En quelques décennies, la fréquentation des célébrations le dimanche a beaucoup baissé (1). Peut-être, dans un nouveau contexte culturel, la vie chrétienne s’organise-t-elle différemment, mais le recul de cette forme de rencontre et d’expression de la foi a certainement des incidences négatives. Alors, il est grand temps de s’interroger sur les causes de ce déclin.

Des chercheurs anglais ont réalisé une enquête auprès d’un échantillon de personnes ayant abandonné la pratique dominicale (2). Il en ressort un livre tout à fait passionnant: “Gone but not forgotten”, “Partis mais pas oubliés” (3). Les résultats permettent de faire ressortir les causes du phénomène réparties en huit grands domaines. Dans quelle mesure le recul peut-il être attribué à une crise de foi, ou bien à une inadaptation par rapport aux attentes, ou bien encore à une perte de contact en relation avec un changement dans le mode de vie: conditions de travail ou existence familiale? Autre facteur: une disparité entre la proposition des églises et le degré d’évolution spirituelle de la personne. La proposition peut-être jugée trop exigeante ou au contraire susceptible d’entraîner un retour en arrière.

Dans ce bref compte-rendu, nous mettrons l’accent sur un aspect plus sociologique. Les auteurs de l’enquête mettent en valeur le rôle important joué par le changement social et culturel qui entraîne un décalage entre les jeunes générations et les célébrations dominicales. Ce décalage affecte particulièrement les personnes nées depuis 1945 (4). Celles-ci ont été classées par les sociologues anglo-saxons en deux catégories: les “baby boomers” nés entre 1945 et 1960 et les “baby busters” nés entre 1961 et 1981. Il y a des différences entre ces deux générations. La première plus idéaliste, a été influencée par les opportunités ouvertes au cours des années 60 et par les luttes pour sortir d’une société hiérarchisée. La seconde, plus réaliste, plus proche du tissu familial, s’inscrit de façon critique dans la culture des médias dans un désir d’expression personnelle et dans un rejet des manipulations.

Cependant ces deux générations, qui s’étendent maintenant jusqu’aux personnes de 55 ans, ont de nombreuses aspirations communes.

– Il y a une méfiance vis-à-vis des modes d’autorité s’imposant d’en haut, vis-à-vis des systèmes préconçus et de toutes les formes de manipulation.
– Il y a l’importance accordée à l’expérience prenant en compte toute la personne.
Ces générations s’inscrivent dans un mouvement de recherche spirituelle. Elles mettent l’accent sur une valeur majeure: l’authenticité.
– Ces traits de comportements débouchent sur une valorisation du choix. Les auteurs, comme chrétiens et sociologues, savent en tirer la leçon et suggèrent aux églises de diversifier leurs propositions. N’est-ce pas là d’ailleurs une actualisation de l’approche du Nouveau Testament (1ère Corinthiens 12, 14-27)? À partir de l’expérience anglaise, des exemples de célébrations différentes sont alors présentées.

La France et la Grande-Bretagne participent, quelque soient les variantes, à une même dynamique culturelle: celle de la société occidentale. Ainsi reconnaîtra-t-on une évolution semblable dans les traits de comportement. Aurons-nous l’honnêteté de reconnaître et d’affronter la réalité? Comme les prophètes invitaient leurs contemporains à un effort de vérité, nous sommes nous aussi appelés à écouter, à recevoir les interpellations et à changer. L’enquête anglaise fait ressortir que près de la moitié des personnes interrogées n’excluent pas un éventuel rapprochement. Quel enjeu!
Comme ce livre nous en donne un bel exemple, la recherche est une forme moderne pour apprendre à discerner les attentes, à reconnaître les besoins et mettre en œuvre de nouvelles approches.

Jean Hassenforder

(1) En 1945, la pratique dominicale en France était de 30%. Elle est tombée aujourd’hui en dessous de 10% (Cf. Georges Hourdin. Le vieil homme et l’Église. DDB, 1998, p. 26). En Angleterre, un adulte sur dix va à l’église le dimanche (Cf. Gone but not forgotten). Une enquête récente montre que ce pourcentage a encore diminué au cours des dix dernières années (Peter Brierley. The tide is running out. Christian research, 2000).
(2) Cette recherche revêt une double approche: qualitative (27 interviews), quantitative (envoi de 800 questionnaires avec un retour de la moitié). L’enquête a porté auprès de personnes originaires de toutes les dénominations anglaises (anglicane, catholique, méthodiste, baptiste…). Saluons la capacité de s’interroger chez les chrétiens britanniques. Cette recherche a été réalisée à la demande de l’église méthodiste.
(3) Philip Richter, Leslie Francis. Gone but not forgotten. Church leaving and returning. Darton Longman and Todd, 1998.
(4) On constate en France un phénomène comparable. En 1994, un article mettait en valeur un fossé séparant les générations entre les plus et les moins de cinquante ans. “Lorsqu’on cherche à comprendre ce qui explique les différences de croyances chez les français, c’est l’âge qui est déterminant” indiquait le sociologue Julien Potel (La Vie, n° 2541, 12 mai 1994, p. 25-26).

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