Qu’est-ce que la JMP ?
La Journée Mondiale de la Prière des femmes existe depuis le 19eme siècle et a été créée par des femmes chrétiennes aux Etats Unis, pour la paix pendant la guerre de Sécession. Voir la surface de ce mouvement et ses principes fondamentaux sur les sites ( www.worlddayofprayer.net et https://journeemondialedeprière.fr ) : construire une confiance réciproque, et promouvoir l’action responsable ; s’engager, offrir ses talents, son temps, ses compétences. Sa devise « s’informer pour prier, prier pour agir », pour la gloire de Dieu. En France, ce mouvement existe dans la plupart des régions, portés par des volontaires. Il y a un responsable par région, une célébration par an, 220 célébrations sur le territoire, 8000 participants environ, et 66.000 € sont récoltés en dons pour le pays, pour des œuvres caritatives choisies, et souvent portées par des religieux (orphelinat, media chrétiennes…).
Des années avant, l’organisation mondiale de la JMP choisit un pays pilote pour chaque année à venir. En 2017, elle avait choisi Taïwan pour 2023, la Palestine pour 2024, les Iles Cook en 2025, et le Nigeria en 2026. La Palestine a rejoint le mouvement international de la JMP dans les années 1950. En 1993, une 1ere femme palestinienne a été élue au comité exécutif mondial de la JMP.
Avant donc la crise du 7 octobre 2023 et ce qui a suivi, la célébration œcuménique (chaque 1er vendredi du mois de mars) avait été préparée par ces femmes chrétiennes de Palestine. Elles persévèrent en tant qu’instrument de compréhension plus profonde et plus authentique entre les peuples qui partagent cette même terre : chrétiens, musulmans sunnites, juifs et autres… Fallait-il maintenir la célébration dans les circonstances actuelles ? Tout était prêt. Beaucoup de questions ont été posées, mais la JMP France, en accord avec la JMP internationale, a été très ferme : ces femmes se donnent beaucoup de mal, dans un esprit de conciliation, dans l’esprit du Christ, il faut les respecter et maintenir la prière.
La Palestine. « Qui n’a pas entendu parler de cette région du Moyen Orient qui, depuis plus de 3000 ans, a une importance capitale pour les trois religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme, et l’islam ? Région encore plus ancienne, toujours sous tension géopolitique… Pays où coule le lait et le miel.
N’est-ce pas en donnant un peu d’amour que l’on peut créer un climat de paix ?… Une même foi nous unit dans une chaîne d’amour et nous porte à agir. » Hélène Bertrand, présidente JMP France
Voici donc le message qui a été donné à Poitiers au cours de la célébration, magnifique, devant une centaine de personnes recueillies et très touchées. Le même message a aussi été donné dans la prison des femmes de Poitiers, et le recueillement et les remerciements ont été les mêmes (après une présentation rapide du pays, de beaux chants, prières et témoignages). Je dois dire que cela était impressionnant, tant d’un côté que de l’autre. Ce texte reprend les idées et les exemples cités dans le livret de préparation, rédigé par nos sœurs. Il appelle à la paix, dans un esprit d’amour.
Éphésiens 4, 1-7
Cette lettre, cette Épitre aux Éphésiens est écrite par Paul, l’apôtre, en captivité à Rome, pour plusieurs communautés d’Asie Mineure (dans la Turquie actuelle). Elle est envoyée à des chrétiens qui ne sont pas d’origine juive, vers l’an 60 de notre ère.
Il parle du projet de Dieu, projet depuis l’origine des temps, pour toute la terre et les cieux, toute la création.
Ce projet, c’est l’unité de l’homme avec Lui, faire un avec Dieu, et entre les hommes. Une unité qui dépasse les églises locales, les tensions. Unité de la terre entière, et qui est rendue possible par l’amour manifesté par Jésus Christ donnant sa vie sur la croix.
Tous forment un seul peuple, dit Paul dans les 3 premiers chapitres. Le Christ a détruit le mur de la haine, il a vaincu le mal et la mort, même si ce n’est pas encore visible. Il a rapproché ce qui était séparé Il nous a envoyé le Saint Esprit, l’Esprit de Dieu.
Et dans les 3 derniers chapitres, Paul appelle les chrétiens à garder la foi, l’unité, et la paix.
(Quel texte ces femmes ont choisi pour notre prière !). Conservez la foi, l’unité, et la paix de l’Esprit. Il encourage ces premières communautés à vivre d’une manière nouvelle. (Par exemple, les maris qui ont autorité sur les femmes, doivent les aimer, comme Jésus nous a aimés, lui qui a donné sa vie. Les maîtres ont un maître dans les cieux. C’est nouveau à Éphèse et ailleurs.)
Dans le passage que nos sœurs ont choisi comme thème de la journée mondiale de la prière, au chapitre 4, versets 1 à 7 :
« Soyez simples, doux et patients. Supportez-vous les uns les autres avec amour. Cherchez toujours à rester unis par l’Esprit Saint, c’est lui qui vous unit en faisant la paix entre vous. Il y a un seul corps, et un seul Esprit …
Il y a un seul Dieu et Père de tous, Il est au-dessus de tous, Il agit par tous, Il habite en tous. »
Nous voilà donc dans l’unité de l’Église dans le Christ. Église au sens large : nous faisons tous partie du Royaume de Dieu.
Pour cela, menez une vie sanctifiée et supportez-vous mutuellement dans l’humilité et l’amour, pour préserver ce don de l’unité que Dieu vous a fait.
Dieu a choisi de sauver autant les païens que les juifs, rassemblant les personnes de toutes origines, partageant sa promesse entre tous, dit Paul. (Et il a souffert pour avoir le droit de le dire, de prison en prison). Tous sans exception.
Donc il les exhorte à vivre une vie digne de cette promesse, unis les uns aux autres par l’œuvre du Christ. Unis les uns aux autres par l’œuvre de l’Esprit qui habite en nous.
Ce n’est pas simple : cela exige patience, abnégation et amour. Cela demande à être unis dans un même esprit dans l’espérance que nous partageons tous.
Nous, chrétiens ou non chrétiens dans le monde, pouvons rechercher l’unité, dans l’espérance de la lumière et de la paix, l’unité dans notre filiation à un seul Dieu, quel que soit le nom qu’on lui donne, le Dieu de l’Amour, de la vérité, de la vie. Seul, l’Esprit de Dieu en nous, permet cette unité.
Il nous dit encore peu avant, dans l’épitre « Dieu agit en nous avec puissance. Quand nous lui demandons quelque chose, il peut faire beaucoup plus (Eph. 3, 20).
Paul les supplie, Il ne donne pas d’ordre. Exhorter : on peut traduire ce mot en grec par implorer, encourager, ou demander. Ce n’est pas un commandement : il les supplie ; geste de grand respect et de grande humilité, signe de l’amour qu’il porte à la communauté. Il aime toutes ces communautés naissantes. C’est une demande. Qu’est-ce que cela dit de la manière dont nous, chrétiens, sommes appelés à résoudre les conflits entre nous ? Dans l’humilité et l’amour.
Nous revenons aux Palestiniens et palestiniennes qui vivent eux sous l’occupation militaire israélienne, depuis des décennies, voire sous les bombes depuis plusieurs mois. Hors cette période de crise aiguë, et de guerre telle que nous la voyons, ils savent combien il est difficile de se supporter les uns les autres dans l’amour.
L’occupation tente de créer des divisions entre eux.
Lorsque certains bénéficient de privilèges dont d’autres sont privés, la communauté s’en trouve divisée. Lorsque certains ont plus de liberté de mouvement que d’autres,… lorsque certains dirigeants religieux palestiniens sont mieux traités que d’autres… la communauté s’en trouve divisée. Se supporter les uns les autres dans l’amour sous l’occupation est un défi ; malgré cela, les Palestiniens sont résolus à rester une communauté. En effet, la communauté est importante pour chacun de nous, et pour le monde dans lequel nous vivons.
Une autre question est de savoir pour eux qui est l’autre, dans ce texte ?
Doivent-ils supporter aussi dans l’amour, devons-nous supporter aussi, ceux qui nous font du mal, à nous et aux autres ? Et cette question, au cœur de l’Évangile, peut habiter légitimement les différentes communautés en présence et opposées…
Elles nous disent : lorsque des enfants d’Hébron sont arrêtés simplement parce qu’ils marchent vers leur école, devons-nous supporter notre oppresseur avec amour ? Lorsque des jeunes sont battus pour avoir parlé arabe à Jérusalem,… lorsque des personnes ne sont pas autorisées à passer par des points de contrôle militaires pour rendre visite à leur famille ou aller travailler ?
Il est difficile d’entendre les paroles de Paul, supportez-vous les uns les autres dans l’amour, face à l’injustice…
Et pourtant, les autobiographies que j’ai lues de prêtres palestiniens chrétiens comme celle d’Elias Chaccour, qui relatent objectivement leurs conditions de vie terribles depuis 1948, sont empreintes de douceur, dans l’amour du Christ ; elles sont sans haine, ce qui semble admirable, vu les circonstances. Je n’ai pu qu’admirer ces textes en les refermant. La haine est-elle venue après dans les jeunes générations, à force de souffrance et d’absence d’avenir, je l’ignore ?
En arabe, le mot supporter se dit « Hamel » qui signifie littéralement porter. Ce mot est utilisé dans différents contextes, comme lorsqu’une femme est enceinte. Les femmes portent la vie, et les femmes portent bien plus encore : non seulement le travail, la famille, la communauté, mais aussi le poids de l’inégalité que leur imposent les sociétés patriarcales. La violence et la discrimination fondées sur le sexe constituent un fardeau injuste supplémentaire pour les femmes du monde entier.
Aujourd’hui, des Églises dans le monde, y compris en Palestine, œuvrent pour la justice homme-femme.
Ces Églises croient que les femmes et les hommes sont créés égaux à l’image de Dieu (Gen 2, 27) et qu’en Christ, il n’y a plus ni homme ni femme (Gal 3, 28).
C’est porter aussi le poids des violences et des injustices, dans la dignité, dans la justice. S’efforcer de supporter l’autre, c’est savoir aussi qu’il est détenteur d’un don que je n’ai pas…
Nous sommes tous concernés par cette supplication de Paul : se supporter dans l’amour. Tous différents, de culture différente, de dons différents, d’équilibre différent, restons dans l’amour comme Jésus l’a été, dans l’amour de Dieu qu’il a manifesté. Sans jugement, sans rancune, sans méchanceté.
Et pourtant, on voit comme cela peut être difficile, et chez nous, dans nos communautés, nos groupes divers, mais vivant dans la paix, ce bien inestimable.
Et chez eux, dans cet état de guerre terrible que l’on voit de loin, et que nous ne pouvons que confier à Dieu.
Se supporter dans l’amour, c’est aussi porter dans l’amour, comme la femme porte son enfant à naître.
Portons en nous, dans notre cœur et notre prière, ces peuples, ces frères qui souffrent le martyr, la même espérance, la même paternité que nous. Palestiniens et israéliens.
Une femme pasteur luthérienne présidente de la JMP Palestine écrit : « nous vivons à Jérusalem les uns à côté des autres, et non pas ensemble. Il y a dans l’air une situation de tension insupportable. Il n’y a pas de compréhension mutuelle… Dans la réalité difficile dans laquelle nous nous trouvons, puisse le message d’amour et d’unité devenir une source d’espoir ! En tant que petite communauté, très minoritaire, nous vivons dans un pays où tout est désespéré : Vous êtes notre espoir ! écrit-elle en gras. Par notre unité de foi, nous savons que nous ne sommes pas seuls, que nous prions ensemble, pour et avec les autres.
Nous sommes une communauté d’esprit qui résiste aux obstacles de la vie ».
Elle parle de « jeter des ponts de compréhension entre les parties pour faire face aux masques de la haine. Que leur témoignage d’amour perce les ténèbres, pour que le poids de la souffrance soit moins lourd à porter. Avec reconnaissance pour la communion qui nous lie tous, à Jérusalem, et par-delà les frontières jusqu’à nous ici. Que l’espérance reste vivante dans les cœurs ! »
Amen
Diane de Souza Riquet