Qui se souvient de l’extraordinaire destin d’Helen Keller ? Et, parmi ceux qui s’en souviennent qui se rappelle le nom d’Annie Sullivan, son éducatrice ? Leur belle et véridique histoire vient de faire l’objet d’une publication en bande dessinée : « Annie Sullivan et Helen Keller » (1) qui a la bonne idée d’évoquer en parallèle la difficile enfance de l’une comme de l’autre.   

 

Celle d’Helen, qu’une maladie a rendue sourde et aveugle à 19 mois, et celle d’Annie, orpheline malvoyante, envoyée dans un hospice insalubre puis à l’Institut Perkins, spécialisé pour les aveugles qu’elle quitte à 20 ans, recrutée par la famille Keller pour éduquer leur fillette de 6 ans perdue dans la nuit et le silence de son extrême solitude.

Dès les premières pages le dessin nous plonge dans cet univers inimaginable pour nous d’une enfant relié au monde par le seul sens du toucher. En passant de ce monde au notre on éprouve l’enfermement d’Helen et l’on mesure d’autant mieux le miracle joyeux de ce jour où, près du puits, comprenant soudain la clé du langage, c’est-à-dire la représentation de toute chose par un signe, elle entraine Annie à travers le jardin et lui demande le nom de tout ce qui l’entoure. Sa soif de connaître et d’apprendre se révèlera inépuisable.

Un autre charme de cette œuvre est qu’elle n’édulcore pas le « mauvais » caractère des personnes ! Et l’on se demande alors ce que serait devenue Annie Sullivan sans le fort tempérament qui lui permit de surmonter sa triste enfance et son handicap, de rattraper le retard pris dans ses études et d’imposer plus tard, aux parents d’Helen effrayés, sa méthode éducative ferme et sans concession ! Non, ce n’était pas une sainte mais une femme qui ne pliait jamais devant l’injustice, qui croyait à l’impossible et l’accomplissait jusqu’au bout. Heureusement, sur son chemin, des personnes comme le directeur de l’Ecole Perkins pour aveugles l’ont aidée, touchées à la fois par sa force et sa fragilité. Et plus tard le destin lui a donné une « élève » à l’intelligence, à la mémoire et à la volonté exceptionnelles.

« Je sais que l’éducation de cette enfant sera le principal événement de ma vie » avait pressentie Annie Sullivan. En effet, Helen, avide d’étudier, sera diplômée de l’université, écrivain, conférencière… et connaîtra une grande notoriété. La bande dessinée ne déroule pas tout cela, seulement les premières années, ce que le film d’Arthur Penn de 1962 appelle « The Miracle Worker », traduit en français « Miracle en Alabama » car la rencontre de ces deux êtres est le vrai miracle de cette histoire et l’on a envie de lire la suite. On est donc heureux de découvrir, à la fin, non seulement des paragraphes explicitant certaines pages mais également une bibliographie.

Si la bande dessinée ne dit pas tout de l’existence de ces deux femmes d’exception elle introduit au plus beau : au début d’une amitié durable et profonde. Annie et Helen ne se quitteront jamais plus. Que seraient-elles devenues l’une sans l’autre ? Nous ne l’aurions pas su. Alors que, en conjuguant leurs blessures initiales, elles ont fait de leurs deux vies mêlées un chef d’œuvre qui nous émerveille et nous encourage.

Françoise Rontard

(1)  Edition Ça et là, octobre 2013

 

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