Vers une modernité métisse.

    Nous voici aujourd’hui devant un monde nouveau. « Le multiculturalisme, l’immigration, les brassages et métissages des cultures nous posent évidemment des problèmes nouveaux. Ils sont la transformation en problèmes domestiques du vieux face à face colonial de naguère. Le dehors est arrivé chez nous… Que nous le voulions ou non, nous serons pluriels et métis » (p.10). En nous montrant les grandes transformations en cours, les lignes de force qui dessinent une nouvelle géopolitique,, Jean-Claude Guillebaud nous permet de comprendre la situation nouvelle dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Dans le dernier chapitre de cet ouvrage : « l’Occident, province du monde » (p. 363-392), il invite les occidentaux à sortir de leur propre fondamentalisme pour s’ouvrir à ce qui vient de la périphérie. Et il décrit les principales caractéristiques du processus de métissage « à partir de sept substantifs choisis à dessein : décentrement, réverbération, réappropriation, rapatriement, entrelacement, imagination et interprétation ».
    Cependant, nous dit-il, dans la nouvelle synthèse qui s’élaborent, gardons à l’esprit un apport spécifique de l’Occident : « Une philosophie de l’histoire axée sur l’idée d’une marche en avant. Cette philosophie, lointainement inspirée du prophétisme juif et du « salut » chrétien, est à la source de l’optimisme des Lumières. L’idée de progrès en est la traduction laïque » (p.386). Certes cette vision ne s’est pas traduite seulement dans un dynamisme positif. Elle a engendré aussi démesure et violence. Cependant, d’ autres civilisations n’ont pas la même conception de la temporalité. Nous sommes appelés à dialoguer avec ces visions « autres » de l’histoire et à inventer « un juste rapport au temps ». Cependant sachons aller à l’essentiel. « Rompre avec la philosophie de l’histoire est une chose, congédier tout « projet collectif » en est une autre. Face aux fondamentalismes et crispations de toute nature, la modernité métisse serait d’autant plus vulnérable qu’elle avouerait son absence de dessein historique, c’est à dire d’espérance. Dans le prophétisme juif connu dans le message évangélique qui le retraduisait, il y avait une volonté de rompre avec la fatalité. Comment pourrions nous oublier cette promesse et cet engagement » (p.388).

    Depuis août 2008, date de la parution de cet ouvrage, des évènements nouveaux sont intervenus. Ils mettent en évidence la poursuite de la mondialisation. La grande crise financière et économique affecte l’ensemble du monde. Comme la réunion du G 20 l’a montré, elle requiert les efforts conjugués de tous les pays. Mais un autre événement, puissamment symbolique, est également intervenu pendant la même période. C’est l’accession  de Barak Obama (4) à la présidence des Etats-Unis. A travers son itinéraire et les confluences qui s’y manifestent, cet homme, pour le meilleur, ne témoigne-t-il pas de cette modernité métisse évoquée par Jean-Claude Guillebaud ? Nous sommes engagés dans une grande mutation. Voici un livre qui nous aide à discerner les « signes des temps ».

Jean Hassenforder.

 

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