Christ est au fond de moi plus profond que moi

Je suis habité de Dieu. Il n’est pas qu’une présence extérieure à moi en laquelle je crois. Il est la Vie créatrice qui précède toutes vies et qui vit en moi. Je le crois, je le conçois, je le perçois. Il est l’Être dont l’être est partagé et répandu par l’Esprit sur toute chair et tout œuvre de la Création terrestre et cosmique.

Ma foi est-elle mystique ? Oui, en ce sens que je crois au mystère du Christ dont la vie m’émerveille et me porte. Mais ma foi/ma vie est aussi d’ordre moral et engagé dans ce monde.

L’incarnation est le lien entre la spiritualité transcendante du Christ par laquelle je suis en communion — parfois en union — avec le Dieu vivant et vibrant en moi, et mon engagement d’homme impliqué à ma manière et dans mon contexte — donc à l’intérieur des limites qui s’imposent à moi — à la gouvernance culturelle, sociale et politique du monde. Par gouvernance, j’entends que chaque parole et geste de chaque être humain contribue à et influence d’une façon ou d’une autre notre existence commune dans ce monde.

Ces quelques lignes résument bien inadéquatement ce Dieu qui m’habite, qui m’aime et en qui je crois. Pour en arriver là, de nombreuses personnes ont contribué au fil des années à ma croissance personnelle dans l’intimité du Christ, dont le moine américain du XXe siècle, Thomas Merton. En 1996, ses journaux personnels ont été publiés en deux volumes. La citation suivante est tirée du deuxième, Entering The Silence : Becoming a Monk and a Writer.

« Quant à moi, je n’ai qu’un désir, le désir de solitude, de me perdre dans le secret de la face de Dieu. »

– Thomas Merton, Entering the Silence

Ailleurs, Thomas Merton dit que la prière c’est comme la respiration et que nous avons à apprendre à respirer seul. C’est le lieu secret de l’union et de la communion avec Dieu qui nous transforme individuellement afin que l’on puisse nous réinvestir dans la vie collective en société. Comme le dit Merton, la respiration n’est ni sacrée, ni séculier, mais elle est une dimension essentielle de notre humanité sans quoi nous ne pouvons vivre. Dans ce sens, nous apportons avec nous notre communion spirituelle avec Dieu, ce qui marque notre individualité, dans l’ensemble de nos activités sociales, qu’elles soient professionnelles, familiales ou de loisirs. Ainsi, nous demeurons en Christ et Christ en nous, quels que soient le lieu et les circonstances où l’on se retrouve. « Demeurez en moi et je demeurerai en vous », c’est à tout moment de la journée. Je peux vivre Christ dans mon être le plus profond au milieu de mes occupations même là où mon entourage en est complètement aveugle et inconscient de sa présence. Enfin, il résume sa pensée en disant que « la prière devrait donc être l’activité dans laquelle nous sommes le plus nous-mêmes. » Quelle magnifique liberté !

Pierre LeBel

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