Il s’appelle David. Il fait partie de ces «néo-ruraux» qui retournent à la terre, malgré des diplômes assez brillants et variés. Ils n’y connaissent rien, ils n’ont souvent pas de parents dans le milieu, et ils se lancent avec bonheur dans cette nouvelle vie, où ils vont se salir les mains.

Ils le font d’abord par idéalisme: on compte dix départs à la retraite pour un nouvel arrivant en agriculture, et malheureusement un suicide d’agriculteur par jour en France, voire deux. Il va donc falloir s’y mettre, si l’on veut nourrir une partie de la population. Car l’autonomie alimentaire est bien le premier besoin de l’homme, n’est-ce pas, ici aussi ? Et la France semble l’avoir oublié, depuis des décennies.

On a promu une agriculture basée sur le pétrole, les grands espaces, les tracteurs démesurés qui tassent les sols et les détruisent, les produits phytosanitaires, les semences hybrides F1 dégénérescentes à racheter tous les ans: l’autonomie est mise à mal, et c’est préoccupant. Il faut réapprendre à cultiver son champ (ou son jardin), et il faudra des éclaireurs… qui se préparent.

Ces jeunes-là ont souvent bien mûri leur projet, ils se sont formés, et se forment en continu sur Internet. Ils cherchent les produits résistants, ceux qui fabriquent de la biomasse, ils plantent à la main des centaines d’arbres pour protéger les cultures (l’agroforesterie). Dire que c’est facile ? Loin de là. Les canicules, sécheresses, tempêtes, inondations, sont particulièrement éprouvantes pour ces jeunes qui s’accrochent. Ils sont passionnés, aiment cette vie de liberté en plein air, où les seuls ordres qu’ils reçoivent sont ceux de la Nature.

Même s’il ne le sait pas, ce David communie à la terre, à  l’univers, à l’humanité, et à Dieu. Il le sait un peu, puisqu’il donne sa vie à cette cause, qui le laisse pour l’instant sans ressource. A-t-on pensé que ces producteurs de l’essentiel ont un salaire médian de 350 € par mois, ce qui, ramené à un temps de travail conséquent, fait 1 à 2 €/h. C’est souvent le travail salarié de l’épouse qui entretient la famille, malgré des journées de travail de 12 heures. Une sorte de bénévolat, en somme, après calcul des charges (même sans gros investissements, ceux-là mêmes qui acculent des céréaliers et éleveurs au suicide ) et des prix de vente.

Sur les marchés, les maraîchers me disent l’un après l’autre : « mes enfants ont fait des études, je ne leur souhaite pas cette vie-là… Quand je partirai, je ne serai pas remplacé dans les vergers ».

J’en ai vus, à Chambourcy (78) de tels vergers abandonnés, il y a plus de 15 ans. Les fruits tombaient à terre dans les herbes hautes, abandonnés. Alors ? Que se passe-t-il ? Savons-nous encore où est l’essentiel ?

Allons-nous créer des caisses de solidarité pour les agriculteurs, pour soutenir leur moral éprouvé, et leur sentiment d’abandon et de mauvaise rémunération de leur travail ? Avec une fracture qui se fait croissante dans la société ? Allons-nous prendre la mesure des choses et remettre en question un système qui repose sur eux et les étrangle ?

Certes, c’est préoccupant, mais j’entends dire que dans certaines vallées des Alpes (Servière), il y a aujourd’hui plus de paysans qu’il y a 30 ans. Et il y a bien des sujets d’inquiétude en ce début de 21eme siècle.. Mais la vie est la plus forte, la terre se régénère, la Vie nous donne encore des raisons d’espérer.

Oui, on peut le dire, il y a encore une belle jeunesse en France, qui ne se laisse pas arrêter dans son élan de vie. Elle est à soutenir, et porter dans nos prières, comme tout élan de vie.

Diane de Souza- Riquet

 

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