Le 23 janvier 2005, lors de l’installation de la Communauté locale de la cathédrale SAINT-PIERRE à Poitiers, Albert Rouet, évêque de Poitiers, s¹exprimait dans une homélie dont nous donnons ci-dessous les points forts.

La loi de Séparation résultat imprévu, je le concède, donne au curé tout pouvoir, sans les laïcs. De cette loi de Séparation est née une figure du prêtre, inaugurée au Concile de Trente en opposition aux églises réformées.
Pour la première fois, le prêtre ne rencontre plus aucun contre-pouvoir. Sur le fondement de la spiritualité de l’Ecole française, pendant un siècle, il concentre sur lui tous les pouvoirs. Et il dirige et il fait tout.
Telle est probablement une des raisons de la diminution des vocations, un jeune ardent n¹ayant aucune envie de se retrouver à la tête d¹une petite entreprise nommée paroisse et, également, par un retour malsain de l¹ambition identitaire et du pouvoir, la naissance aujourd’hui de vocations équivoques qu’en tout cas, dans le Diocèse, nous n¹accepterons pas. Ce n’est pas en revenant un siècle en arrière qu’on confortera l’identité du prêtre.

« Vous êtes membres les uns des autres », écrit saint Paul par deux fois (Rm 12, 5 ; Ep 4, 25). Quand je constate la solitude de certains prêtres, elle ne provient pas forcément de ce qu’ils habitent seuls, mais elle naît de ce qu’ils n’ont pas de frères.

Le plus grave n’est pas la solitude, mais d’être à côté des chrétiens et de ne jamais, avec eux, partager sur l’essentiel, sur ce qui fait vivre, sur la raison pour laquelle on est devenu ou chrétien, ou prêtre. C’est l’isolement intérieur, même au milieu d’une foule, qui est plus dramatique que le reste.
Une responsabilité sans partage peut copier les pouvoirs de ce monde. Est-elle à la suite du Christ ?

Est-ce que nous, évêque, prêtres et diacres, comme ministres ordonnés, nous avons charge de faire des mineurs ou est-ce que nous avons charge, comme fierté de l’Eglise (Ph 1, 11), de faire des adultes dans la foi ? Un homme ou une femme peut être représentant de la nation par élection, chef d’entreprise, président d’association et il n’y aurait que dans l’Eglise que cet homme ou cette femme continuerait à être tenu pour un mineur ?
Est-ce cela que le Christ a voulu ? Non ! Je comprends très bien et j’admets évidemment que, dans des siècles où les gens ne savaient ni lire ni écrire, où à peine 10 % de la population jusqu’en 1800 savaient signer son nom sur le registre d’Etat Civil tenu par l’Eglise, que, dans ces temps, le prêtre exerça une fonction vicaire pour remplacer des laïcs qui ne pouvaient pas lire la Parole, parce qu’illettrés.

Il faut, aujourd’hui, dans ce monde que l’Eglise s’organise de manière à montrer le respect qu’elle porte à ses membres. On ne peut pas simplement se battre pour les Droits de l’Homme à 15.000 km et continuer à traiter des laïcs, baptisés, comme les sous-fifres d’un sacristain.

Il nous faut un peu de logique et le témoignage que nous avons à donner, dans ce monde, exige précisément de montrer que, dans l’Eglise, tout homme et toute femme est tenu tellement en estime qu’ils peuvent, de plein droit, remplir dans la communauté chrétienne les fonctions qui leur reviennent de par leur baptême et leur confirmation, et cela dans un cadre fixé, reconnu. On ne change pas en effet un prêtre par un laïc dans une structure qui a été voulue par les prêtres, organisée par les prêtres, gérée pour eux et faite pour eux. Il nous faut changer de structures. Alors, vers quoi ?
Nous arrivons à l’exténuation d’une culture paroissiale. Les regrouper ne change rien à leur nature. Il nous faut passer de l’isolement paroissial à la communion. C’est probablement là encore un des témoignages les plus ardents que nous avons à rendre à ce monde. On parle beaucoup d’unité, je ne connais pas de mot plus dangereux parce que les Musulmans, aussi, vivent l’unité. Dans la religion musulmane, la Oumma, l’unité de la communauté, représente une réalité absolument fondamentale. Bon nombre de Catholiques, en particulier ceux qui ont de la peine à accepter les autres, parlent beaucoup de l’unité, parce que, derrière l’unité, se tient toujours un problème de pouvoir. Ceux qui réclament l’unité, sont ceux qui d’une manière ou d’une autre cherchent à prendre le pouvoir sur les autres, quitte à se faire passer pour martyrs et malheureux, désireux qu’ils sont d’amener, par pitié ou lassitude, tout le monde à leur porte et à leurs pieds. Cette unité dévorante ramène à la fusion primitive.

La vie et la logique de l’Eglise s’écartent de ce type d’unité. Le mode propre de l¹unité chrétienne relève du mode de la communion. La communion respecte, dans les différences, l’harmonie de la foi qui nous rassemble. L’unité chrétienne joint, à la fois, union et différence. Nous avons, probablement, trop d’unité et pas assez de communion. Trop d’unité par uniformité, c’est-à-dire que l’unité est envisagée à partir de détails qu’on cherche à imposer anonymement.

L’identité chrétienne dont on nous parle beaucoup en ce moment révèle aussi un grand désir de pouvoir : je suis identitaire puisque je m’impose ! L’Évangile parle toujours d’une identité de service et d’humilité. Ce que nous sommes n’est pas pour nous, mais pour les autres. De la même façon que la Cathédrale, en sa splendeur, ne sert pas notre orgueil, mais symbolise pour l’humanité la grandeur de sa vocation et la dignité de la vie humaine. Albert ROUET, Archevêque de Poitiers.

Nous remercions la revue: “Ecoutes et Regards” de nous autoriser à diffuser sur le net ce texte qu’elle a publié dans son numéro 60 en décembre 2005 (p.10). Ce sont des extraits significatifs d’un texte qui porte loin et qui exprime un mouvement déjà en chemin. (Cf Albert Rouet et quatre coauteurs : Un nouveau visage d’Eglise. L’expérience des communautés locales à Poitiers, Bayard, 2005. (Compte-rendu dans: Ecoutes et regards, N° 60, p.11).

“Ecoutes et Regards” est une revue qui décline dans des dossiers de bonne facture, son appel : “vivre et croire aujourd’hui”. Entre autres : Où vont les Eglises ? (décembre 2005)). Eglises en marche? (décembre 2004)
Ecoutes et Regards 34, Rue Franklin 69002 Lyon Tél. : 04 72 38 29 21 E-mail: pimavi@wanadoo.fr

Voir aussi sur notre site temoins.com le texte : Des communautés locales dans le diocèse de Poitieers (sous rubrique : Innovations)
   

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