« Unité des chrétiens » se penche sur la nature et la mission de l’Eglise aujourd’hui.

Revue œcuménique faisant autorité à travers une réflexion approfondie et plurielle, « Unité des chrétiens » (1) présente, dans son numéro 149, un dossier consacré à « La nature et la mission de l’Eglise » en commentaire d’un document portant le même titre et élaboré par la commission « Foi et Constitution » du Conseil Œcuménique des Eglises. Ce numéro est introduit par un éditorial intitulé : « L’Eglise, signe de contradiction ? », rédigé par Michel Mallèvre, prêtre catholique, assumant une haute responsabilité œcuménique dans l’Eglise catholique en France (2).

Le courant de l’Eglise émergente.

On sait que, depuis dix ans, le groupe de recherche de Témoins étudie le rapport entre les pratiques d’Eglise et le changement des mentalités engendré par le changement culturel, le déphasage qui en résulte, et, en regard, les innovations qui suscitent des formes nouvelles plus propices. C’est dans cet esprit que Témoins a organisé, le 20 octobre 2007, une journée sur « L’innovation dans les Eglises. Le courant de l’Eglise émergente » (3). Ce courant nous paraît une voie particulièrement accordée aux aspirations spirituelles qui se développent dans les pays occidentaux. Depuis plusieurs années, le groupe de recherche de Témoins a publié des études (4) concernant l’Eglise émergente et a présenté en France les pionniers de ce courant (5). Parallèlement, nous avons pu suivre, à travers diverses parutions, la diffusion de ces idées nouvelles dans certains milieux chrétiens (6). Quelle n’est donc pas notre satisfaction de voir ce thème évoqué à la une du numéro 149 de « Unité des chrétiens » !

Le livre de Pete Ward : « Liquid church » (7) est un des livres majeurs portant sur l’Eglise émergente. Or, Michel Mallèvre accorde à cette approche une place importante dans son éditorial : « D’autres sensibilités réfléchissent sur de nouvelles formes d’Eglises, sur l’Eglise émergente. Dans un livre à succès, Pete Ward parle ainsi d’ « Eglise liquide » et annonce le passage du « rassemblement des croyants à un endroit et à un moment donnés à une Eglise conçue comme un ensemble de relations et de communications ». Bref, après l’Eglise solide, héritant des cadres du passé, l’Eglise fluide de l’interconnexion des réseaux pour rejoindre les hommes et les femmes de ce temps là où ils sont disponibles. Au sein même de l’Eglise d’Angleterre, le rapport « Une Eglise pour la mission » (Mission shaped Church) ne va-t-il pas dans ce sens en invitant à tourner la page des paroisses ? ». De fait, l’Eglise anglicane est capable de reconnaître et d’encourager ce courant nouveau (8), en contrepoint de la poursuite des formes plus classiques répondant à des sensibilités plus traditionnelles.

Un œcuménisme en évolution.

Michel Mallèvre ne met pas seulement en lumière cette nouvelle approche. Il la situe dans le contexte d’un œcuménisme en évolution.
Dans nos travaux, à partir de nos propres observations et en écoutant les sociologues, nous constatons une remise en cause des institutions hiérarchisées du haut vers le bas. Indirectement, l’éditorial fait allusion à ces situations lorsqu’il évoque des « institutions aujourd’hui suspectées et des pratiques contraignantes » dont le sens n’est plus accepté.
Son intervention fait également écho à des transformations majeures en cours actuellement dans la vie œcuménique. De fait, le « Forum chrétien mondial » qui a eu lieu, du 6 au 9 novembre 2007, à Nairobi, est à cet égard un événement majeur. En effet, en s’ouvrant aux courants pentecôtistes et évangéliques, aux « chrétiens du sud », ce forum a permis de développer un dialogue bien au delà des cercles œcuméniques classiques, dans des milieux très divers sur un registre de respect réciproque encouragé par le choix du thème : « Notre pèlerinage avec Jésus-Christ, le réconciliateur » qui permettait l’expression des expériences de foi, et donc une profonde communion spirituelle. On peut voir dans cet événement, à l’instar des grands forums qui se développent aujourd’hui dans d’autres domaines, le développement d’un nouveau style de communication qui privilégie l’expérience personnelle et un dialogue sur une base d’égalité.

Un nouveau style de relation et de communication.

C’est dans ce contexte que les questions de Michel Malièvre à propos de l’Eglise émergente prennent tout leur sens : « Au cœur de ces débats, deux questions : Qu’est-ce que l’Eglise ? Comment la communauté des croyants est-elle au service de l’annonce du Royaume ? Mais aussi : comment articuler ces groupes informels de chrétiens touchés par la personne et le message de Jésus qui aiment se retrouver par affinités, avec les institutions qui, au travers des siècles, nous ont transmis sa Bonne nouvelle ? Et, finalement, comment faire vivre, agir et décider ensemble tous ceux qui se réclament du Christ pour qu’ils constituent vraiment « un peuple convoqué », témoin dans notre monde fracturé, que l’humanité est appelée à être autre chose qu’une juxtaposition d’individus ou de petits groupes ».
Poser les bonnes questions, c’est ouvrir la voie aux bonnes réponses ! Dans le forum chrétien mondial de Nairobi comme dans les processus en cours dans l’Eglise émergente, on peut observer la mise en œuvre de nouvelles formes de communication : une logique de réseau, mais aussi un accent sur l’expérience et la communion spirituelle. Dans le même mouvement, l’Evangile est annoncé et se répand. Ainsi, dans ce « monde fracturé », l’Esprit agit comme dans l’Eglise du Nouveau Testament.
Merci à Michel Mallèvre pour ses questions ! Si on accepte d’observer et de prendre en compte les réalités de terrain, les innovations, les émergences, alors l’Eglise se conjuguera en terme de mouvement et de dynamique.

Jean Hassenforder

Notes
1. Unité des chrétiens 58, Avenue de Breteuil. 75007 Paris. Tél 01 72 36 69 61. http://oecumenisme.cef.fr

2. En France, l’Eglise catholique dispose d’un Conseil épiscopal pour l’unité des chrétiens et les relations avec le judaïsme, présidé par Mgr Maurice Gardes, et d’un service national dirigé par le Père Michel Mallèvre. Il publie la revue : « Unité des chrétiens » placée sous l’égide du Conseil d’Eglises chrétiennes en France avec un comité de rédaction interconfessionnel.
3. Cf : le compte-rendu de la journée sur ce site : www.temoins.com
4. Cf : espace : groupe de recherche sur ce site. En particulier : Le courant de l’Eglise émergente. Un état d’esprit. Un processus (rubrique : perspective)
5. Dans la rubrique : Perspective de l’espace : Groupe de recherche : Faire Eglise (Pete Ward). A monde qui change, Eglise qui change (Michael Moynagh). Vers une nouvelle génération d’Eglises (Stuart Murray). Qu’est-ce qu’une orthodoxie généreuse ? (Brian McLaren). Stuart Murray, Michael Moynagh, Brian McLaren ont participé à des rencontres organisées à Paris par Evangile et Culturer avec la collaboration de Témoins. Nous recommandons : Moynagh (Michael). L’Eglise autrement. Les voies du changement. Empreinte Temps présent, 2003 (Disponible à 7ici Tél : 01 42 61 57 77)
6. Récemment : un numéro spécial de « Parvis », un dossier de « Construire ensemble » et un dossier de « Perspectives Missionnaires » intitulé : « A propos de nouvelles formes d’Eglises » (N°51, 2006) et comprenant un article : « Une perspective comparative sur l’Eglise émergente. La Grande-Bretagne en mouvement. La France en attente (Cf : www.temoins.com Recherche, perspective).
7. Ward (Pete). Liquid Church. A bold vision of how to be God’s people in worship and mission. A flexible, fluid way of being church. Paternoster, 2002 (Présentation : Faire Eglise : Site de Témoins. Recherche, perspective).
8. Nous recommandons le site : www.freshexpressions.org.uk

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