Renaissance après une dépression, un témoignage de Jean-Jacques.

2 Cor 4 : 16 «C’est pourquoi nous ne perdons pas courage. Et lors même que notre homme extérieur se détruit, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour».

En introduction, ce que je retiens pour ma part, c’est que la dépression est tout le contraire de ce verset et d’un renouvellement de l’homme intérieur : paradoxalement l’homme extérieur se maintient et ne se détruit pas, mais l’homme intérieur semble être détruit définitivement, sans espoir de renouvellement, au point que certains sont tentés par le suicide…

Et pourtant il y a bien une renaissance après la dépression, du moins quand nous sommes bien aidés pour la traverser ! J’en témoigne aujourd’hui pour la première fois avec autant de détails. Il est vrai que j’ai dû lutter contre le doute et que j’ai pu persévérer en m’appuyant constamment sur le Psaume 23 qui commence ainsi :

« L’Eternel est mon berger, je ne manque de rien,

« Il me fait reposer dans de verts pâturages,

« Il me dirige près des eaux paisibles,

« Il restaure mon âme… »

Et ainsi j’ai continué à avancer sans abandonner. Ce fut une véritable renaissance.

Je confirme que le Seigneur nous restaure pour que de nouveau notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour !

* * *

Comme dans la plupart des cas, ma dépression a résulté d’une combinaison d’événements et de changements stressants et d’une accumulation de situations à risque qui ont agi en sous-terrain de façon inconsciente. Au début je ressentais bien un certain malaise, je me sentais fragilisé, mais pas au point d’avoir ce break-down brutal. Il a suffi d’un événement particulier gérable en temps normal – en l’occurrence au travail besoin de s’organiser pour préparer une offre technique et commerciale – pour déclencher cette implosion. Ce furent des moments d’effroi, d’extrêmes angoisses, de craintes obsessionnelles. J’avais littéralement peur que « le ciel me tombe sur la tête », la seule crainte des ancêtres gaulois. Je me sentais chuter en permanence dans un puits sans fond. Je pensais que ma vie était finie, que j’allais tout perdre – famille, travail, maison – et même que j’allais devenir SDF. J’étais littéralement paniqué pour chaque chose à faire, comme si j’avais perdu toutes mes capacités, et j’étais incapable d’imaginer que j’avais encore un avenir…

Cependant j’ai préféré continuer d’aller à mon travail, car rester à la maison était pire, je tournais littéralement comme un lion en cage. L’activité professionnelle m’a permis de garder un rythme de vie – même ralentie – et de structurer l’emploi de mon temps – en plus de soustraire mon esprit des obsessions dépressives. Bien sûr j’avais perdu mes capacités opérationnelles et j’ai été très reconnaissant à mes collègues directeurs de m’avoir déchargé de mes responsabilités pour un certain temps sans contrepartie…

Pourtant chaque matin avant de partir, je disais à mon épouse « je ne sais pas comment je vais vivre aujourd’hui, ni comment je vais pouvoir rentrer ce soir ». Je me sentais extrêmement mal – mais une souffrance intérieure seulement. Régulièrement mon épouse me demandait «où as-tu mal ? » – sous-entendu où dans mon corps – et je répondais « nulle part », car je n’avais aucune douleur physique, à tel point que je me demandais si ça pouvait être le fruit de mon imagination… Ainsi j’essayais de vivre le plus normalement possible sur le plan physique.

En fait j’avais l’impression de vivre un dédoublement : d’un côté j’avais envie de vivre, de profiter de chaque occasion pour être actif, j’avais la volonté de m’en sortir et de trouver des solutions ; mais d’un autre côté la « logistique » intérieure ne suivait pas, je me sentais « paralysé du cerveau ». Cette phase critique a duré plus d’une année pendant laquelle j’ai dû être « porté » par les autres, que ce soit à la maison, dans la famille, à l’église, à Famille Je t’Aime et au travail – sans compter le suivi médical efficace dont j’ai eu la grâce de bénéficier. J’étais incapable de faire des projets même à court terme. Je n’avais pas d’autre choix que de me laisser conduire au jour le jour sans savoir où j’allais, comme si j’étais handicapé. Et je comprends combien c’était très dur pour mon entourage, tant j’étais plutôt passif et « robotisé ».

* * *

Je devais donner un sens à ce qui m’arrivait. Je vivais cette dépression d’autant plus difficilement que j’étais chrétien (un chrétien peut-il être en dépression ?) et que j’avais connaissance des enseignements de Famille Je t’Aime – nous avions suivi des cycles complets de formation à la Relation d’Aide. J’avais donc plein de questionnements : quelle est la cause de cette dépression, quelle en est la finalité ? Est-ce une maladie psycho-physique (le métabolisme du cerveau est très subtil), ou une attaque spirituelle, ou la conséquence d’un péché, ou une épreuve envoyée par Dieu, ou simplement l’évolution d’un fonctionnement inadapté de ma personnalité ? L’absence de réponse de Dieu ne me rassurait pas, renforçait mes doutes, et ma foi en a été éprouvée : « Est-ce que j’ai raison de faire encore confiance à Dieu ? Dois-je plutôt tout laisser tomber ? ». Quand j’ai considéré toutes les conséquences d’une vie sans Dieu, j’ai mesuré le contraste entre la lumière et l’Amour du Créateur d’une part, et les ténèbres et l’abandon absolu d’autre part. J’ai compris qu’un désespoir existentiel allait m’envahir – ce qui serait bien pire que la dépression. Finalement j’ai renoncé au doute, j’ai persévéré et choisi la Vie. Pourtant je n’ai pas eu du tout de réponse à mes questions, et j’ai dû « faire avec » sur le coup – et même aujourd’hui je n’ai toujours pas de réponse… Je me disais « c’est peut-être un peu toutes ces possibilités à la fois ». Avec le temps je me suis aperçu que ces questions n’étaient pas les plus importantes en pareilles circonstances. Par ailleurs ma prière tout humaine consistait à demander une guérison rapide et miraculeuse, car mon obsession était de retrouver la santé comme avant le plus vite possible. Mais la guérison a été progressive et naturelle dans le temps : le Seigneur avait visiblement un plan pour me faire croître à travers cette épreuve, la pédagogie du Seigneur est bien différente de la nôtre !

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La sortie du tunnel a été tout aussi progressive, avec des hauts et des bas : un progrès acquis un jour ne semblait pas assuré pour le lendemain. J’ai dû « tout réapprendre » – c’est-à-dire reprendre les activités avec confiance, et tout ré-apprivoiser, car toute tâche habituelle et bien maitrisée avant ma dépression m’angoissait. Mais avec la grâce de Dieu je me suis retrouvé dans une nouvelle vie – même si mon caractère et ma personnalité n’ont pas beaucoup varié… En effet, pour les autres, vu de l’extérieur, c’est plutôt la continuité de ma personne qui est visible, mais j’ai vécu le renouvellement à l’intérieur !

Tout au long de cette épreuve j’ai eu la force de chercher du secours pour essayer de comprendre le problème et les solutions possibles auprès de nombreuses personnes : accompagnements spirituels et pastoraux avec partage d’expériences de leaders chrétiens qui avaient vécu une renaissance après leur dépression, séminaires de restauration, soins médicaux psychiatriques et psychologiques…

J’avais besoin de nourrir mon maigre espoir que je pourrais en sortir un jour ! Je me souviens du docteur psychiatre très compétent qui m’a littéralement tenu « à bout de bras » pendant 2 ans lors de courtes séances hebdomadaires, et qui dès le début avait refusé de m’hospitaliser car il m’avait dit « si vous rentrez à l’hôpital, vous aurez du mal à en sortir ». Bien qu’il ne fût pas chrétien, il respectait et soutenait ma foi. Ses conseils et ses encouragements m’ont été précieux, notamment quand il me répétait « vous ne pouvez pas retrouver votre situation d’avant votre dépression, mais vous êtes en train de vous reconstruire, et vous aurez une vie nouvelle ». Je suis extrêmement reconnaissant au Seigneur d’avoir été au contrôle pour tout cela : j’ai vu sa grâce à travers toutes les personnes qui m’ont accompagné, chrétiennes et non chrétiennes, car elles m’ont toutes aidé à marcher par la foi, et ont toutes contribué à ce que je puisse progressivement restaurer cette foi vacillante.

Un collègue m’avait aussi partagé l’expérience d’un ami qui se sentait plus fort après sa dépression qu’avant. Et effectivement c’est ce que j’ai ressenti : je me suis senti mieux armé. Même si ma renaissance a été progressive et en « dents de scie » au début, elle est effective : j’ai acquis un goût renouvelé pour la Vie et un sens plus aigu de ma destinée en Christ, j’ai appris à avoir un regard tourné vers le positif et à développer une attitude orientée plus vers la louange et la reconnaissance que vers la requête personnelle, je me permets de prendre plus de recul sur les événements et de m’engager avec plus d’objectivité dans les activités. De fait le Seigneur me pousse à aller de l’avant (cf. Phil 3 :13-14). Avant même que je ne sois bien rétabli, les amis m’ont fait confiance : les dirigeants de Famille Je t’Aime m’ont proposé d’assumer le rôle de Président – et ce dès 2003 ; j’ai été intégré à l’équipe pastorale de mon église ; on m’a offert un nouveau poste de responsabilité managériale au travail dans le domaine de la Qualité et de la Certification. Je ne me sentais pas encore en pleine capacité, mais j’ai placé ma confiance en Dieu pour exercer ces responsabilités !

* * *

Avec le recul je suis reconnaissant au Seigneur d’avoir traversé cette dépression, car Il m’a protégé d’un break-down fatal et me permet de mieux comprendre les personnes qui traversent des souffrances similaires. Je disais régulièrement à mon épouse « je ne souhaite à personne de vivre ce que je suis en train de vivre » tant c’était dur. Encore aujourd’hui dans ma prière quotidienne je dis au Seigneur « Merci pour cette dépression qui m’a servi de garde-fou (pour m’éviter le pire) et qui a été source de renaissance ». Oui par la grâce de Dieu, ces épreuves n’ont pas détruit ma foi, et j’ai réalisé que ma vie sans Dieu n’aurait eu aucun sens !

Aujourd’hui je ne peux que témoigner et rendre gloire à Dieu pour la Vie qu’il m’accorde. Bien sûr la personne humaine reste complexe et fragile, je dois rester vigilant pour ne pas m’exposer de nouveau à des risques dépressifs. Par ailleurs j’ai encore besoin de changer dans certains domaines, je dois poursuivre mon chemin de restauration personnelle et ma croissance spirituelle. Mais je peux de nouveau dire avec Paul que « mon être intérieur se renouvelle de jour en jour » (cf. 2 Cor 4 v16) !

Mes pensées vont envers tous ceux qui traversent une dépression ou qui se posent des questions sur une dépression récente. Je vous invite à vous référer à l’Evangile, en particulier au récit des disciples pris d’angoisse dans leur barque agitée par la tempête et faisant des reproches à Jésus qui dormait en toute confiance (cf. Marc 4:35-41) : Jésus est là dans notre tempête pour accompagner chacun, et c’est lui qui choisit la façon la plus pédagogique pour calmer cette tempête et la mieux adaptée à la personnalité de chacun.

Avec la grâce de Dieu, oui il y a une nouvelle vie après la dépression !

Phi 3 : 13-14 «Frères, je ne pense pas l’avoir saisi, mais je fais une chose : oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ».

Jean-Jacques LANGLOIS Président de Famille Je t’Aime

Article paru dans le bulletin « Un cœur pour la famille » N°63 Automne-Hiver 2016 de l’association « Famille Je t’Aime ». Publié avec l’aimable autorisation « Famille Je t’Aime » et de l’auteur.

« Famille Je t’Aime » est une Association Familiale Protestante au service des églises œuvrant pour la famille, les couples, les enfants, les personnes individuelles. Elle est « une réponse chrétienne aux besoins de la famille d’aujourd’hui ». Voir le site http://famillejetaime.com/

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