A propos du film ‘Résilience à Buenos Aires’ de François Chayé. (Youtube)
Une femme dynamique d’une soixantaine d’années répond aux questions du réalisateur. Elle vit en Argentine depuis l’âge de 20 ans, d’abord dans le cadre d’une communauté religieuse, et tout récemment par ses propres moyens. On la voit circuler dans la ville et rencontrer ses amies locales. Comment est-elle passée d’un état à l’autre ? lui demande son cousin.
Elle évoque alors, avec mesure et discrétion, un désaccord dont on ne connaît pas la teneur, avec son Ordre. Elle-même responsable de la communauté locale, refuse un jour d’obéir à un ordre qu’elle juge discutable, par conviction. Manifestement équilibrée et solide, elle a travaillé le discernement spirituel : elle exprime son opinion, fidèle à sa conscience, et à ses analyses. Elle espère accéder à un dialogue ouvert et constructif qu’on lui refuse, l’encourageant plutôt à se mettre en retrait pour réfléchir. Finalement, on lui demande assez brutalement de quitter la communauté, le tout assorti d’appréciations négatives sans lien avec l’affaire (Il s’agit probablement d’une question de personne).
Elle n’a jamais obtenu un dialogue au fond. Après 40 ans dans la communauté, elle reste accessoirement sans toit, sans moyen de subsistance, et sans contact avec ses sœurs. Traumatisme et douleur, faciles à imaginer, mais dont on a des exemples récurrents.
Cette rupture imposée ressemble fort à un refus de la différence et de la contradiction, bien fréquent dans toute organisation humaine, qui conduit effectivement à un type de rejet, assorti de médisance ou de diffamation. Cette forme de persécution éprouvante nous renvoie au Christ, et dans cette mesure, ne peut-elle pas être finalement enrichissante malgré tout ?
Une amie a vécu une chose assez semblable dans une église en région parisienne. Une personne éprise de pouvoir, exerçant une influence démesurée auprès d’un pasteur sans expérience, a mené contre elle une action de discrédit pendant des années. Cette affaire était mineure, elle est restée locale. Un membre de l’église, outré par ces accusations mensongères, a fini par réagir un peu tard.
Il s’agissait de lui interdire d’accompagner un ami réfugié politique sans famille, qu’elle soutenait depuis 20 ans, dans sa fin de vie à l’hôpital où elle l’avait conduit, pour ses derniers mois. Le motif : elle aurait abusé de sa faiblesse, alors qu’elle lui avait donné à peu près tout ce qu’il avait, avait veillé sur sa santé, son alimentation, son hospitalisation très temporaire à domicile. Elle était son plus grand soutien, selon lui, le seul sur lequel il pouvait compter. Elle-même s’était épuisée dans cet accompagnement. Et un jour, interdiction brutale de l’approcher, formalisée. Sidération de tous, quand l’affaire a éclaté.
Cette amie a vécu l’épreuve comme une persécution. Persécution nous rappelant celle du Christ, qui venait guérir et annoncer la Vie, et qu’on accusait de mensonge et de blasphème, jusqu’à demander sa mort. Accusations mensongères qu’Il a supportées en silence.
Etaient-ce les prières de ses amis pour la soutenir ? L’épisode lui a rendu Jésus si proche, si présent à ses côtés dans une communion de cœur extraordinaire, qu’elle en était émerveillée, au-delà du choc. « Il fallait qu’elle l’expérimente, elle l’a expérimenté ».
Ces évènements (diffamatoires auprès du personnel médical et de la résidence, qui la connaissait bien, et douleur d’abandonner un ami en fin de vie), l’ont ouverte particulièrement à la présence divine, aux douleurs transfigurées du Christ, en l’ouvrant dans le même temps à la souffrance des autres qui viennent lui parler, y compris dans l’Église.
Elle a réalisé encore qu’elle aurait pu s’insurger contre cette situation violente. Elle a résisté au mal, comme Jésus l’a fait : ce combat qui s’acharne souvent sur ses disciples pour les affaiblir, les paralyser. Mais sans se défendre, comme lui. Et avec le recul voici ce qu’elle peut en dire, finalement.
On sort du combat victorieux, dans une plus grande humilité, abandonnant ‘nos œuvres’, pour dire au Seigneur : « que Ta volonté soit faite ! » La Vérité rend libre !
Et combien je comprends certaines détenues, vivant une spiritualité forte, et éprouvées de la sorte.
Certaines pensent à Job injustement éprouvé. Elles s’accrochent à Jésus, se souvenant de ce qu’il a subi, et partagent avec Lui ses souffrances. Elles pensent aussi que cette épreuve leur sera un enseignement. Et je constate qu’elles sont un soutien pour d’autres plus fragiles. Elles les encouragent à venir au culte, à rester au calme, et à prier sans cesse. Elles apportent la lumière dans les ténèbres. L’épreuve, là aussi, devient un chemin pour d’autres.
Ainsi, certaines épreuves vécues tout près de Dieu nous grandissent ; elles ne nous cassent pas, au bout du compte. Christ se fait plus proche. Il nous donne, avec la capacité de tenir, la résilience et la liberté intérieure nous permettant d’être fidèle à notre conscience, et aux valeurs qu’Il nous inspire.
Diane de Souza