Simone Pacot nous fait entrer dans un trajet de guérison intérieure

Le Christ a été un grand restaurateur de vie : partout où il passait, il remettait la vie en route. Il est très réconfortant de le savoir lorsqu’on se trouve dans une impasse : en Christ, il y a toujours une issue de vie. L’Esprit qui est notre guide intérieur et dont la fonction est de rajeunir, renouveler, d’aider à sortir de l’immobilisme, de la fixation dans un mal, va nous la faire découvrir si nous savons collaborer avec Lui : ce n’est probablement pas l’issue rêvée, où magiquement tout s’arrange, mais c’est l’issue de vie que nous pouvons prendre au cœur même des situations fermées ou enfermantes qui sont souvent les nôtres. Nous prenons souvent des chemins de mort sans en avoir véritablement conscience, et nous ne pourrons retrouver le chemin de vie que si nous commençons à éclairer quand, comment, pourquoi nous nous sommes enfilés vers une forme de destruction de nous-mêmes.
Il y a souvent une impatience bien naturelle à vouloir saisir les fruits tout de suite, mais ce qui est important c’est de se mettre en marche pour vivre ce passage qui va d’une forme de mort à la vie et qui en fait peut s’appeler une Pâque.

Reconnaître les blessures

Le trajet consiste d’abord à reconnaitre et à mettre en mots précis les blessures subies et leurs conséquences. Bien souvent nous minimisons l’impact que celles-ci ont eu sur nous surtout lorsqu’il s’agit de nos parents par crainte de les juger en les mettant en cause. Or, il ne faut pas confondre condamnation de la personne et discernement d’un comportement blessant.
Il est important de préciser que l’on n’est pas responsable des blessures subies, on en est victime. L’enfant n’est pas responsable du chemin qu’il a suivi, il a fait ce qu’il a pu pour survivre. Lorsque l’adulte acquiert une maturité psychologique et spirituelle, il lui est possible d’affronter la souffrance de sa blessure et en même temps, de regarder sa responsabilité. Celle-ci va s’éclairer dans la réponse à la question : “Qu’est-ce que tu as fait de ce qu’on t’a fait ?”. La réaction est toujours un choix même si c’est celui de baisser les bras ou de se fermer. Mais avant d’en arriver à cette démarche, plusieurs étapes sont nécessaires.

Prenons un exemple

Cette femme qui avait formé une belle-famille avec son mari et ses enfants, souffre de la coupure totale avec sa famille d’origine. Elle s’est sentie exclue : son père avait fait bloc avec son fils et la mère avec la fille aînée avec laquelle elle discutait et sortait. Elle s’est sentie complètement abandonnée et elle s’est dit (elle s’en souvient très bien) : “Puisque vous m’excluez, moi je vais vous exclure”. C’est une femme qui avait une force incroyable ! Elle a exclu toute sa famille et en fait exprime qu’elle en meurt. À la question : “Vous n’êtes jamais invitée dans votre famille?”, elle répond : “Si, si, je suis invitée mais il n’est pas question que j’y mette les pieds”. Ainsi, enfant, pour surmonter la souffrance de ce qu’elle vivait comme un abandon, elle a pris une fausse route, un chemin de mort. Elle a pris une décision de vengeance au lieu de traverser la souffrance d’être exclue et de tenir debout, ce qui est le trajet de la maturité adulte.
On voit très bien là comment elle est partie victime. Elle n’est pour rien dans l’histoire de cette famille. Son attitude lui a permis de survivre. Et puis, au fil des années, cela se révèle de plus en plus un chemin de destruction. Elle arrive à un âge adulte tout à fait désespérée avec, au fond d’elle même, une violence énorme contre une situation qu’en fait elle a induite. Le trajet va commencer par la traversée de sa souffrance, son chagrin, la violence qui s’est installée en elle. Elle va vivre cette plongée en elle non-plus dans la solitude de l’enfant impuissant, mais dans la présence miséricordieuse du Christ. Ce n’est qu’après cette étape qu’elle pourra se mettre en face de la fausse route prise.

Traverser ses émotions

Pour trouver le chemin de la vie, il est nécessaire de traverser l’étape du désenfouissement des émotions : la souffrance, la révolte, l’angoisse, la peur, la honte… Ces émotions enfouies peuvent faire des ravages considérables en ressortant sous forme de symptômes psychosomatiques ou relationnels, en projetant par exemple sur n’importe quel autre une violence qui n’est pas reconnue. Ou bien encore la souffrance va entraîner un état de dépression plus ou moins larvée.
Ces émotions enfouies forment un voile dans la relation humaine mais aussi dans la relation avec Dieu. Bien trop souvent les chrétiens ne se donnent pas le droit d’avoir un chagrin très profond. Ils pensent que ce serait un manque de foi et qu’ils doivent surmonter cela. Ils pensent qu’ils sont en état de péché s’ils découvrent en eux des sentiments de haine ou de violence. Il leur faudrait se donner la permission de mettre à jour ce qu’ils ressentent (non pas de l’agir contre l’autre, mais d’en prendre conscience pour éviter précisément de projeter leurs ombres sur l’autre).
Jésus s’est plaint “à” son Père, non pas “de” son Père mais “à” son Père. La libération de la plainte se trouve exprimée dans les psaumes. Ainsi il est bon de libérer sa plainte devant le Seigneur et peut-être de commencer devant un accompagnateur (ou accompagnatrice) capable de recevoir cette violence, cette angoisse, cette souffrance.

Accueillir la consolation

Cette étape de la consolation peut éventuellement être vécue dans un petit groupe où il est permis de pleurer (il est important d’être situé de façon juste et de ne pas faire vivre à l’autre de fausses consolations), où la gravité de la souffrance est reconnue ou même la violence de la révolte est reçue. Le vrai consolateur, c’est le Christ qui va donner le sens de la consolation. La Pâque, c’est le trajet vers la vie de ce qui pourrait demeurer dans la mort comme une trop grande souffrance, une révolte. On meurt à quelque chose pour naître à autre chose.
Tout cela est à vivre dans la présence du Christ, non à côté mais au cœur même de son chagrin, sa colère, sa dépression, son marchandage parfois… jusqu’à l’acceptation active de sa réalité. La porte de ses émotions doit être ouverte au Christ comme on ouvre la porte d’une maison. Dans l’Apocalypse (3. 20), il est dit “Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi”.
Ces mouvements, qui pourraient être considérés comme simplement psychologiques, ne doivent pas être déniés mais traversés jusqu’au bout et ils peuvent être imprégnés de la vie du Christ, de l’Esprit puisque dans l’incarnation, ils font partie de la constitution de l’être humain.
Pour pouvoir ouvrir la porte à la présence de Dieu, il faut évidemment ne pas avoir peur de Lui, et avoir éclairé les fausses notions de Dieu qui font obstacle. “J’ai peur de Dieu parce que ma mère m’a dévoré ou bien mon père m’a massacré”. Comprendre pourquoi on ne peut ouvrir sa porte est déjà une étape sur le chemin de guérison.

Méconnaissance des Lois de Vie

Quand dans la fusion, pour ne pas être la cause des larmes de l’autre, de la maladie de l’autre, du chantage affectif…, on baisse les bras, on laisse abîmer son identité, sa liberté. C’est la même chose quand on se courbe devant l’emprise qui peut provenir d’un pouvoir abusif, un interdit, une autorité spirituelle, la recherche de l’approbation de l’autre… Mais céder à la fusion ou l’emprise n’est pas qu’un problème psychologique. C’est transgresser une Loi de Dieu fondamentale (1) : “Tu es unique. Deviens toi-même”. C’est ce qui a été dit à Abraham : “Quitte ton père. Va vers ta terre”. J’aime beaucoup l’histoire de l’évangile de la femme courbée à qui Jésus dit : “Redresse-toi”.
Par exemple, Paul est absolument convaincu qu’il “est nul”, il découvre qu’en fait il s’est constitué à partir de la parole et du regard négatif de sa mère. En fait, il est idolâtre : il a mis sa mère en place de Dieu. La parole de sa mère : “tu es nul” a tout pouvoir sur lui alors que la parole de Dieu qu’il a cependant reçu : “tu as du prix à mes yeux” ne l’atteint pas, est sans valeur. Il a à renoncer à la parole de sa mère et à se repentir d’avoir été idolâtre, en fait sans en avoir véritablement conscience, d’avoir transgressé la Loi de vie qui l’incite à suivre sa propre route, en docilité à l’Esprit et non en obéissance à sa mère.
Sa prière est toute simple : “Seigneur, jusqu’à maintenant j’ai attribué à la parole de ma mère une valeur absolue. Elle m’a dit que j’étais nul. J’ai intégré que j’étais nul. Et j’apprends aujourd’hui que ça s’appelle de l’idolâtrie parce que finalement je vis sur une croyance mensongère, sur la fausse révélation que la parole de ma mère me construit et que j’ai attribué un zéro à ta Parole. Je refuse absolument de rester dans l’idolâtrie. Je viens m’en repentir et te demander pardon d’être idolâtre. Je mets hors de moi la parole de ma mère, pour que ma terre ne soit plus occupée et que ta Parole puisse s’enraciner en moi”.
Cette démarche sera à refaire chaque jour, en méditant longuement la parole qui va retisser, restructurer le tissu psychique qui a été abîmé. La racine du chemin de mort est touchée, assainie. Paul peut alors faire un pas de plus sur le chemin de vie : il va redécouvrir chaque jour des comportements où il puisse reconnaître sa valeur dans sa profession, sa famille (réussir un travail, s’occuper des enfants le soir, réparer l’électricité…) Ce n’est que lorsque ce travail sera bien mis en route que Paul commencera à se redresser, à devenir un vivant, que le pardon pourra être donné..

Psychologie et foi

On trouve ici la jonction entre la psychologie et la foi. Ne pas devenir soi-même, ce n’est pas uniquement psychologique car il y a désobéissance à une loi fondatrice de la vie qui dit : “Tout être humain est unique”. C’est la parole de l’Apocalypse : “Je te donnerai un caillou blanc, il y aura écrit un nom nouveau. Je t’appelle par ton nom”. Cette loi comporte un interdit structurant : il t’est interdit de te mélanger à l’autre, de posséder l’autre, de te laisser posséder par l’autre. On découvre ainsi que les dysfonctionnements psychologiques sont contraires à la Loi de Dieu. C’est le plan du Royaume de Dieu où la source est en deçà et va au-delà du psychologique et du corporel.

Retournement

À ce stade, il faut un mouvement de conversion pour renoncer au chemin de mort et prendre un chemin de vie, choisi selon ce qui a été découvert. L’issue se trouve dans l’obéissance à la Loi de Vie.
Mais il convient d’être clair, la décision de choisir la vie n’est pas forcément totale, absolue, au moins au début. Il s’agit de choisir un chemin de vie qui va être différent pour chacun, chacune, selon l’étape dans laquelle on se trouve.
Choisir un chemin de vie peut consister à mettre hors de soi un interdit (de réussir, d’être heureux, interdit de parole de conflit), une parole ou un regard négatif pour retrouver la liberté perdue. Mais le choix peut être aussi de repartir en arrière pour affronter la douleur d’un deuil qu’on a survolé (les étapes du deuil sont à traverser lors de cette perte de quelque ordre qu’elle soit : mort d’un être cher, rupture de couple, rejet, trahison, perte de sa réputation…) ou aller à la rencontre d’émotions qu’on a enfouies. Ce n’est qu’après cette étape que la vie va pouvoir se déployer.

À ce stade de transformation, avec tout ce qui nous est arrivé, nous pouvons vivre quelque chose qui ne sera pas l’intégralité de ce que nous voudrions vivre. Quand on choisit la vie, on fait des pas sur le chemin de vie. On peut retomber mais peu à peu, en se relevant, on se fortifie et un beau jour, on tient debout. Enfin on accepte de façon positive, la réalité de son histoire. Et, avec ce qui existe, on va en faire quelque chose. Dans ce qui m’est arrivé, je peux tenir debout. Ce n’est pas de la résignation mais de l’acceptation active. On éprouve même de la gratitude pour la vie qui nous est donnée.
Propos recueillis auprès de Simone Pacot

Auteur du livre : Évangélisation des profondeurs. Simone Pacot organise des sessions dans le cadre de l’association “Bethasda”.

Renseignements : Bethasda
Le Val Saint Jean 10150 Montsuzain

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