A la claire fontaine, m’en allant promener, j’ai trouvé l’eau si belle que je m’y suis baigné…Philippe Claudel avec ce film nous baigne dans une œuvre sensible, réaliste, pleine de poésie…qui nous ouvre plusieurs chemins. Veut-il avant tout parler du parcours de réinsertion de Juliette après 15 années de détention ? Veut-il alimenter notre réflexion sur l’épineuse question de l’euthanasie ? Ou bien traite-t-il avant tout des relations humaines, fraternelles, amicales ? Des difficultés des êtres humains confrontés à la douleur ? Il parle de tout cela à la fois. A travers la simple vie quotidienne d’une famille, nous découvrons chacune de ces facettes : les êtres vivent, rient, se disputent, pleurent, s’écoutent, et s’aiment.

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Léa accueille Juliette, cette grande sœur qu’elle n’a pas vue depuis 15 ans. Juliette était « là-bas »…là-bas, ça s’appelle la prison ! Pendant ces années de séparation, Léa a construit sa vie avec Luc et leurs deux petites filles adoptées P’tit Lys et Amélia. Dans la maisonnée, il y a aussi le père de Luc, papi Paul, muet depuis un grave AVC. Et puis, autour de cette petite famille gravite les amis fidèles Samir et Aïcha, et Michel, le prof’ spécialiste de la littérature amoureuse…Celui qui a connu la prison pour y avoir enseigné plusieurs fois par semaine pendant plusieurs années. Celui qui saura apprivoiser Juliette, parce qu’il sait qu’on ne sort pas de « là » indemne…
Nous suivons pas à pas tous ces personnages. Nous suivons Léa et Juliette dans leurs retrouvailles, leur ré-apprivoisement, leurs silences et leurs brisements, dévoilement de leur vulnérabilité et leur force de vivre véritable…Nous suivons Juliette, de très près, succession de plans fixes, comme une série de tableaux de maître, dépeignant l’expression changeante de son être. Nous sommes premièrement témoins de son visage ravagé, de ses traits tirés, de son regard vidé…puis témoins  de la vie qui petit à petit reprend place en elle, nous vivons avec elle la redécouverte de saveurs simples,  oubliées de la vie. Derrière les murs de la prison, les livres étaient sa protection, ils étaient un rempart dit-elle entre elle et le monde. Libre, l’amour devient son nouveau rempart.
Philippe Claudel nous montre les personnages en silence, nous permettant de les rejoindre dans le dénuement de leur humanité. Il montre ainsi avec simplicité et beauté, la profondeur des liens qui unissent les êtres ; l’importance d’être là les uns pour les autres, souvent dans le silence…à l’écoute de la présence de l’autre…
Léa et Juliette mettront le temps qu’il faut pour s’ouvrir l’une à l’autre…pour que le lien, jamais réellement disparu, ni éteint, refasse surface…

 

Un film riche et profond, le doigt posé sur un essentiel : l’amour comme force de rédemption.
Il y a longtemps que je t’aime
Jamais je ne t’oublierai…
Film de Philippe Claudel – 2008. Il y a longtemps que je t’aime.

Laetitia Chamard

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