870LumDiffuseMa recherche en peinture est axée sur la Théophanie, la manifestation du Christ en pleine résurrection, et est centrée sur  la contemplation de sa beauté dans sa plus grande Gloire. La recherche de la transparence, de la lumière est au cœur de mon travail, que ce soit dans ma peinture ou dans mes travaux en papier collé. Faire jaillir Sa lumière, un germe de sainteté, son regard de lumière, le regard qui appelle à la Vie. Je ne demande pas le Ciel, juste quelques étoiles pour illuminer mon chemin.

870Christ RouaultComment  rendre actuel dans mes œuvres, l’essentiel que je poursuis ?
Je crois que c’est le vitrail qui donnerait sens et profondeur à ma volonté de rendre au plus près ce que je ressens et vis à ce sujet.

Dans mon dernier texte ” peintres passeurs de lumière” ** Lire sur ce site **870Chagall, ces peintres renommés travaillaient sur le rendu de cette luminosité. Actuellement le moine Kim en Joong  joue avec cette matérialité qu’est le vitrail et je contemple son œuvre.

Le verre possède la qualité de la transparence et le pouvoir de concentrer et rayonner la Lumière. 870BazaineC’est un instrument pour jouer avec Elle, que l’Infini nous donne gratuitement.
Aussi sommes nous habités d’imperfections. C’est ainsi que “des ratées”, des moments pas favorables interviennent là où nous ne voudrions pas. Comme ce matériau qui se modifie à la cuisson et engendre des déconvenues.

Essayons de devenir comme le verre pour nous laisser éclabousser par Ses Rayons d’or et de feu. Le vitrail par le 870Rosacechatoiement des couleurs recevant le soleil, ou non, peut nous donner un avant goût de la beauté invisible de l’au-delà.

Mais notre matérialité, notre opacité est si lourde que notre incarnation est parfois une croix sur terre. Pour passer des ténèbres à la lumière de l’aide est nécessaire. Sans cette demande de lumière, de clairvoyance, nous piétinons. Ce chemin vers la transparence peut se faire par étapes ou subitement.
Aussi le vitrail doit-il être détruit et recommencé parfois. Un retournement, une autre façon de faire nous est nécessaire aussi. Cela reste très personnel, chacun reçoit la lumière différemment, une révélation, une intuition de l’Esprit – Saint, une petite voie intérieure dans son cœur, au plus profond de son âme.

Attester, témoigner de l’existence du divin est tâche ardue !
La résurrection est pour moi, le passage (non expliqué d’ailleurs dans les Evangiles) d’une présence à une absence qui se laisse dévoiler en fonction de notre attention, de notre collaboration pour s’ajuster à son projet sur nous.
L’expérience de la présence de Sa lumière est si forte, comment en faire des représentations sensibles ?
870Figurtf870CourbesCertaines de mes œuvres sont figuratives. Mais d’autres sont exécutées de façon abstraite composées de formes, de courbes et/ou de droites.
Je voudrais partager un ressenti, rendre visible un hôte intérieur.
Il m’importe de dévoiler Cet Invisible, ce que je reçois.

A l’instant où je débute, où j’entreprends une réalisation, il y a un élan, quelque chose qui ne m’appartient pas. Une réflexion est nécessaire sur la conduite à tenir. Trouver la direction que je veux prendre, le moyen, le matériau, sa couleur, son épaisseur en particulier la finesse pour obtenir cette transparence. C’est alors que de multiples superpositions en peinture seront nécessaires. Faire en sorte que la couche soit si fine que l’on puisse apercevoir le grain du raisin par exemple. Les couleurs les plus vives côtoient les plus sourdes.

Avec les papiers collés, au début les branches du rayonnement de la Croix étaient rigides, rectilignes comme perçantes, incisives comme pour m’atteindre en plein cœur. Maintenant, elles sont devenues plus douces accueillantes, peut-être aussi mon regard a changé vers cette croix qui s’est modifiée.

Je suis toute entière dans mes travaux, me soustrait au monde extérieur. Etre au monde sans tout à fait en faire partie. Etre dans l’instant. L’instant est aussi une minute d’éternité.

Donner à voir une image n’est pas un acte magique, spectaculaire. Tous mes sens corporels sont en alerte lorsque je veux transcrire ces scintillements éphémères, ces incandescences fugaces, tous ces petits signes que l’Autre me lance. Dessille mes yeux pour T’apercevoir !

Cette Présence est là, toujours là, mais nous la parasitons.
Cette nécessité, ce besoin pour moi de la matérialiser est un dialogue avec la peinture et les couleurs. Cette force, cette puissance de Lumière surnaturelle si difficile à mettre en œuvre, voire impossible est de l’ordre d’expériences spirituelles. Ce ne sont que des traces, des fragments, des marques de Son agir dans nos humbles vies terrestres.

Pour appréhender l’Invisible, l’Irreprésentable, je ne peux que rester modeste face à cette Lumière inaccessible.
C’est ainsi que dans mes œuvres il y a aussi des zones d’ombres, c’est comme si Dieu était en retrait, on vit dans l’inquiétude, dans le doute, le mal, la souffrance, mais c’est notre non-confiance, notre moi, notre propre force qui prend le dessus et qui crée la rupture avec notre Source vitale.
Cette ombre n’est pas la nuit, n’est pas le noir, l’ombre aussi peut-être bienfaisante et devenir un lieu de repos en Lui.
Comment la vivre? Je voudrais qu’elle ne soit pas absence de Dieu. Même derrière les nuages, le soleil est présent.
Cette alternance de mi-teintes et de clarté, et j’aimerais la faire figurer en bonne place, cette ombre peut tout d’un coup jouer avec l’or, comme une étincelle qui surgit, un clin d’œil de Dieu.
Cette royauté, cette Toute-puissance de Dieu n’est jamais pesante.

Dans mes travaux, je ne la veux pas omniprésente, sinon elle deviendrait éblouissante, aveuglante, et écrasante. Ce n’est pas “l’image” que je veux exprimer de Dieu. En ce qui concerne mes tableaux, mon souhait est de créer, dans le regard du visiteur, un silence habité, une ouverture à la méditation, au recueillement.
Pour d’autres engendrer une approche de l’Evangile, le rappel d’un psaume.
Cela va paraître bien prétentieux si j’ose dire que mon goût pour l’art, en peinture en particulier, et l’amour du Christ Ressuscité peuvent se rejoindre pour aider les autres à contempler, à vivre et à espérer.

Comment créer l’Invisible?
Avec nos  moyens humains, physiques, nos capacités parfois limitées, ceux qui sont à notre portée. S’arrêter, scruter le visible, Dieu se révèle de façon insignifiante, dans l’infiniment petit.
Dans le silence qui est furtif ou que l’on provoque.
Dans la louange, l’attention à l’ami.
La quête de Dieu paraît ne pas être à la portée de tous. Cependant par le biais de l’art, certaines œuvres imposent le silence et peuvent-être l’amorce d’un regard neuf à ce qui est déjà là.

Mes projets et mes recherches sont sans cesse remis en question.
Cette mise en mouvement demande une grande part de ma volonté. C’est mon choix d’aimer ou non.

Je me permets de citer le frère Jean-Yves Quellec870JYQuellec (Prieur d’un monastère en Belgique) qui parle de saint Irénée (un des grands théologiens du IIème siècle) : ” la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu. “
Parce que le croyant est invité par – la Grâce, et  jamais sans prière – à devenir, tout comme Moïse, il y a 3000 ans, l’homme “qui voit l’invisible”.

 Brigitte Deris

 

 

Notes :

1- La magie des vitraux de Marc Chagall à Sarrebourg (Moselle)
2- Rosace de la basilique de Saint Denis (Seine Saint Denis)
3- Christ de Georges Rouault au Plateau d’Assy (Hte Savoie)
4- Christ de Jean Bazaine au Plateau d’Assy (Hte Savoie)
5- Toussaint à l’Abbaye Notre Dame de Jouarre (Seine et Marne)

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