Extrait de l’ouvrage ci-contre ** Lire la présentation **, Christophe Ghesquière évoque un épisode de sa vie: comment, jeune professionnel, face à de nombreuses difficultés, il se trouve en crise, et comment, à travers un conseil psychologique, il sort de ce mauvais pas et découvre une nouvelle dimension de sa personnalité.

 

 

Vivre mes sentiments.            

   Je travaillais dans une entreprise d’électronique. Au bout de trois ans, j’ai commencé à ressentir une certaine lassitude. Mon emploi concernait le service après-vente, mais j’étais rattaché au département de la production. Je me sentais noyé dans ce département dont les manières de fonctionner et de gérer étaient complètement différentes des exigences de mon propre travail. J’avais l’impression qu’on ne reconnaissait pas la spécificité de mon activité. J’avais du mal à dialoguer avec le directeur du département. Je prenais la situation sur moi car je ne voyais pas d’autres solutions.

Peu à peu, je me suis trouvé en crise. Je devais prendre une certaine distance par rapport à mon travail et, en même temps, je n’arrivais pas à me dégager. J’ai donc vécu une forte tension. Les difficultés s’accumulaient en moi et, à certains moments, tout explosait. Ma femme en ressentait les contrecoups. Une amie m’a conseillé de consulter un médecin pour discuter de la situation. Finalement, j’ai vu un psychiatre chrétien. Nous avons discuté. Il a essayé de me comprendre. Dans ce qu’il m’a dit, une observation a retenti en moi. Il a constaté que j’étais quelqu’un de passionné. J’ai mieux compris alors pourquoi le conflit était arrivé. Jusque-là, je n’avais pas réalisé cet aspect de mon tempérament. J’avais besoin d’entendre une tierce personne parler de mon caractère. Le dialogue m’a permis de prendre du recul, de regarder la situation en face, de prendre conscience qu’il y avait en moi une souffrance, qu’il ne fallait pas la nier ou la mettre de côté comme je le faisais jusque-là. Je l’ai l’affrontée. Je suis allé trois fois chez ce médecin, il m’a donné un congé maladie et quelques médicaments, ce qui m’a calmé.

Quelque temps après, à la suite d’une situation de conflit, nous avons rejoint une autre église où des séminaires de formation étaient proposés. À partir de là, j’ai beaucoup évolué. Il y a un an et demi, j’ai suivi un séminaire sur les émotions qui m’a ouvert les yeux sur le monde affectif et émotionnel, un univers que je ne saisissais pas du tout. Je n’avais pas eu l’opportunité de me construire à ce niveau-là durant mon enfance. J’ai découvert qu’il y avait, chez l’être humain, une partie émotionnelle et affective qui était distincte de l’intellect, de la volonté, de la vie physique. Il y avait en moi une carence à ce niveau-là. Je me suis rendu compte que je vivais les relations d’une manière cérébrale, intellectuelle et qu’elles manquaient de profondeur. À partir de là, j’ai commencé à évoluer. L’affectif s’est manifesté de plus en plus.

J’ai suivi ensuite deux autres séminaires qui portaient sur la relation avec Dieu comme Père. Au moment de ma conversion, j’avais changé sur le registre de la pensée et sur celui de la volonté. J’ai découvert que la vie divine concernait aussi le domaine des sentiments, domaine qui jusque-là m’échappait. Les séminaires m’ont permis de réaliser que Dieu voulait une relation avec moi en tant que Père. J’ai alors découvert son regard paternel.

Quand Jésus s’est fait baptiser, une voix s’est fait entendre du ciel : « Voici mon fils bien-aimé en qui j’ai mis toute mon affection ». Il y a deux ans, je ne comprenais pas cette parole, je ne me sentais pas concerné. Maintenant, elle a beaucoup de sens pour moi. Dans cette découverte des sentiments, le Seigneur m’aide. Esaïe nous dit qu’à la croix Jésus a porté nos souffrances et nos douleurs. Nous ne sommes plus obligés de les garder pour nous ; nous pouvons les lui remettre. J’ai réalisé en profondeur ce que cela voulait dire. Je puis confier au Seigneur la souffrance que je ressens maintenant sur le plan émotionnel. C’est pour moi une libération.

J’ai longtemps prié pour découvrir la compassion.

Maintenant j’ai l’impression de commencer à la vivre de l’intérieur. Le Seigneur me donne la possibilité de prier pour des gens en difficulté, d’être sensible à leurs problèmes, de les encourager. Autrefois, je ne pouvais pas. C’était insurmontable. Cela me renvoyait à mes propres difficultés que je n’arrivais pas à gérer. Il y a aussi chez moi un désir de donner. Je vis davantage maintenant tout ce qui est de l’ordre de la générosité. Avec Fabienne, ma femme, notre relation a également changé. Je me suis aperçu que les sentiments avaient une importance énorme. Fabienne est heureuse de ce changement. Notre communion est plus forte et s’approfondit de plus en plus. À trente-six ans, je suis entré dans une nouvelle manière d’être. Le Seigneur continue de m’y conduire.

Christophe Ghesquière

« Itinéraires. Des chrétiens témoignent ». p. 171-174

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