Premiers regards sur la post-chrétienté

Mais qu’est-ce que la chrétienté ? Certainement, ce terme évoque une civilisation bien établie qui, après avoir prospéré pendant des siècles, est en train de s’éloigner et de disparaître. Nous sommes encore dans une période de transition. ”Mais nous devons nous préparer pour le changement. De nouvelles expressions de l’église et de la mission, de nouveaux modes de pensée sur l’éthique, la politique et l’évangélisation seront nécessaires” p. 3.
Stuart Murray définit la post-chrétienté en ces termes : “La post-chrétienté est la culture qui émerge au moment où la foi chrétienne perd sa logique au sein d’une société qui a été modelée par le récit chrétien et alors que les institutions qui ont été construites pour exprimer les convictions chrétiennes perdent leur influence” (p. 19). Mais pour arriver à cette définition, des préalables sont nécessaires :

– Le terme de post-chrétienté ne décrit pas d’une façon exhaustive la culture qui remplacera celle de la chrétienté. C’est un des nombreux mots commençant par “post” qui évoque une période de turbulences culturelles marquant une transition du connu à l’inconnu. “La chrétienté est mourante. Nous entrons dans une nouvelle culture qui se situe “après la chrétienté” et nous réalisons que nous avons besoin de temps pour prendre nos marques dans ce nouveau paysage” (p. 4).

– La post-chrétienté n’implique pas nécessairement un effacement de la foi chrétienne. Certes, en Grande-Bretagne, les églises sont en rapide déclin. À terme, certaines sont menacées d’extinction. Une implosion n’est pas impossible. N’oublions pas l’exemple de l’église en Afrique du Nord qui s’est effondrée au moment de la montée de l’Islam. Mais l’avenir dépend de nous. “Il dépend de la manière dont nous serons capables de ré-imaginer le christianisme dans un monde que nous ne contrôlerons plus. La chrétienté est mourante mais un christianisme nouveau et dynamique peut renaître de ses cendres” (p. 8).

– La post-chrétienté ne sera pas la même que la pré-chrétienté. Certes cette dernière nous apparaît comme un exemple dans la mesure où la foi chrétienne s’y répand, indépendamment des compromissions historiques qui se mettent ensuit en place. Mais la chrétienté, en se retirant, laisse des traces à la fois positives et négatives. “Comme héritiers de la chrétienté, nous devons décider quels sont les bagages qui nous alourdissent et que nous devons abandonner, et les précieuses ressources qui peuvent nous accompagner dans la poursuite du voyage” (p. 10).

– La post-chrétienté ne s’identifie pas à la sécularisation. Aujourd’hui on perçoit les limites de cette évolution à long terme. Les croyances religieuses sont loin de s’effacer et on enregistre de fortes aspirations spirituelles. Cependant, dans la post-chrétienté, ces inspirations s’investissent peu dans le christianisme “qui est associé à un dogmatisme oppressif et perçu comme inhibant”. La post-chrétienté n’est pas séculière mais elle n’est pas non plus chrétienne.

– La post-chrétienté n’est pas équivalente à la post-modernité. La chute de la chrétienté et la perte de confiance dans le récit chrétien a conduit d’abord au discours moderne puis, en réaction à ce dernier, au relativisme du postmodernisme. Cependant, la chute de la chrétienté apparaît comme un mouvement à long terme qui semble plus durable et plus profond.

– La post-chrétienté n’est pas une expérience partagée par tous les chrétiens. C’est l’expérience des chrétiens en Europe occidentale et dans d’autres sociétés ayant des racines dans la culture européenne. “Les différences historiques, sociopolitiques et culturelles ont produit des formes diverses de chrétienté dans différents pays et il en est résulté des variations dans l’allure de son déclin et la forme émergente de la post-chrétienté.
Mais la transition vers la post-chrétienté est l’expérience partagée de la plupart des chrétiens dans la culture occidentale”.
Il faut cependant réserver une place à part aux États-Unis. En effet, si l’apparition de la post-chrétienté est visible dans certains espaces de la société américaine, dans d’autres un genre de chrétienté continue à prospérer. On peut même se demander “si une forme renégociée de chrétienté ne peut pas gagner le cœur de la société américaine” (p. 17).
Mais on doit également élargir notre horizon géographique et historique. Dans le passé, au Moyen-Âge, il y a eu probablement davantage de chrétiens en Asie qu’en Europe. Ces chrétiens, confrontés aux religions de l’Orient, ont vécu dans un environnement qui excluait un paysage de chrétienté. Aujourd’hui, le christianisme se développe à une vitesse exponentielle en Afrique, en Asie et en Amérique latine dans des cultures qui peuvent être décrites en terme de pré-chrétienté ou de chrétienté encore présente. Il se peut que de nouvelles chrétientés s’établissent dans ces régions. Certainement, les “sociétés chrétiennes” émergentes auraient intérêt à tenir compte de l’expérience européenne pour éviter des expériences fâcheuses.

L’apparition et le développement de la chrétienté

Après ces premiers aperçus sur la post-chrétienté, Stuart Murray s’engage dans une rétrospective historique.
Et d’abord, comment la chrétienté est-elle apparue ? Son histoire commence à Rome au quatrième siècle avec l’empereur Constantin qui fait du christianisme la religion privilégiée par le pouvoir impérial. À la fin du siècle, à la suite des édits de l’empereur Théodore I, le christianisme devient religion d’État. L’église devient une institution. Un appareil ecclésiastique s’installe. Dans les siècles qui suivent, le christianisme s’impose dans l’Europe de l’ouest et du nord, dans un mouvement complexe mais fortement porté par un pouvoir qui descend d’en haut. À partir du VIIIème siècle, dans le contexte des conquêtes menées par les Francs, la chrétienté s’uniformise dans un empire qui propage le christianisme avec des méthodes coercitives. Ainsi peu à peu, une culture totalitaire s’est imposée et on peut se demander dans quelle mesure la foi chrétienne était vécue en vérité dans l’enceinte de la chrétienté.
Stuart Murray s’applique à analyser les changements à travers lesquels le christianisme du Nouveau Testament et de la pré-chrétienté a été progressivement défiguré. Il fait ainsi apparaître les grandes tendances à travers lesquelles les déformations se sont installées.
À cet égard, la théologie d’Augustin a été une étape importante. Quels que soient par ailleurs les talents et les apports de celui-ci, Augustin apparaît comme ayant été le théologien qui a fondé la chrétienté en développant des enseignements qui, sur un certain nombre de points majeurs, ont opéré une rupture avec l’esprit de l’Évangile et du Nouveau Testament.

Voici quelques-uns de ces points :
– L’introduction du principe d’une prédestination arbitraire qui assignait la majorité de l’humanité à une punition éternelle.
– L’enseignement que le péché originel a été hérité d’Adam à travers la luxure impliquée dans la procréation des enfants (ce qui nécessitait le baptême de ces derniers).
– L’expansion du baptême des enfants alors que dans les trois premiers siècles, le baptême des croyants adultes était la pratique courante. Les enfants issus des familles chrétiennes étaient généralement baptisés vers douze ans.
– La justification théologique de l’oppression et de la coercition vis-à-vis des opposants religieux.
– La doctrine de “l’indélébilité” du sacrement de l’ordre si bien que le clergé est devenu une caste permanente.
– La réactivation de la dîme.
– La mise en place d’un enseignement catéchétique sur la base des dix commandements.
– Le développement d’une théorie de la “guerre juste” remplaçant le pacifisme des premiers siècles.

Ces doctrines se sont appuyées sur des emprunts à l’Ancien Testament en contradiction avec les enseignements du Nouveau.

Cependant, quelqu’ait été l’influence d’Augustin, le déplacement vers la chrétienté a été un mouvement bien plus vaste avec lequel certaines propositions augustiniennes se sont accordées. La chrétienté s’est caractérisée par l’instauration du christianisme comme une religion officielle transmise à la naissance par le baptême, imposée d’en-haut par une pression sociale et politique accompagnée de moyens coercitifs, incarnée dans une caste cléricale contrôlant la vie religieuse. Stuart Murray note les oppositions qui ont été réduites au silence ou marginalisées. L’analyse de ces mouvements nous éclaire sur les enjeux et sur les alternatives potentielles.

La théologie de la chrétienté s’est manifestement éloignée de l’inspiration évangélique. L’Ancien Testament devient une référence majeure. L’empire christianisé regarde vers l’exemple d’Israël à l’époque de la royauté : “Les deux avaient des frontières à défendre, des armées à déployer, des institutions sociales à maintenir et un héritage culturel à transmettre. Les deux reconnaissaient le gouvernement ultime de Dieu, médiatisé à travers des leaders choisis et oints. Les rôles de roi et de prêtre pouvaient être traduits dans le partenariat Église-État installé au cœur de la chrétienté” (p. 120). “La distance croissante entre le style de vie de Jésus et celui de beaucoup d’ecclésiastiques rendait nécessaire une marginalisation de la vie et de l’enseignement de Jésus…” (p. 122). “Les souvenirs de Jésus mettant en cause les autorités, défendant les pauvres et critiquant l’injustice perturbaient les évêques devenus personnages officiels…” (p. 122). Dans le tournant du quatrième siècle, les théologiens affirment la divinité et l’humanité de Jésus, mais ils marginalisent sa vie. Le Credo de Nicée, par exemple, passe directement de la naissance à la mort de Jésus. Les miracles, les rencontres, les enseignements, le style de vie subversif de Jésus ne sont plus pris en compte. L’image de Jésus devient une version céleste de celle de l’empereur. “Désormais, l’Église est passée au centre alors que Jésus est déplacé vers la marge” (p. 124).

Vers la désintégration du système

Les réalités humaines sont complexes. Certainement la chrétienté a engendré une culture dont le legs est considérable sur le plan artistique, littéraire et philosophique. Elle a suscité également des institutions qui ont été incorporées aujourd’hui dans la société séculière. L’histoire et la culture de l’Europe ne peuvent être comprises et appréciées aujourd’hui sans la prise en compte de cet héritage. “Les pièces de théâtre, les romans, les galeries d’art, les concerts classiques seraient inintelligibles sans la connaissance de cet arrière-plan”. Mais la chrétienté a été également un système religieux oppressif et totalitaire qui a engendré de sérieux méfaits.

Aussi bien, ce système a-t-il commencé à se désintégrer à partir du tournant du XVIème siècle. Dans l’analyse de cette première étape, Stuart Murray s’attache à montrer le rôle et les limites de la Réforme. En effet, si elle fait éclater l’uniformité antérieure, la Réforme n’a pas suscité une sortie de la chrétienté.. Dans les pays protestants, l’Église est généralement restée liée au pouvoir politique. La religion des autorités a continué à déterminer la relation de leurs sujets. Cependant, des mouvements chrétiens minoritaires se sont développés pour remettre en cause le système religieux dominant. Stuart Murray met ainsi en évidence l’originalité du courant anabaptiste. Les anabaptistes mettent l’enseignement de la pratique de Jésus au centre de leur vie. Être chrétien, c’est suivre Jésus. Le Nouveau Testament, souvent minoré par rapport à l’Ancien, redevient une source dynamique d’inspiration. Les anabaptistes rejettent l’imposition religieuse en associant conviction personnelle et baptême à l’âge adulte. Ils revendiquent la liberté religieuse pour tous. Dans une société qui se dit chrétienne, ils rejettent la guerre et la violence. Ils forment un mouvement missionnaire en créant des églises nouvelles. En butte aux persécutions, ils donnent l’exemple d’une Église qui rompt avec le modèle de la chrétienté.

Cependant, au cours des siècles suivants, la désintégration de ce modèle va progressivement se réaliser. Les transformations économiques, sociales et culturelles brisent les cadres anciens et développent un processus qui met l’autonomie des individus au premier plan. Cette analyse rejoint celle des historiens et des sociologues français comme Jean Delumeau et Danièle Hervieu-Léger. Stuart Murray présente les différents vecteurs du changement, structurels mais aussi conjoncturels, sociétaux mais aussi liés à l’histoire des idées. Et finalement, la question de l’héritage peut être posé.

Quel héritage ?

“La chrétienté comme arrangement politique, la culture sacrale peuvent être défuntes. Mais des vestiges de chrétienté survivent dans notre société. Certains sont inoffensifs. D’autres sont inappropriés pour une église marginale dans une culture plurielle, mais ils sont souvent défendus sous d’autres bases que celles à travers lesquelles ils ont vu le jour. C’est le cas par exemple du baptême des enfants. Quelques vestiges peuvent être tout à fait sains, en témoignant d’une maturation de l’église plutôt que d’une déviation par rapport à des formes plus précises et plus saines. D’autres peuvent mettre en danger notre témoignage et nuire à notre capacité de nous engager intelligemment dans la mission relative au nouveau contexte” (p. 188). Stuart Murray appelle en conséquence à un discernement. Et pour cela, il nous faut d’abord identifier les vestiges. L’auteur procède à cette identification dans le contexte britannique. Dans un pays où il n’y a pas eu comme en France une séparation entre l’Église et l’État, l’héritage institutionnel reste copieux. Mais il y a aussi des traits qui témoignent de réalités répandues dans toute l’Europe, par exemple des formes de leadership et de communication encore ancrées dans une mentalité modelée par une structure hiérarchique. Apprenons donc à identifier les attitudes et les représentations qui, encore aujourd’hui, relèvent de l’état d’esprit de la chrétienté. Citons-en quelques unes extraites de la longue liste que nous propose Stuart Murray (p. 200-203) :
– Une disposition favorable à la respectabilité, la mission de haut en bas et un gouvernement d’église hiérarchique.
– Une présentation de l’histoire de l’Église marginalisant les laïcs, les mouvements dissidents, les femmes et les pauvres.
– Une disposition de “majorité morale” sur les questions éthiques, affirmant le droit des églises d’enseigner aux gens les principes de leur conduite au-delà même de la communauté chrétienne.
– Une approche punitive plutôt qu’orientée vers la restauration dans les questions de justice et le soutien de la peine capitale comme biblique.
– Prétendre que les chrétiens gouverneraient les nations mieux que les autres, plus justement et plus efficacement.
– L’utilisation du langage de la “guerre spirituelle” sans réfléchir aux enjeux de la violence et sans tenir compte de ses effets sur les usagers et les observateurs.
– La solennité, le formalisme et même la morbidité dans le pain rompu et le vin partagé à la Cène en contraste avec l’informalité joyeuse et domestique des églises primitives.
– En dépit de décennies de déclin, une théologie et un langage triomphaliste (en particulier dans les cantiques).
– L’attente d’un réveil imminent qui restaurerait l’influence des églises dans la société.

Ces attitudes et ces représentations sont souvent instinctives, mais leur mise en cause peut susciter des oppositions passionnelles qui indiquent l’influence persistante des modèles de la chrétienté. Par ailleurs, si elles sont inégalement répandues, elles se retrouvent, sous des formes diverses, dans toute la gamme des églises.

Comment gérer l’héritage de la chrétienté ? Stuart Murray décrit les différentes approches en cours aujourd’hui. Certains refusent de constater le déclin. D’autres défendent les vertus de la chrétienté. D’autres encore adoptent une attitude pragmatique mais ne vont pas au fond de la réflexion. Certains pensent que ces problèmes concernent seulement les dénominations anciennes sans se rendre compte que leurs attitudes, leurs attentes, leurs cantiques et leurs prédication expriment un état d’esprit de chrétienté. De fait, la connaissance de l’histoire et une réflexion théologique sont nécessaires si on veut prendre du recul pour opérer les bons discernements. Il faut éviter de rejeter en bloc le passé car, à côté des pires abus, on peut voir aussi des expressions de beauté, de compassion et de spiritualité. Bref, il y a “un devoir d’inventaire” pour reprendre une expression employée dans la politique française actuelle. Il y a des questions à démêler et une déconstruction à opérer en vue de mettre en œuvre de nouveaux chantiers.

Un horizon nouveau : Mission, Église, Ressources.

À partir de cet examen, Stuart Murray propose trois grandes perspectives pour la vie chrétienne dans le temps de la post-chrétienté. Comment développer la mission ? Comment concevoir l’Église ? Quelles ressources développer ?
L’auteur est engagé depuis longtemps dans une réflexion et une action pratique concernant la mission et l’Église. Ainsi avons-nous déjà analysé un de ses livres précédents : “Church planting. Laying foundations” (2). De fait, au cours des 20 dernières années, Stuart Murray a participé à la création de nombreuses églises. C’est dire combien sa réflexion s’appuie sur une expérience. L’auteur allie cette pratique à une réflexion sociologique et théologique. On retrouve cette même approche dans les deux chapitres concernant la mission et l’Église. Aussi renvoyons-nous le lecteur aux textes précédents pour mettre l’accent sur le chapitre concernant les ressources qui intervient en forme de conclusion de cet ouvrage.

Les ressources vont nous permettre de répondre à quelques questions majeures : comment allons-nous lire la Bible en post-chrétienté ? Quel langage utiliserons-nous ou éviterons-nous ? Quel impact la post-chrétienté aura-t-elle sur notre théologie et tout particulièrement sur notre compréhension de Jésus ?

Tout au long de son livre, Stuart Murray a montré comment le contexte de la chrétienté avait influencé l’interprétation de la Bible. On s’est servi de la Bible pour légitimer certaines pratiques. La post-chrétienté nous invite à mettre en question les présupposés issus de la chrétienté et à revoir certaines interprétations bien installées. Déjà dans le passé, des dissidents avaient du faire appel à la liberté de l’Esprit pour contester certaines représentations. Dans cette recherche, sachons croiser les points de vue en considérant les différentes approches. Au quatrième et au cinquième siècle, en cherchant les moyens pour légitimer un empire chrétien, les théologiens se sont appuyés sur les textes concernant la royauté juive. Mais, dans l’Ancien Testament, il y a bien d’autres paradigmes qui peuvent retenir notre attention. Par exemple, la littérature de l’exil est une source d’inspiration pour un peuple chrétien cherchant sa voie.
Bien sur, le contexte de la chrétienté a également influencé la théologie. Stuart Murray nous invite à réfléchir à ce sujet.
– Dans quelle mesure les credos du quatrième et cinquième siècles ont-ils été biaisés par l’influence de la philosophie grecque ?
– Quelle influence la chrétienté a-t-elle exercé sur une certaine théorie de l’expiation (telle que la substitution pénale ou la rançon) ? Devrions-nous revisiter notre doctrine du salut dans un contexte ou aujourd’hui l’interrogation sur le non sens l’emporte sur la culpabilité ?
– Quel impact l’état d’esprit punitif et coercitif de la chrétienté a-t-il eu sur notre pensée concernant la justice, la rétribution, la peine capitale et l’enfer ?

On peut aussi se demander si “la théologie, séparée de la marche à la suite de Jésus, de l’adoration et de la mission n’est pas une distorsion introduite par la chrétienté ?” (p. 302). Le terme “théologie” était rare avant 325. Selon Kenneth Leech, la théologie de la chrétienté a été cérébrale, élitiste, individualiste, déconnectée de la prière et de la recherche de la sainteté.. La théologie de la post-chrétienté devrait être enracinée dans la vie communautaire, en phase avec le contexte, soucieuse des applications. Elle ne devrait pas être réservée à un milieu académique et descendre d’en-haut mais être une pratique concernant tous les croyants.

Stuart Murray évoque également le problème du langage. Il y a beaucoup à dire sur la réception actuelle de certains termes connotés par les représentations de la chrétienté. Ce réexamen concerne un champ très vaste.

Stuart Murray s’interroge également sur la représentation des églises par des gens encore en réaction vis-à-vis de l’héritage de la chrétienté. Comment les églises peuvent-elles se départir de tout ce qui compromet la communication du message évangélique ? Comment peuvent-elles éviter d’apparaître comme des cercles fermés, mais au contraire accueillir les personnes en recherche ? Les communautés ouvertes où les gens peuvent exprimer leurs questions ont d’autant plus besoin d’une inspiration forte, d’un noyau de croyances et de valeurs fondamentales entraînant une expression claire et attrayante. N’est-ce pas la personne de Jésus qui peut aussi nourrir le cœur des église ? “Au quatrième siècle, l’Église s’est déplacée des marges vers le centre. Mais dans ce même mouvement, Jésus est passé du centre aux marges. La chrétienté, le christianisme sans Jésus au cœur est devenue conventionnelle et oppressive. L’Église marginale du XXIème siècle a une possibilité de remettre Jésus au centre et de devenir créative et libératrice” (p. 311). C’est un appel à redécouvrir le message divin à travers l’incarnation. “Ainsi, la mort et la résurrection de Jésus ne peuvent être détachés de sa vie. Ne pas demander seulement : pourquoi Jésus est-il mort, mais aussi : pourquoi l’ont-ils tué ?”. “Dans la post-chrétienté, notre plus grande ressource c’est Jésus… Dans une société écœurée par le christianisme institutionnel, Jésus éveille encore l’intérêt et le respect. Notre priorité doit être de redécouvrir comment dire l’histoire de Jésus et présenter sa vie, son enseignement, sa mort et sa résurrection en reconnaissant que des essais passés ont souvent manqué le but… Parmi beaucoup d’autres choses, nous devons présenter Jésus comme l’ami des pécheurs, la bonne nouvelle pour les pauvres, le défenseur des faibles, le réconciliateur, le pionnier d’un âge nouveau, le combattant de la liberté, le briseur de chaînes, le libérateur et le pacificateur, celui qui démasque les systèmes d’oppression et apporte l’espoir… Mais pour cela, nous avons besoin d’une rencontre renouvelée, rafraîchie (“fresh”) avec Jésus…” (p. 316-317).

En conclusion… Des chemins à explorer.

Convergences
Les sociétés européennes se dirigent aujourd’hui vers une situation de post-chrétienté. La forme et la rapidité de cette évolution varient selon le contexte national. La France est tout particulièrement concernée. Très tôt, la Révolution Française a été un affrontement majeur avec les composantes de la chrétienté.
Aujourd’hui, des ouvrages nous parlent de la “sortie de la religion”. Plus précisément, le dernier livre de Danièle Hervieu-Léger traite du catholicisme en terme de “fin d’un monde” (3). Ses références et ses valeurs, ses représentations et son personnel sont sortis, ou en train de sortir, du champ social. Le catholicisme sous-tendait la société et la culture. En terme “d’exculturation”, D. Hervieu-Léger “met l’accent sur un processus par lequel, au-delà du rétrécissement avéré de l’influence de l’Église dans la société, le “tissage catholique” de la culture profane elle-même est en train de se dénouer” (p. 97).
Le livre de Stuart Murray nous permet de réfléchir à cette évolution dans un temps long où l’histoire religieuse dans son contexte social et culturel est elle-même un principe d’interprétation. Lorsque Jacques Ellul écrit son livre sur la “subversion du christianisme” (4), il montre également comment les déviations et les abus ont porté atteinte à la vitalité et à l’authenticité de celui-ci. À la lecture historique et sociologique, il faut allier la lecture théologique. À cet égard, le livre de Hans Küng : “Le christianisme. Ce qu’il est et ce qu’il est devenu dans l’histoire (5), nous paraît exemplaire. Hans Küng part de l’existence de Jésus et de la vie de l’Église primitive pour distinguer les caractéristiques spécifiques du message. Et à partir de là, il montre comment des déviations sont intervenues au cours du temps. “La mesure de tout christianisme en tout temps demeure l’Évangile. Aucune tradition, aucune église chrétienne ne sauraient échapper à un jugement à partir de ce critère. Ce n’est pas le passé qui m’intéresse ici mais comprendre pourquoi et comment le christianisme est devenu ce qu’il est aujourd’hui – en considérant ce qu’il pourrait être”.
Le projet de Stuart Murray dans son livre sur la chrétienté nous paraît s’inscrire dans une perspective voisine de celle de Hans Kung. Mais il se focalise davantage sur le thème de la chrétienté. D’inspiration anabaptiste (6), Stuart Murray a été amené à collaborer avec des chrétiens de différentes dénominations, tout au long de son travail de terrain en vue de la création de nouvelles églises. Son livre témoigne aussi de plusieurs compétences : une approche historique et sociologique, un regard critique nourri, entre autres, par la vision anabaptiste, un jugement nuancé fruit de ses contacts inter-dénominationnels, une perception des réalités concrètes en rapport avec son travail de terrain.
Ce livre, en phase avec d’autres apports comme ceux de Hans Kung et de Jacques Ellul, nous paraît un outil de travail privilégié pour comprendre les problèmes auxquels les chrétiens sont confrontés aujourd’hui.
De même, en associant les approches sociologiques et théologiques, Stuart Murray s’inscrit parmi les auteurs britanniques comme Michael Maynagh (7) et Pete Ward (8) qui entretiennent et soutiennent le processus de l’Église émergente (9). Confrontés à des problèmes communs, les chrétiens de différents pays et de différentes dénominations se limitent dans leur réflexion et leur pratique lorsqu’ils se bornent à utiliser les ressources de leur pays et de leur église. Enfermés dans ces limites, ils sont dépendants des conditionnements ecclésiaux et appauvris dans leur imagination. Lorsqu’on croise les réflexions, lorsqu’on ouvre une perspective internationale et interdénominationnelle, un horizon nouveau apparaît.

Questions de prospective
Ce livre peut nous aider à entrer dans une réflexion prospective. Quels sont les scénarios pouvant représenter le futur des églises en France ? Entre autres, nous en suggérons quatre qui pourraient être intitulés : l’implosion, la restauration, la transformation, la mutation.
– L’implosion correspond à la menace d’un affaissement des églises. Des indicateurs comme l’exode des participants aux célébrations ou le déclin du nombre de leurs permanents sont évidemment alarmants. Certaines églises en Grande-Bretagne sont menacées à terme de disparaître de la scène sociale. Comme le note Stuart Murray, il y a d’ailleurs des précédents : le sort funeste de l’Église en Afrique du Nord au moment où apparaît la vague de l’Islam.
– La restauration est peu probable. Elle est pourtant attendue ou rêvée par différents milieux conservateurs dans une référence nostalgique aux grands moments de la chrétienté. Les références pontificales ne privilégient-elles pas le Moyen Âge ? Ce courant risque d’enfermer et de sectariser l’Église dans un retour en arrière.
– Le scénario de la transformation est par contre mobilisateur et porteur d’espérance. Il appelle des changements profonds dans la vie et la structure des églises. Mais on peut lui adjoindre un autre scénario impliquant un processus plus radical.
– Ce serait le scénario de la mutation. Ainsi l’apparition de l’Église émergente rompt avec les fonctionnements traditionnels. À un moment, Stuart Murray montre comment la distinction entre clergé et laïcat est un héritage de la chrétienté. Il ne suffit donc pas de maintenir le recrutement d’un clergé en transformant son genre de vie. En France, l’attachement à la figure traditionnelle du prêtre, en porte-à-faux avec le changement culturel et qui se traduit en aveuglement, hâte la chute des effectifs du clergé (10). Dans quelle mesure cette crise, qui porte une menace d’implosion, peut-elle à long terme se retourner d’une façon bénéfique en ouvrant la porte à des changements radicaux dans la vie de l’église catholique ? Comptons par ailleurs sur une entrée croissante des églises évangéliques et protestantes dans l’innovation. Le scénario de la mutation requiert une prise de conscience de l’enjeu et une mobilisation en conséquence.
– Ces différents scénarios peuvent se recouvrir partiellement. Aussi bien, ces hypothèses sont-elles une invitation à la réflexion.

L’Église émergente. Un engagement personnel
La perspective de l’Église émergente ouvre un horizon. Mais à quelles conditions ? Entre autres, un engagement personnel des chrétiens à la suite de Jésus. Cependant, la chrétienté laisse encore des traces dans les mentalités : la division entre clergé et laïcat, église enseignante et église enseignée, hiérarchie et fidèles, a eu – et a encore – des incidences. Elle implique un “domaine réservé”. Le chrétien ordinaire est tenu à distance du cœur de la vie spirituelle et, par là, connaît une dépendance et une désappropriation. La messe catholique précédant le Concile Vatican II est un exemple de cette situation. N’en reste-t-il pas actuellement des vestiges ?
Comme le souligne la sociologue anglaise Grace Davie (11), d’une façon plus générale, il y a en Europe une caractéristique commune : c’est l’ancienneté et l’importance de l’institutionnalisation des églises. Un lien entre pouvoir politique et pouvoir religieux s’enracine dans l’histoire de chaque pays, quelles que soient les formes différentes qu’elle revêt aujourd’hui. Dans ce contexte, le rapport de beaucoup d’européens aux églises s’accompagne d’une certaine distance. Grace Davie interprète ce type de relation en introduisant le concept de “vicarious religion”, c’est-à-dire de religion par procuration. Nombre d’européens ne s’impliquent pas directement mais, à certaines occasions, ils ont recours à une mémoire religieuse vis-à-vis de laquelle ils ne se sentent pas complètement étrangers et que les églises entretiennent pour leur compte. Parce que l’héritage de la chrétienté a été particulièrement marqué en Europe, on comprend l’ampleur de la crise associée à la sortie d’un système religieux aujourd’hui dépassé.
C’est dire aussi combien l’évolution des mentalités est nécessaire. Aujourd’hui, l’Église émergente requiert une dynamique de foi personnelle.

Pour une réflexion théologique
Le livre de Stuart Murray appelle le développement d’une nouvelle réflexion théologique. Dans cette situation de transition, les questions sont nombreuses et ont besoin de points de repère. Comment prendre en compte des interrogations qui s’expriment dans la vie quotidienne ? À juste titre, Stuart Murray propose une réflexion collective et récuse les polarisations sur des points mineurs. En effet, aujourd’hui, le discernement est particulièrement nécessaire. De grandes questions apparaissent. Comment développer une vision équilibrée dans le jeu des effets de balancier où, en apposition à un excès, on risque de tomber dans un excès contraire.

– Ainsi la redécouverte de l’humanité de Jésus en réaction avec les déformations antérieures doit aller également de pair avec la conviction de sa dimension divine. À cet égard, nous souscrivons à l’approche de Peter Ward dans son livre : “Liquid Church” (8). L’Eglise émergente, dans sa dynamique relationnelle, est en phase avec la vie divine dans sa dimension trinitaire.
– L’inspiration de l’Esprit-Saint dans la pratique pentecôtiste et charismatique est aujourd’hui un phénomène important dans la vie de l’Eglise. Cette pratique suscite un élan de foi et un dynamisme remarquable. Elle engendre des communautés nouvelles (12). Mais elle peut également comporter une polarisation sur l’affectif, présenter des déséquilibres et susciter ainsi des appréhensions. Il y a là aussi une réalité qui appelle une réflexion théologique. À cet égard, le livre de William R. Davies : “Spirit without measure. Charismatic faith and practice” (13) apporte une contribution. En effet, il appelle à une vision unifiée des différents registres de la réalité : naturel, surnaturel… Les comportements provocants doivent être analysés et trouver leur antidote dans une saine théologie. Ainsi William Davies élève et ouvre notre regard en évoquant l’Esprit-Saint comme un Esprit sans frontière.
– En nous appelant à une rencontre renouvelée, vivante avec Jésus, Stuart Murray nous montre également comment cette dynamique s’inscrit elle aussi dans une vision théologique renouvelée.

Le discernement par rapport à l’héritage
Le livre de Stuart Murray nous aide également à nous situer par rapport à l’héritage de la chrétienté. Cet héritage est encore extrêmement présent dans les représentations et les pratiques. Comment pouvons-nous en prendre conscience ? Comment pouvons-nous en percevoir les incidences ? En retraçant l’histoire de la chrétienté depuis les origines jusqu’au processus actuel de décomposition, Stuart Murray nous permet de comprendre les dimensions du phénomène. À travers des listes de questions, il nous permet d’en apprécier les implications. Certainement nous avons besoin d’être informé sur nos propres réactions. Par exemple, comment situer l’appel à mentionner l’héritage chrétien dans la constitution européenne ? Quels sont les attendus du langage adopté en matière d’évangélisation ? Le livre de Stuart Murray nous apporte une grille de lecture pour nous interroger sur ce que nous pensons et ce que nous entendons.

Du pouvoir politico-religieux à une laïcité ouverte
Comme nous venons de le voir, ce discernement est appelé à éclairer notre existence dans ses différents registres, et notamment notre participation à la vie sociale et politique. Ainsi dans certains pays, les institutions politiques sont encore connotées par des pratiques religieuses. À cet égard, Stuart Murray pointe certaines survivances du passé. Mais, là aussi, le tri s’impose. Autant certains archaïsmes sont à rejeter, d’autres pratiques peuvent être réaménagées positivement. Comme l’indique un livre récent : “Europe et religions. Les enjeux du XXIème siècle” (14), l’emprise des institutions religieuses sur la vie sociale et politique a généralement disparu en Europe Occidentale. Ainsi le sociologue français Jean-Paul Willaime peut-il écrire que “L’Europe est le terrain ou s’expérimente une laïcité tellement laïcisée qu’elle se trouve à même de redécouvrir la contribution que les religions peuvent apporter à la formation et l’exercice de la citoyenneté dans des démocraties quelque peu désenchantées”. De fait, s’il y a une singularité franco-française dans la façon de considérer la place et le rôle du religieux dans la société, la laïcité est un bien commun en Europe avec divers modes de relations Églises-État” (14a)
Ainsi les formes institutionnelles ont-elles généralement gagné leur émancipation vis-à-vis de la domination religieuse. Mais les marques de la chrétienté perdurent encore dans certains traits de mentalité.. En France, la lutte difficile et longue contre l’Ancien Régime a suscité, en contrepartie mimétique, un totalitarisme refusant la reconnaissance des pluralités. À une tradition étatique centraliste et monopolistique s’allie “une culture politique de la généralité”. Jean-Paul Willaime analyse les manifestations d’intolérance telles qu’elles se sont manifestées encore récemment dans les processus qui ont conduit à la promulgation de la loi contre les mouvements sectaires et celle contre le voile à l’école. Dans le cadre de l’évolution européenne, il montre comment la France est appelée à “passer d’une laïcité d’indifférence à une laïcité de confiance sachant intégrer l’apport des religions à l’exercice de la citoyenneté dans des démocraties sécularisées et désenchantées” (14b).
Cette problématique nous parait éclairer utilement la réflexion sur la post-chrétienté dans le domaine politique.

Une nouvelle perspective
La sortie de la chrétienté en Europe apparaît comme un mouvement à long terme progressant constamment au long d’étapes successives, quelque soient les flux et les reflux qui adviennent au cours de cette histoire. En effet la décomposition de ce système religieux est la conséquence de changements économiques, techniques, sociaux et culturels convergents qui se poursuivent dans un temps long. Comme le constate un sociologue et un bibliste français Frédéric de Coninck (15), nous sommes en présence d’un “processus pratiquement continu qui couvre l’ensemble de ce second millénaire. Il y a un élargissement constant des horizons… Aujourd’hui même s’il y a encore des isolats, il y a une sorte de globalisation culturelle. Désormais on peut avoir accès à toutes les formes de croyances existantes. Aussi aujourd’hui, il n’y a plus de croyance majoritaire. Il y a également un changement profond des rapports entre les gens.

Dans les sociétés dites “anciennes”, la grande famille a un rôle majeur. Aujourd’hui, l’individu devient bénéficiaire de droits. Il échappe à l’emprise des cercles familiaux. Ainsi l’individualisme est progressivement devenu une réalité sociale majeure”. Frédéric de Coninck rappelle combien l’Évangile a été un ferment révolutionnaire en libérant la personne de la dépendance vis-à-vis des groupes familiaux et des autorités politico-religieuses.

Le développement de la chrétienté comme un système englobant et oppressif s’est réalisé en contradiction avec l’esprit évangélique. Stuart Murray nous montre combien il faut distinguer christianisme et chrétienté.. Les facteurs économiques et sociaux qui engendrent la désagrégation de celle-ci permettent aussi à la critique évangélique de s’exercer plus activement. Aujourd’hui, nous sommes appelés à opérer un discernement dans l’héritage du passé. Toutes les églises sont concernées (16). Cet inventaire est un point de passage nécessaire pour une pratique chrétienne renouvelée.

Jean Hassenforder
Groupe de recherche de Témoins
Août 2004

Notes bibliographiques

(1) Murray (Stuart). Post-Christendum. Church and mission in a strange new world. Paternoster, 2004.
Les paginations en note renvoient au livre.

(2) Murray (Stuart). Church planting. Laying Foundations. Paternoster, 1998.
Cf. une analyse de ce livre : Vers une nouvelle génération d’églises (sur le site internet de Témoins : www.temoins.com et sous forme d’article dans IDEA, bulletin mensuel de l’Alliance Évangélique Française, n°6, juillet 2003, p. 1-4)
Stuart Murray a apporté un enseignement à une journée d’étude sur le développement de l’Église, organisée à Paris le 25 octobre 2003 (Cf. le compte-rendu par Françoise Rontard sur le site www.temoins.com.

(3) Hervieu-Léger (Danièle). Catholicisme, la fin d’un monde. Bayard, 2003.

(4) Ellul (Jacques). La subversion du christianisme. Seuil, 1984.
“Comment se fait-il que le développement de la société chrétienne et de l’Église ait donné naissance à une civilisation, à une culture en tout inverse de ce que nous lisons dans la Bible, de ce qui est le texte indiscutable à la fois de la Torah, des prophètes, de Jésus et de Paul…”
Jacques Ellul, juriste, philosophe et théologien a publié de nombreux livres diffusés dans le monde entier. Il a également œuvré pour une rénovation de l’Église Réformée de France.

(5) Küng (Hans). Le christianisme. Ce qu’il est et ce qu’il est devenu dans l’Histoire. Seuil, 1999.
Face aux courants de restauration conservatrice, Hans Küng, professeur émérite à la faculté de théologie catholique de Tubingen, s’inscrit dans la perspective du concile Vatican II.

(6) Stuart Murray est responsable du réseau anabaptiste en Grande-Bretagne.

(7) Michael Moynagh, pasteur anglican et expert en prospective est l’auteur d’un livre très bien accueilli en Grande-Bretagne : Changing World. Changing Church. Ce livre vient d’être traduit en français :
Moynagh (Michael). L’Église autrement. Les voies du changement. Empreinte, 2003. (disponible à 7ici, tél. : 01 42 61 57 77). Cf. analyse ; À monde qui change, Église qui change, parue sur le site internet de Témoins et publiée dans la revue Parvis (juin 2003, n°18, p. 20-22.
Michael Moynagh a donné un enseignement dans une journée organisée à Paris le 5 juin 2004 (Cf. compte-rendu de cette intervention sur le site internet de Témoins).

(8) Ward (Pete). Liquid church. A bold vision of how to be a God’s people in worship and mission. A flexible, fluid way of being church. Paternoster, 2002.
Analyse : Faire Église sur le site internet de témoins : www.temoins.com

(9) Hassenforder (Jean). Une perspective comparative sur l’Église émergente. La Grande-Bretagne en mouvement. La France en attente (site www.temoins.com).

(10) Historiens et sociologues ont bien mis en évidence ce porte à faux entre la figure traditionnelle du prêtre et l’évolution de la société et de la culture.
Entre autres, nous renvoyons à un numéro de la revue Jésus sur : “le clergé français. Aujourd’hui. Demain”. (Jésus, n°31, décembre 1981).
Écrits par des prêtres conscients des changements en cours et par des historiens et sociologues, ce numéro pose des diagnostics qui annoncent, d’une façon impressionnante, l’évolution qui a suivi.
Quelques citations en contrepoint du texte de Murray :
Il n’est nullement question dans le Nouveau Testament d’une distinction effectuée entre “laïcs” et “ministres”… L’examen des écrits du premier siècle et du début du second montre clairement que le ministère est orienté d’abord vers l’animation de la communauté et que la célébration de l’eucharistie apparaît à l’intérieur des réalités qui font cette communauté… (p. 29).
Avant le concile de Nicée (325), l’Église n’appelait guère “prêtres” les présidents des communautés. Dans l’Église ancienne, c’était toute la communauté qui concélébrait” (p. 30). ‘Analyse par Gérard Bessière du livre d’E. Schillebeeckx. Le ministère dans l’Église. Paris, Cerf).
“Le prêtre traditionnel faisait partie d’un ensemble politico-religieux, sociologique et culturel qui n’a pas résisté aux bouleversements qui ont commencé avec la Révolution française et la naissance de l’industrie. Maintenir à tout prix le sacerdoce tridentin dans une société post-chrétienne, c’est refuser à l’Esprit-Saint la possibilité de faire jouer l’Église l’imagination créatrice (Jean Delumeau, p. 33).
Dans la foulée d’un travail scientifique (enquêtes et sondages), “l’Institution Église tient ensuite la plupart du temps un discours qui ne tient plus compte des précédentes données (dérangeantes). Ce qui réapparaît, c’est le discours mystico-spirituel sinon même idéologique, classique et traditionnel (à propos des vocations sacerdotales)… La non prise en compte du réel, c’est-à-dire de la vie, conduit inévitablement à la mort lente de l’Institution” (Pierre Moitel, p. 24, 25).
L’historien Denis Pelletier analyse un tournant important dans le processus de déclin dans un excellent chapitre de son livre sur “la crise catholique”.. La crise de la figure du prêtre, p. 49-76 in : Pelletier (Denis). La crise catholique. Religion, société, politique, 1965-1978, Payot, 2002.
Le dossier: : La France des baptisés et des prêtres, paru dans La Croix du 29, 30, 31 mai 2004 (p. 13-20) apporte des données chiffrées sur le recul massif du nombre de prêtres catholiques en France. Une information essentielle pour toute réflexion prospective : “Dans dix ans, l’Église de France pourrait ne plus compter que 4500 prêtres de moins de 65 ans, soit trois fois moins qu’aujourd’hui”.

(11) Davie (Grace). Europe. The exceptional case. Parameters of faith in the modern world. Darton, Longman and Todd, 2002.

(12) Cette dynamique est bien mise en lumière dans un livre de Peter Hocken traduit en français.
Hocken (Peter). La gloire et l’ombre. Les enjeux d’une effusion du Saint-Esprit au XXème siècle. Éd. des Béatitudes, 1998. (Collection chemin Neuf, Pneumathèque). Cf. Les chrétiens en l’an 2000. Témoins n°127, 1er trimestre 1999, p. 16-17.

(13) Davies (William R.). Spirit without measure. Charismatic faith and practice. Darton, Longman and Todd, 1996.
Intervenant apprécié dans les milieux charismatiques, l’auteur a été président de la conférence méthodiste et directeur d’un collège biblique. Ce livre s’efforce de poser les bases d’une théologie du Saint-Esprit.

(14) Willaime (Jean-Paul). Europe et religions. Les enjeux du XXIème siècle. Fayard, 2004.
14a : p. 13, 14b : p. 341.

(15) De Coninck (Frédéric). La dynamique de l’Église. Témoins. 4ème trimestre 1999, n°127, p.6-7 et 10. Voir aussi : www.temoins.com.

(16) Rappelons à ce sujet un article qui s’inscrit dans cette problématique :
Anglarès (Michel). Une Église confrontée au changement. Un point de vue catholique. Témoins. 1er trimestre 1999, n°127, p. 14-15 .
“Au cours des siècles, l’Église catholique a été une église de chrétienté… Je plaide pour une autre église que j’appelle avec d’autres “une église catéchuménale”. C’est une église qui n’agit plus comme si tout le monde naissait chrétien d’emblée. On ne nait pas chrétien. On peut le devenir. C’est une église de cheminement… C’est une église qui se sait minoritaire dans un monde pluraliste, mais qui tient sa place en affirmant ses convictions”.

Références: Groupe Recherche Témoins

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