Toucher du doigt ce que pouvait être une liturgie différente, c’est l’expérience à laquelle nous ont invités Eric Zander, Luc Salsac et Mario Leimgruber lors de la dernière Rencontre pour l’Implantation et la Multiplication d’Eglises  (RIME)  ** Lire l’article **, et que nous vous partageons aujourd’hui.

 

Eric Zander nous fit vivre, le premier soir, une expérience de culte alternatif, qui, malgré sa brièveté (1/2 heure) marqua l’assemblée.
Nous étions assis autour de tables, dans la grande pièce qui nous servait de salle d’enseignements. Sur une table centrale : une croix en fer forgé (démontable, qu’Eric emmène partout), un calice laqué rouge rempli de vin, une grande couronne de pain de campagne.  Eric nous avait demandé de venir le soir avec une pierre, que nous avions choisie sur le chemin.
Louange, adoration ; puis Eric nous conduit dans la méditation du texte de la femme adultère (Jn 8 1-11), et, notre pierre en main, nous reconnaissons notre état intérieur : quelle est ma pierre ? Une pierre que je suis prête à lancer (mon jugement, ma rancœur, certaines églises que nous condamnons parce qu’elles se sont “compromises” …) ? Une pierre que j’ai reçue, ou que je m’attends à recevoir (mon humiliation, ma souffrance…) ? Je touche, je soupèse ma pierre, prends conscience du péché qu’elle représente, m’en repens. Puis, une fois que je me sens prête, je vais l’échanger à la croix contre le salut, le pardon donné par Jésus : venant à la table du Seigneur, je dépose ma pierre à la base de la croix, je coupe un morceau de pain, le trempe dans le vin du calice, le mange et retourne à ma place, différente.
Voir chacun faire cette démarche, entendre le bruit de chaque pierre déposée à la croix amplifie l’expérience individuelle. La Parole s’incarne…

Cette expérience profonde n’exigeait aucun matériel. Jésus, pour faire comprendre son message aux disciples,  utilisait ce qui était à sa disposition, à portée de mains. C’est en application de ce même principe qu’Eric conduit des partages de l’Evangile pendant des randonnées avec son réseau de motards…

Mais rien n’empêche d’utiliser des « matériaux » plus élaborés pour aider à vivre profondément la Parole.
Ainsi, Luc Salsac, pasteur d’une église dans la région de Liège ** Voir le site www.epeh.be  ** nous relate leur expérience liturgique du vendredi saint et du dimanche de Pâques 2008.
Le vendredi saint, chacun est invité à parcourir un chemin à travers plusieurs pièces, lui permettant de (re)découvrir ce qui conduisit  à la mort du Christ à partir de la Genèse.
La première pièce représente le jardin d’Eden ; le décor : des palmiers, un serpent, et sur une table, un fruit mordu, une peau de mouton.
On y relit le texte de la chute. Quel rapport avec Pâques ? le sacrifice d’animal pour couvrir le péché de l’homme nu, les palmes ne suffisant pas.
Après un temps de silence, on pénètre dans la deuxième pièce : un tas de pierres, un fagot de bois, le sacrifice d’Isaac.
Lecture du texte, ce qu’Abraham a failli faire, Dieu le fera plus tard. Réflexion, silence.
Troisième pièce : odeur de l’agneau rôti, linteau de la porte rougi à la craie, un bâton, des sandales. Moïse et la sortie d’Egypte.
Lecture du texte : la liberté du peuple s’acquiert en passant par la porte, sous le sang de l’Agneau. Silence.
Quatrième pièce : une fontaine d’intérieur, bruit de l’eau. Jean Baptiste baptise Jésus. Lecture du texte, l’agneau offert en sacrifice. Silence.
On entre alors dans la pièce principale de l’église. Une croix attachée au plafond descend. Eclairage diffus, musique calme, tous sont assis en cercle, autour de la croix. Sur une table, une autre croix, des clous, un marteau. Lecture de l’arrestation de Jésus, jusqu’à sa crucifixion. Chacun est invité à écrire sur un papier le fardeau, ce qui l’empêche de vivre en liberté en Christ, et ceux qui veulent peuvent clouer le papier retourné sur la croix.
L’horreur de la croix : on entend les coups de marteau, conscience du péché et conscience du sacrifice. Silence. Puis célébration de la Cène. L’éclairage est baissé de plus en plus, et c’est d’une pièce assombrie qu’on se quitte, en silence.

Le dimanche, les papiers accrochés à la croix sont arrachés et brûlés. Libération acquise par le prix payé, profondeur du vécu de la résurrection.

Mario Leimgruber est pasteur de l’église évangélique « Eau Vive » à Lille **  Voir le site  www.eglises.org/eglise/?Eglise=1156 **, mais aussi conseiller chrétien en relation d’aide et fondateur d’Espass’Vie  ** Voir le site //www.espassvie.com **
Pour lui, être en relation avec quelqu’un suppose une expérience qui passe par les sens. Ainsi, communiquer la Parole de Dieu en utilisant les cinq sens permet de l’ancrer davantage.
Depuis deux ans, il propose une liturgie pascale qui se déroule du jeudi saint au dimanche de Pâques. On n’y vient pas pour assister à un spectacle, mais pour faire un chemin spirituel de découverte des valeurs et des réalités bibliques.
En voici une illustration.
Le jeudi, c’est un temps d’intimité que le Christ passe avec ses disciples, pour leur dire au revoir. Une grande table décorée accueille les participants, qui sont invités à s’asseoir sur des chaises à distance, pour écouter le récit, puis à se placer debout autour de la table pour chanter les psaumes 114 et 115, comme sans doute les disciples après la Cène.
Le vendredi, c’est le temps du procès et de la crucifixion (on a préalablement averti que ce n’était pas adapté aux enfants). La liturgie a été élaborée de manière à mettre la personne qui vient mal à l’aise, et à l’amener à cette conscience : « Christ est mort pour moi ». Les chaises sont placées dans le désordre, elles dérangent. Par terre, des grands clous rouillés : on les pousse du pied ou on marche dessus. Près des chaises, des morceaux de fil de fer barbelé. Le sol est jonché de pavés. Au mur, une grande croix, recouverte d’un drap imbibé de vin rouge (couleur, odeur), et surmontée d’une énorme couronne d’épines.
Les gens entrent dans la salle. Inconfort visuel. Temps de silence. On médite.
Puis une musique sacrée, des chœurs, reflétant la beauté de Dieu, soudain entrecoupée de musique « hardcore » à intervalles de plus en plus courts. Inconfort auditif. Temps de silence.
Puis, la bande son du film « la passion » : on entend les bruits, les rires… temps de silence.
Moment avec le texte biblique, enregistré : « ce sont nos souffrances qu’Il a portés ». Temps de silence.
Image de la Passion, sans son, avec en surexposition des flashes de photos illustrant la violence de l’homme. Chocs. Temps de silence.
Cri du Christ : « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ».
Sur l’écran, un rond de lumière qui diminue, comme on s’éloigne dans un tunnel, pour disparaître complètement ainsi que le bruit de fond après plusieurs minutes. Silence.
Les gens ne savent pas si c’est fini ou non, un  premier se lève,…

Le samedi : même décoration. « Christ est mort pour moi ». Une heure ensemble dans le silence.

Le dimanche matin, c’est la résurrection. Louange dynamique, déjeuner en commun, temps de réjouissance.
Mario aimerait mettre en place une célébration comme les Luthériens avant le lever du jour, pour ressentir ce passage de la nuit à la lumière.

Peut-être certains objecteront-ils que ce type de liturgie manipule les personnes par les émotions. Mario s’en défend : les temps de silence prévus dans chaque déroulement permettent justement à chacun de reprendre de la distance, de repasser en « mode raison ».

Ces trois exemples de liturgie innovante vous donneront peut-être matière à réflexion et à création. ** N’hésitez pas à réagir à cet article dans « contactez-nous » ** !

Marie-Thérèse Plaine

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