au plan théologique ou ecclésiologique, il nous faut repenser l’Église du XXIème siècle, qui sera différente de celle d’avant le confinement.

Le confinement a contraint l’Église à se tourner vers les nouvelles technologies, ou du moins en a hâté la prise en compte, seule possibilité pour elle de pouvoir joindre les paroissiens. En diffusant cultes ou prêches sur les réseaux sociaux, l’Église a pu créer des assemblées virtuelles : bien que confiné chez soi, chacun partage en même temps le culte avec d’autres frères ou sœurs également confinés, et tourné aussi vers Dieu.

Le temps est venu, pour les écoles de théologie formant les futurs cadres de l’Église, d’intégrer ces nouveaux modes de communication et d’enseignement dans leur cursus de formation. Se plaindre aujourd’hui qu’il n’y a pas de jeunes dans les paroisses, c’est reconnaître que l’Église actuelle ne répond pas à leurs attentes, en matière de spiritualité.

On ne peut plus parler de l’Église aux jeunes comme il y a 30 ans, eux dont le quotidien est régulé par internet et les réseaux sociaux. L’Église doit s’adapter sans cesse aux mutations technologiques de son époque, au risque d’être dépassée par les évènements.

Voir aussi :

Un mouvement pour la paix en Centre Afrique

https://www.temoins.com/mouvement-paix-centrafrique/

Pour une théologie en phase avec les questions de notre temps

https://www.temoins.com/theologie-phase-questions-de-temps/

Reconnaitre le miracle dans nos vies

https://www.temoins.com/reconnaitre-le-miracle-dans-nos-vies/

 

 

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