Ceci est un témoignage d’aumônier qui rencontre en prison des détenus.

Un constat, tout d’abord : la plupart de cette population carcérale, plus de 50% probablement, a été maltraitée par la vie, de maison d’accueil en maison d’accueil, et cela se répète de génération en génération.
Les détenus n’ont souvent pas eu d’enfance, ni de protection de la part d’adultes sains. Ils ont souvent été abusés.

La prison, lieu de protection de la société (et lieu de tous les dangers), a aussi l’obligation d’aider les personnes à se construire (ou reconstruire), si l’on veut stopper ce cycle infernal, ne serait-ce que pour la collectivité et sa sécurité.

On sait que le jeu est un élément essentiel de la construction de l’enfant. Que l’on parle de supprimer le théâtre, le yoga, la peinture, ou l’écriture pour ces personnes qui ne les ont jamais connus, et les découvrent enfin, est surprenant. On devrait au contraire les multiplier : ces activités portées surtout par le bénévolat, ne sont pas assez nombreuses.

En effet, à cette occasion, ils se découvrent eux-mêmes, et découvrent la relation à l’autre, dans la douceur et la fluidité pour la première fois de leur vie, pour certains. Ils découvrent une source d’apaisement, et la naissance autrement, de liens avec leurs proches quand ils en ont, car beaucoup sont seuls au monde, ou en rupture totale de liens, comme les SDF dont ils sont proches.

Avec les activités, ludiques ou pas, ils découvrent le dialogue, la rencontre, l’altérité. Avec les intervenants et les aumôniers, ils expérimentent l’écoute bienveillante et l’Espérance, dans un avenir complètement fermé, et souvent isolé. C’est très touchant de se confronter à cela. Vous connaissez peut-être des animaux qui ont été maltraités, frappés ? Certains sont devenus craintifs, d’autres agressifs, d’autres intouchables, ou déséquilibrés…

Paradoxalement, il arrive que la prison (notamment pour les femmes, qui le souhaitent), avec les intervenants extérieurs, soit l’occasion de découvrir la bienveillance, le pardon, l’Amour (de Dieu), la douceur, la communauté des frères et sœurs, pour ceux qui n’ont été aimés par personne. La lecture de la Bible.

Ce sont là des essentiels pour la construction d’une personnalité, et pour lui permettre de ne pas retomber indéfiniment dans les mêmes errements, souvent alcoolisme, drogues, image très dégradée de soi, et de la relation à l’autre, qui entraînent des passages à l’acte inconsidérés.

On pourrait vider les prisons d’un grand nombre, si tous ces mal aimés avaient un espace minime d’épanouissement, et de soins psychologiques et psychiatriques. Attachons-nous au fond des choses, pour trouver des solutions aux problèmes, et ne pas les empirer.

Imaginons ce qu’une détenue, sans aucun espoir face à une vie ratée qui se répète, entend dans cette parole biblique, à laquelle elle s’accroche : “Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu”. Jésus la prononce avant de ressusciter Lazare, quatre jours après sa mise au tombeau (Jean 11). Pour elles, il s’agit de la guérison de leurs addictions, la guérison de leur mal de vivre, de leur désespérance. Elles prennent cette parole pour elles, pour changer de vie, pour accéder à leur pleine stature humaine. C’est leur résurrection qu’elles espèrent.

Et pour cela, toute rencontre solide est utile, et doit être confortée. A nous, les intervenants, d’être présents, pour le ludique, le spirituel, le culturel, toute forme d’activité qui construit et reconstruit la personne humaine.

DRS

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