On me demande ce qui est essentiel pour moi. Ce qui me donne la paix. Où j’en étais, il y a 30 ou 40 ans. Quelles ont été mes sources, mes ressources.
J’ai toujours eu conscience de Dieu, du plus loin que je me souvienne. Et conscience, dès 12-13 ans, d’un manque énorme en moi, d’un vide à combler tant que je n’aurais pas rencontré Dieu, d’un vide existentiel qui appelait sa Présence.
Elle me fut donnée à 15 ans, dans un camp biblique à Sumène (Gard, Ligue pour la lecture de la Bible), avec la prière d’un animateur Jean Brunet. Camp où je rencontrais aussi mon futur époux avec lequel je parlais beaucoup.
Je reçus cet Amour infini qui déborde largement au-delà de soi, d’une façon que la pensée humaine ne peut concevoir. Un Amour qui nous est donné dans une abondance qui englobe le monde entier. Joie, joie, pleurs de joie, ai-je écrit, avant de découvrir ces mots sous la plume de Blaise Pascal, quelques mois plus tard, en Première littéraire.
Évidemment, cela ne m’a pas quittée. C’est inoubliable, comme les expériences proches de la mort largement décrites depuis, avec un ressenti d’amour qui peut se manifester dans une rencontre avec un être rayonnant de lumière et d’amour, en qui ceux qui le peuvent reconnaissent Jésus. Que d’autres ne savent pas nommer. Mais tous souhaiteraient ne plus le quitter, marqués à vie, lors de leur retour sur terre. (Il existe toute une littérature sérieuse et concordante sur le sujet). Ce sont des témoignages vécus.
Ma première référence spirituelle a donc été la Bible. Et avec elle, le désir d’aimer tout autre, comme Dieu l’aime, sans juger, et sans toujours comprendre les raisons d’un comportement non aimable. Tout un travail de rééducation déjà à faire. Je grandissais dans un milieu où l’on jugeait, sur le plan professionnel, et dans une éthique exigeante, vis-à-vis de soi et des autres.
Pour ma première communion, mes parents m’avaient offert une Bible, avec la citation de 1 Jean 4,12 : « Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous ».
Premières grandes prises de conscience : le monde créé par Dieu est tout amour.
Si l’homme ou le monde se fourvoie dans la haine, c’est qu’il est coupé de Dieu (le récit d’Adam et Eve nous parle de cette séparation mortifère), comme l’affirment tant de chrétiens, d’Albert Schweitzer au père Brune.
Parmi les figures qui m’ont marquée ensuite, sont les apôtres de la Non-Violence, Martin Luter King, Gandhi, Albert Schweitzer (le respect de la vie), plus tard, Nelson Mandela, et bien d’autres. Leurs théories (mises en pratique) me semblaient les plus justes, et les plus puissantes du monde. Ces positions me semblent toujours les plus proches de l’enseignement de Jésus, et de ce qu’il a manifesté lui-même. Je n’ai donc pas recherché vraiment les théologiens, comme on le voit. J’ai juste commencé la lecture de S. Kierkegaard. La priorité pour moi, était de parler avec Dieu, plutôt que de parler de Dieu.
La non-violence : Jésus, persécuté, calomnié, est resté patient, à l’écoute, aimant, d’une force et d’une sagesse qui dépassait largement celle de ses interlocuteurs. Il a eu quelquefois des mots et des gestes durs, refusant par-dessus tout l’hypocrisie, néfaste aux autres, et le détournement de la vérité. « Aveugles qui conduisez des aveugles ! ». Il était ferme sur les responsabilités- nous sommes responsables de nos frères- sans compromis, comme l’ont été les apôtres de la non-violence.
Ensuite, les témoignages et biographies de grands spirituels, actifs, m’ont longtemps nourrie, comme ce pasteur méthodiste anglais, qui s’est trouvé amené à créer un orphelinat d’envergure toujours plus grande, puis deux, puis trois, sans jamais demander quoi que ce soit ; à Dieu seul montaient ses prières, dans le cadre de son Eglise qui suivait son œuvre. Quand il n’y avait plus rien à donner à manger aux enfants, il se retirait pour prier, et une nourriture suffisante arrivait. Il se faisait connaître dans toute l’Angleterre. Mais il acceptait une dépendance totale à son Seigneur pour cette œuvre, dans une grande humilité (L’audace de la foi, de George Müller). Ce sont des témoignages forts.
Je viens de lire une biographie d’Eugénie et John Bost, Un couple hors normes au service de « ceux que tous repoussent » d’Ariane Dahan et Olivier Pigeaud, aussi intéressant.
Hommes et femmes spirituels, contemplatifs et actifs, c’est avec eux que je me plais.
Puis on m’a proposé à 35 ans, j’étais engagée dans mon Eglise, de suivre une formation de prédicateur laïc, et j’ai fait mes premières armes dans une voie qui me correspondait et me réjouissait, avec de bons retours. Déjà, très tôt, j’animais des temps de méditation lors des sorties du groupe de jeunes dont je faisais partie.
La vie spirituelle m’a toujours semblé être l’essence même de l’homme, sa « substantifique moelle » ; elle irrigue la vie ; il m’a toujours semblé que la vie n’avait pas de sens sans elle.
Peu à peu, je me suis interrogée sur ce qu’on appelle la spiritualité. Toute jeune, on me qualifiait de mystique sous forme de critique ! Ce n’en était pas une pour moi. Ma mère avait fait la même expérience primordiale de la visite de Dieu, sans nous en parler jamais (elle gynécologue, j’étais sa 7eme enfant sur 8). Ma mère donc, lisait Rabindranah Tagore, notamment, et des écrits tibétains… Je les ai lus aussi, et d’autres livres, en fait, d’une haute spiritualité ouverte et étrangère.
Je pense aussi à celui d’Amadou Hampâté Bâ, « Tierno Bokar », qui présente la biographie et l’enseignement d’un grand spirituel musulman africain (son maître), qui tient des propos si semblables à ceux de Jésus, sans l’avoir connu, et qui termine lapidé dans son village au Mali. La vérité dérange sous tous les cieux. Je pense aussi à un autre récit magnifique sur la spiritualité des indiens d’Amérique…
Et peu à peu m’est venue la conviction que :
- Il n’y a qu’un seul Dieu dans l’univers, notre Dieu, et non plusieurs selon les religions (un par religion), Le Dieu dont on ignore le nom : Yahvé, Eternel, Père, Seigneur, des qualificatifs…
- Toute l’humanité est à sa recherche sur la terre, en lui donnant des noms différents. Il n’existe qu’un « soleil » que chacun voit sous un angle différent (idolâtrie exclue).
- Je souhaite respecter toutes les religions, du moment qu’elles mettent l’homme en relation et en communion avec Dieu, quel que soit le nom -imparfait- qu’elles lui donnent. Nom que personne ne connaît, encore une fois, et qui appelle notre profonde humilité. (Je pense aux dégâts faits par certaines approches « intégristes » faisant repoussoir encore pour nombre de personnes).
- Dieu, tout Amour, est incompatible avec la méchanceté, l’intolérance, la haine, le jugement, l’exclusion. Je crois et je vois qu’il se manifeste où il veut, quand il veut, en église ou hors église, dans le christianisme, ou hors christianisme. Il me semble que personne ne peut enfermer Dieu, personne ne détient la Vérité. La Vérité EST, l’homme, dans son humanité la voit, l’approche, l’intègre à la mesure de ses moyens, il ne la possède pas.
L’exclusion de l’autre, de la différence, me dérange profondément. J’aime à répéter que Jésus n’a jamais exclu ou rejeté qui que ce soit. Les pharisiens l’ont exclu et condamné. Lui, n’excluait ni les prostituées, ni les légistes ou collecteurs d’impôts, ni les non-juifs, ni les divers palestiniens, dont il était.
Jésus n’a pas exclu de la cène, non plus, un non baptisé par immersion, un divorcé, une personne « immorale », ou qui ne se serait pas confessée. Il n’a pas exclu Judas, qu’il aimait aussi avec compassion (écouter les vidéos de Lytta Basset à ce sujet).
Nous avons la chance, en tant que chrétien, d’avoir la Bible pour guide, et de reconnaître en Jésus le Fils de Dieu, de savoir qu’il est près de nous, avec nous, jusqu’à la fin des temps.
Écoutons Sa Parole, relisons sa Vie, analysons dans quel esprit il vivait et s’exprimait. « Qui n’est pas contre nous est avec nous », disait-il à ses disciples pour les calmer.
Il préconisait l’Amour, et l’Amour passe par-dessus tout cela, au-dessus des « chapelles ».
Dieu seul connaît les cœurs, et quel erreur de l’homme de prétendre se substituer à Lui ! Ou tenter de l’enfermer dans des dogmes.
Il m’apparait de plus en plus que, qui dit exclusion, dit absence de Dieu. Dieu réunit dans la communion, et cette communion dépasse notre humanité. Nous sommes absolument tous, ses enfants, et appelés à le devenir, toujours plus, Enfants de Dieu, par une transformation progressive de notre nature humaine.
Un texte qui a beaucoup compté pour moi, cette dernière décennie, est « Dieu appelle » (Edition la Balconnière, auteur inconnu, traduit de l’anglais par un pasteur suisse), et sa suite « Vivre par l’Esprit ». Ce texte est devenu mon livre de chevet : Jésus nous parle aujourd’hui, dans un style contemporain, approfondissant les messages transcrits il y a 2000 ans. Ceci dans une totale cohérence avec ce qu’il a exprimé et montré durant sa vie en Galilée, et en Judée.
Il m’a conduite à une plus grande ouverture encore, à l’accueil de la différence – que je ne recherche pas-, à la confiance en Dieu, et à l’Amour inconditionnel.
Nous sommes tous frères en Christ, même ceux qui ne le connaissent pas.
Nous sommes tous Fils de Dieu, et Jésus est venu pour tous, en montrant le chemin, même pour ceux qui ne le confessent pas, et ne l’ont pas encore rencontré ; même pour ceux qui suivent un chemin parallèle qui les mène vers Dieu. C’est ce que je crois.
Confesser de la bouche, et vivre en mécréant en jugeant et condamnant les autres ? Ce n’est pas ce que j’entends de son message. Ce n’est pas à cela que je me sens appelée. C’est plutôt ce que reprochait Jésus aux pharisiens. J’y vois de la peur, peur de l’altérité, et désir de rester entre soi : cela ne vient pas de Dieu.
Dieu me donne la joie de Le servir, en prêchant lors des cultes, en accompagnant les détenues en aumônerie de prison… Il me donne la joie de porter des fruits magnifiques auprès de personnes que je rencontre, des fruits auxquels je ne m’attendais pas ; de plus en plus, cela malgré des attaques sévères comme tout disciple, qui demandent vigilance. J’ai découvert ces attaques dans la maturité.
Que vais-je découvrir encore en cette fin de vie ?
Merci à Jean Hassenforder qui m’a demandé ce témoignage en termes assez précis. Succinctement…
Diane Riquet de Souza. Août 2025.