Terre promise
Entrevue de Témoins avec Xavie Jean-Bourgeault et Guillaume Tremblay à la veille de la sortie au Québec de leur dernier film, Terre promise, le 22 novembre 2025.
Pour mieux connaître, visitez https://www.vaverstoi.ca/
Questions et réponses
Bonjour Xavie et Guillaume. Vous êtes connus pour vos deux précédents films. L’Heureux naufrage est sorti en 2014 et a capté l’attention vive des Québécois à tel point que le film a été présenté à la télévision de Radio-Canada. De plus, le Ministère de l’Éducation du Québec s’en est inspiré pour le cours, Éthique et Culture religieuse, au Secondaire (lycée en France). Votre quête de sens vous a conduit à produire un deuxième film, Va vers toi, sortie en 2023, dans lequel vous proposez une réflexion spirituelle qui chercherait à combler le vide dont l’Heureux naufrage était témoin. Et voilà qu’en 2025, vous lancez un troisième film, Terre promise.
- Expliquez-nous la trame de fond, le fil conducteur entre ces trois films et les différences entre les trois.
Guillaume : La trame de fond est un chemin de guérison dans les trois cas. Nous avons senti le besoin d’entamer ce chemin, parce que nous voyons la beauté dans le processus humain. Il appelle à l’authenticité chez l’autre et à la connexion avec son propre chemin. Nous désirons, entre autres, dire par ces trois films qu’il est important de ne pas se lâcher, de plonger en nous-mêmes pour se peler comme le pèlerin. Nous en valons la peine. Aussi, l’artiste est appelé à entrer au plus profond de lui-même comme un puits, de ce fait, il parle aux autres puisque nous sommes tous connectés par la même eau de source.
Xavie : Nos trois films sont des recherches personnelles, soit de Guillaume avec L’Heureux Naufrage (2014) ou de Va vers Toi (2023) et Terre Promise (2025) pour moi. Il y avait du beau, et il y avait du moins beau, en nous et autour de nous, et ce constat nous intriguait. Il y avait aussi et surtout une invitation intérieure à la recherche et au voyage. C’était une voie bienveillante, un élan de vie, une présence rassurante en nous deux. Il y a eu tant de synchronicité dans la réalisation de ces films que j’en garderai pour toujours les plus beaux souvenirs : des rêves, des directions, l’argent nécessaire, les talents nécessaires, les oui improbables des plus grands penseurs vivants, les rencontres, les amitiés, les guérisons et j’en passe… Le fil conducteur de nos films est donc l’expérience vivante qu’ils nous ont fait vivre à nous qui les créons et aux gens qui les ont regardés.
- Terre promise, c’est un titre fort. Avec l’Heureux naufrage, vous faites part de l’échec des églises à transmettre à la société contemporaine le sens de la foi, la spiritualité qui la fonde. La prise de conscience est poignante. C’est comme si les formes sociétales et religieuses qui autrefois nous portaient n’ont su faire le relais de l’Esprit. Quelque chose s’est échappé et s’est perdu. Dans votre deuxième film, Va vers toi, vous invitez les gens à redécouvrir l’intériorité, de chercher au fond de leurs cœurs afin de retrouver la vie là où elle se trouve. Que peut-on attendre de plus de Terre promise ?
Guillaume : Terre promise vient taper sur le clou du chemin intérieur. Une dame dans le film nous répète souvent : est-ce que tu vois ? Vois-tu ? Avec son regard émerveillé, elle nous ouvre les yeux sur une autre vie, une autre terre que je ne voyais pas au premier abord. Ce fut un moment surprenant pour moi un jour de penser que je pouvais voir d’un autre regard ma vie et la voir extraordinaire et magique au lieu de triste et monotone. Ce même monde qui m’entoure peut n’être que poussière ou n’être que lumière ! J’apprends, avec ce film à voir ce nouveau monde, cette terre promise ! Ce film appelle aussi à rester à l’essentiel de nous-mêmes et à plonger dans notre processus créateur qui est unique à chacun. Il nous encourage aussi à retravailler nos chemins neuronaux pour guérir nos tracés de peur et d’anxiété qui bloquent notre processus de floraison 🙂 Bref, c’est un grand film qui me fait du bien à chaque fois que je l’écoute.
Xavie : La « Terre promise », ce n’est pas un lieu magique ou un ailleurs inaccessible : c’est la possibilité, ici et maintenant, de construire aujourd’hui un monde habitable, une vie habitable. C’est de notre créativité et de notre liberté qu’il est ici question. Longtemps je croyais suite à une blessure d’enfance que je ne pouvais créer que si l’autre me le permettait. Quel mensonge ! Mais je le croyais et, pendant 30 ans, mon cerveau m’a rejoué la même cassette en pilote automatique. J’ai écouté et me suis auto-infligé ce décret. La liberté vient quand la lumière vient. Et la lumière vient quand on va vers nous. La Terre Promise est ce nous libéré !
« La Terre Promise c’est toi, toi, quand tu vas vers toi », nous disait le philosophe Bertrand Vergely en entrevue pour Va vers Toi.
- Contrairement à d’autres films qui tournent en salles, les présentations de Terre promise sont toujours suivies d’un temps de discussion. Quelle est la différence entre vos films et les autres ? Pourquoi ne cherchez-vous pas à simplement promouvoir le film en salle de cinéma ?
Guillaume : Parce que nous n’avons jamais réussi à le vendre ! Nous parlons ici d’un sujet qui n’est pas aussi vendeur que la pêche à la mouche ou des recettes de cuisine. Nous parlons de faire un chemin intérieur où la majeure partie des humains ne veulent pas aller. Même moi, je ne veux souvent pas faire ce processus. Je préfère regarder sur YouTube comment changer mon alternateur ou découvrir une nouvelle planète à 1 milliard d’années-lumière que de plonger en moi-même. C’est un mécanisme naturel puisqu’on se sent menacé de mort quand on va là. On ressent aussi des émotions passées désagréables, comme de la culpabilité, de la peine ou de la colère et ce n’est pas agréable.
Le cadeau mal emballé là-dedans c’est que nous avons le bonheur de rencontrer des êtres humains extraordinaires, de vibrer avec les spectateurs dans les salles et de voir des guérisons de cœur en présentiel 🙂 Quel beau cadeau ! Aussi, cela nous donne de l’espoir de voir des gens désireux de s’engager dans leur chemin de guérison.
Xavie : Le cinéma est un excellent médium pour la rencontre entre les humains et la réflexion collective. La beauté du 7ᵉ art, c’est qu’il ne laisse pas indemne : il nous rassemble autour d’émotions et de questions qui, autrement, resteraient souvent silencieuses. Le cinéma, a en effet cette puissance unique : il relie l’intime et l’universel. Il nous fait ressentir, réfléchir et rêver ensemble. Dans ce sens, un film n’est jamais seulement une œuvre individuelle. C’est une invitation à penser et à ressentir en commun. Il crée un espace partagé où chacun reconnaît un fragment de soi, mais découvre aussi d’autres sensibilités, d’autres horizons. C’est exactement ce que nous avons le privilège de vivre avec les gens lors des projections de nos films en salle. Nous ajoutons des discussions après les projections également pour que tous soient témoins, comme nous, que nous sommes des centaines et des milliers à vibrer à ces sujets au Québec et dans le monde.
- Dans votre film : « Va vers toi », vous esquissez une approche spirituelle. Dans les conversations que vous avez avec les spectateurs, quel accueil percevez-vous ? Y en a-t-il déjà certains qui sont engagés dans une recherche spirituelle ? Comment ? Votre film suscite-t-il un désir de se mettre en chemin ? Et peut-être même un réseau s’esquisse-t-il ainsi ?
Xavie : Je perçois que nous sommes tous en chemin et c’est certain que les gens qui se déplacent pour venir voir nos films le sont. Il faut une certaine ouverture pour écouter et entendre d’autres points de vue sur les sujets qui nous sont si chers, comme l’amour, la foi, le doute, la souffrance, la créativité et les grands mystères de la vie. Nous avons reçu, depuis les débuts de l’Heureux Naufrage, des centaines de témoignages de gens bouleversés qui recevaient nos films comme des cadeaux mis sur leur route pour les outiller et les encourager à persévérer. Un parcours de 3 mois a été créé soutenu par des psychologues et des art-thérapeutes pour accompagner celles et ceux qui le veulent dans ce chemin philosophique, psychologique et spirituel. En un an, nous avons eu près de 1000 participants du Québec, de la France et de la francophonie. Beaucoup de nos orateurs dans ce parcours sont chrétiens et ont la foi, tout comme dans nos films d’ailleurs. Il n’y a pas question entre nous de nous juger sur ce point. Simplement d’avancer et de s’aider tous ensemble dans nos blocages émotionnels, psychologiques et spirituels.
Guillaume : Nous sommes au balbutiement d’un nouveau monde. Nous avons le privilège d’être témoins de cette période-là. Nous voyons la naissance d’une vie vivante dans des individus et dans la nôtre. C’est extraordinaire ! Un ami à moi, Gilles Babin, pour ne pas le nommer, m’a parlé de la route de soie. Nous avons découvert l’Amérique puisque nous étions à la recherche de cette soie si douce. Des milliers de personnes ont travaillé d’arrache-pied pour construire d’immenses bateaux, ils ont eu le courage de traverser l’océan au risque de leur vie pour cette douceur tant appréciée chez l’humain. Lorsque nous sommes arrivés, nous nous sommes rapidement rendu compte qu’il n’y avait pas de soie en Amérique. Je crois que le cadeau de la Vie fut celui de la spiritualité autochtone. Cette douceur que nous recherchions tant, cette route de soie était la roue de médecine, la relation avec la nature et avec le Créateur qu’ils nous proposaient, la reconnaissance profonde de la valeur du féminin et le réenchantement au monde. C’était une douceur intérieure dont nous avions grandement besoin après le Moyen-Âge et nos ancêtres ne l’ont pas vu. Tout comme ils n’ont pas vu Jésus. Aujourd’hui, je crois que les peuples premiers vont nous aider à créer ce nouveau monde plus doux pour les êtres humains et nous aurons besoin d’eux pour y parvenir.
- Vos films présentent des séquences d’entrevues avec des personnes de renoms et d’autres moins connues, d’Europe et du Canada. Qu’ont-ils en commun et qu’est-ce qui les diffère ? Comment les choisissez-vous ?
Xavie : Pour trouver les gens, je me laisse guider par l’élan de vie en moi, je dirais 😉 Je l’appelle Dieu. Je ne sais jamais à l’avance qui je vais interviewer et le soir, la nuit surtout, ça me vient. Une lecture, un courriel, une discussion, la nature, tout me parle et me guide vers ces personnes incroyables. Ce qu’ils ont en commun ? Ce sont des chercheurs comme moi qui ont trouvé de belles pistes, les ont intégrés dans leur vie et portent du fruit. Ce qui les diffère ? C’est qu’ils sont de tous les horizons. J’adore mélanger la psychologie, la philosophie, la science, la théologie, les langues anciennes, l’art, la spiritualité… Pour moi Dieu est partout et partout où je cherche, je le vois. Quelquefois c’est très petit, mais c’est là.
- Y a-t-il une ou deux de ces personnes qui vous ont particulièrement marqué ? Pourquoi ?
Xavie : Rémi Tremblay, le fondateur de la Maison des Leaders au Québec m’a beaucoup marqué. C’est son amour qui m’a touchée le plus. Il m’a aimé et m’a offert le meilleur de lui-même. Le Chef abénaquis, Dominique Rankin, et sa femme, Marie-Josée Tardif également. Tellement d’amour émane de ces humains. Je l’ai ressenti, je l’ai vu et j’en témoigne. Tous les participants en fait ont incarné l’amour, et pour moi, dans ma quête, ç’a été ma boussole. Mes défis étaient réels : me libérer d’une grande colère et d’un blocage à créer, voler de nouveau après de durs échecs, ressentir l’amour, apprivoiser ma créativité, gérer le temps qui passe, installer des limites saines entre moi et les autres, me donner tout et être bienveillante envers moi. On a besoin les uns des autres et ces humains sur ma route ont été des présents inestimables qui, je crois, me sont venus de Dieu.
Guillaume : Moi aussi, Rémi Tremblay, Rose Dufour, Dominique Rankin, Marie-Josée Tardif, Jean-Yves-Leloup, Éric Emmanuel Schmitt, David Goudreault
L’amour. Je ressens de ces gens des êtres humains pacifiés, sereins et aussi profondément influents, non pas parce qu’ils nous obligent à croire ou à suivre leur chemin, mais qu’ils émanent une connexion avec leur essence profonde qui nous appellent à les suivre.
- Vous êtes d’arrière-plan évangélique, Xavie a grandi dans une famille mennonite et Guillaume une famille baptiste. Quelle distance avez-vous prise par rapport à ces églises et avec la foi chrétienne, du moins dans la façon dont elle est aujourd’hui connue et pratiquée ? Quel lien voyez-vous entre la foi chrétienne et votre orientation spirituelle actuelle ?
Xavie : Je n’ai pris aucune distance dans mon cœur. Je suis et resterai à jamais une anabaptiste reconnaissante pour ses racines spirituelles, c’est ma famille. Malheureusement, la petite église mennonite dans laquelle j’ai grandi a fermé ses portes quelques années avant que nous commencions L’Heureux Naufrage. J’y vois un beau signe. Je devais avancer un temps seul pour poser un autre regard sur le monde et m’ouvrir aux beautés des gens à l’extérieur de l’église tout en l’aimant. J’aime l’église, mais Dieu la dépasse infiniment. Je le retrouve dans la nature, dans les groupes AA, chez les scouts, dans les conseils municipaux, les OBNL, les cafés communautaires, les chercheurs en sciences de toutes sortes, les artistes, les philosophes, les thérapeutes aimants… Le lien que je vois entre la foi chrétienne et mon orientation spirituelle actuelle c’est l’amour.
Guillaume : J’ai réalisé le premier documentaire « L’Heureux Naufrage » parce que j’étais en quête de sens. J’avais fréquenté une église baptiste jeune, mais je déplorais cette espèce de « moi je sais, toi tu ne sais pas ». De plus, on nous poussait à avoir des élans de peur et de crainte en nous disant que les gens allaient brûler en enfer si on ne faisait rien. En tant qu’enfant, c’est très troublant et culpabilisant de nous faire jouer dans notre imaginaire avec un feu qui brûle pour l’éternité ! Wow ! J’ai été aussi très blessé par cette hypocrisie de voir des gens qui parlaient d’amour, mais étaient tellement blessés qu’ils étaient incapables de le mettre en pratique. Je vois maintenant que cette église a été un cadeau dans ma vie, puisque je comprends aujourd’hui que c’était des hommes et des femmes blessés, malades et inconscients… comme je le suis moi-même… J’ai encore une bonne blessure de ce passé qui n’est pas tout à fait guéri. C’est pour cela que la liberté, l’esprit critique, la cohérence et l’authenticité sont si importants pour moi. J’ai donc fait « L’Heureux Naufrage » pour être guéri de cela. Disons que le processus de guérison n’est pas terminé… Ça me rappelle de me repencher sur cela en écrivant ces mots.
- Quelle place Jésus-Christ garde-t-il aujourd’hui dans vos pensées et vos vies ?
Xavie : Jésus est mon maître spirituel. Je le suis et l’aime de tout mon être. Je tente de me libérer chaque jour un peu plus de tout ce qui m’empêche de rayonner son amour immense pour chacun. Hubert Makwanda me disait pour Terre Promise que nous sommes des puits. J’aime cette image. Je suis un puits et, pour offrir de l’eau fraiche, je dois aller puiser profondément à la source d’eau vive en moi. Elle est abondante et toujours là. Voilà ce qu’est Jésus pour moi. Mon eau vive et ma source.
- En ce moment, seules deux présentations sont au calendrier pour l’Europe, les deux en Suisse, à Genève (1 oct 2025) et à Nyon (11-12 mai 2026). Projetez-vous d’autres présentations en Europe ? Comment des personnes intéressées à organiser une présentation peuvent-elles communiquer avec vous ?
Nous pouvons offrir les droits de projections publiques à tout groupe désirant animer de belles discussions autour d’eux en prenant nos films comme tremplin. Nous pouvons également nous déplacer dans les églises, les centres communautaires, les écoles, les prisons, les institutions pour rencontrer les groupes et réseaux de discussion déjà formés et en action dans leur communauté. La meilleure façon de nous rejoindre est par courriel à xaviejb@gmail.com ou en nous écrivant directement sur notre site www.vaverstoi.ca.
Merci de votre écoute bienveillante !
XaVie