L’élection du 44e président des États-Unis, dont « le changement » et surtout « l’espoir » ont constitué les thèmes centraux de la campagne, invite à penser à nouveau frais le théologico-politique dans l’Amérique contemporaine à travers le cheminement singulier de celui qui  l’incarne désormais. C’est sur la voie d’une telle réévaluation des modalités du croire dans l’espace public que nous engage Stephen Mansfield :

entre portrait psychologique, formation intellectuelle et spirituelle (trempée dans les questionnements existentiels d’une société) et tableau d’une mutation sociopolitique.

Cette analyse fine nous ouvre à la compréhension de l’itinéraire qui mène Barack Obama à une foi ouverte, sans dogme, sans certitude, toute postmoderne, qu’il ne serait pas abusif de qualifier d’agnosticisme chrétien. Elle montre également le changement de paradigme religieux dans la sphère politique et la volonté d’effacement de la ligne de démarcation entre gauche séculière et droite religieuse, au profit d’une approche humaniste de la foi.

La matrice spirituelle d’Obama prend sa source à Djakarta sous Sukarno, sorte de maternelle de la tolérance religieuse et d’une spiritualité éclectique où l’Islam indonésien le dispute allègrement au bouddhisme, à l’hindouisme, au totémisme si familier aux conceptions animistes. Le jeune Barry ne tarde pas à expérimenter le laboratoire du multiculturalisme de retour à Hawaï où la famille maternelle s’est installée, portée par le vieux mythe américain de la frontière qui habite un grand père (unitarien) très libérale au plan théologique. Mais c’est à Chicago que le jeune travailleur social apprend à quel point le plus court chemin de soi à l’autre passe par Dieu ! Il y fait l’apprentissage d’une théologie du destin individuel et collectif tout en mesurant le « prix exorbitant des croyances de sa mère », maelström de contre-culture des sixties, d’athéisme « bien compris » et de religion du scepticisme et du détachement. La Trinity United Church et son flamboyant pasteur Jeremiah Wright très en vogue dans le monde noir lui fourni le socle doctrinal nécessaire à sa conception de l’espoir comme religion du doute.

Mansfield à la manière d’un ethno-méthodologue, pétri de culture théologique, nous entraîne par le truchement d’une écriture résolument subjective dans cet univers tribal, coloré et politisé du black gospel. L’auteur dépeint minutieusement une théologie de la libération identitaire qui opère un transfert de transcendance, de l’au-delà du royaume des cieux vers l’ici et maintenant d’une citoyenneté américaine cosmopolite. La nouvelle façon de faire de la politique basée sur la foi, procède davantage de l’identitaire que de l’apologétique, de l’éthique universaliste que des valeurs chrétiennes stricto sensu.

C’est une religion de la fusion communautaire, de la réconciliation et du dialogue à caractère civique, vidée de sa signification traditionnelle, visant à faire tomber le mur de séparation (d’après une métaphore bien connue de la culture politique américaine), que Mansfield dépeint habilement. La foi de Barack Hussein Obama serait donc une foi dans la perfectibilité de l’union comme il l’affirmait lui-même, dans un discours fameux prononcé à Philadelphie le 18 mars 2008, au cœur de sa campagne pour l’investiture du parti démocrate pour l’élection présidentielle.

 Franck H. Ekra

 

 La foi de Barak Obama. Quel impact sur la politique américaine ?
(de Stephen Mansfield, editions Empreinte temps présent, 2009)

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