En 2010, à la Faculté de théologie catholique d’Angers, Agathe Brosset a soutenu une thèse intitulée: “Partenariat et compagnonnage. Des modes nouveaux de faire église. Un analyseur : des pratiques de l’aumônerie hospitalière”. Sur ce site, nous avons présenté cette recherche innovante (1). Aujourd’hui, Agathe Brosset vient de publier aux Editions de l’Atelier, un livre intitulé: “L’Eglise de la rencontre: compagnonnage et partenariat” (2). Aussi lui avons-nous demandé de nous rappeler son parcours (3) et de présenter son ouvrage.

 

Peux-tu nous rappeler succintement ton parcours ?

            Je rappelerai brièvement quelques éléments fondamentaux pour moi, de mon parcours ecclésial et théologique.

Un 1er temps : le passage par l’ISPC

(Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique) au moment du concile Vatican II. J’y ai découvert : une lecture des Ecritures structurée autour d’une théologie de l’alliance de Dieu avec l’humanité, une initiation à l’anthropologie comme lieu premier de signification des réalités humaines ; une théologie enracinée dans ce double terreau, biblique et anthropologique, qui se qualifiait de « pastorale ».

Un 2ème temps : dans la foulée de

Vatican II, source d’immenses espérances, et de la contestation de mai 68, en France, naissait une diversité de courants dans l’Eglise catholique romaine. Un livre récent s’est fait l’écho de cette histoire des « chrétiens de gauche »(À la gauche du Christ, dirigé par Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel, Seuil), Je me suis inscrite alors, dans les années 70, dans le mouvement des « communautés chrétiennes de base » auquel j’appartiens toujours. J’ai d’ailleurs soutenu un mémoire de maitrise en théologie qui tentait de qualifier le mode de « faire Eglise » qui se donnait à voir en ces lieux. « Les communautés chrétiennes de base en France. Une manière de croire, de célébrer, de vivre. »

Dans l’Eglise diocésaine de Nantes à laquelle j’appartiens, j’ai participé à des groupes de réflexion essentiellement bibliques. Puis je suis devenue animatrice de l’un de ces groupes, avec deux autres amis et collègues, professeurs comme moi en lycée ou collège. C’est dans ces lieux de partage que sont ces groupes et la communauté chrétienne de base à laquelle j’appartiens, qu’est apparue pour moi la nécessité de « faire théologie » (il y a une vingtaine d’années). Tout en continuant mon activité professionnelle, je me suis inscrite à la faculté de théologie d’Angers. J’y ai découvert la théologie « pratique », c’est à dire cette manière de voir qui considère les pratiques ecclésiales comme des lieux théologiques. D’où cette thèse qui développe une réflexion ecclésiologique qui naît de l’analyse de certaines pratiques de l’aumônerie hospitalière en France.

Des échos au sujet de ma thèse

            Depuis que ma thèse se trouve sur le site www.pastoralis.org je sais qu’elle a été visitée, consultée. Récemment un étudiant canadien a pris contact avec moi.

Je pense que, dans l’immédiat, cette recherche peut avoir plus d’impact dans des pays comme le Canada ou la Belgique où la théologie pratique est plus « populaire », si je puis dire qu’en France. Un groupe de théologien(ne)s français(es), Alethe, m’a aussi appelée pour un possible travail commun.

Perspective ouverte par mon livre

            Il était important pour moi d’écrire ce livre qui vient de paraître aux éditions de l’Atelier, pour faire connaître cette approche d’une Eglise « en naissance », « en genèse », à un auditoire plus large : le monde de la pastorale de la santé, sans doute, mais aussi celui de bien d’autres pastorales (sacramentelle, des temps libres…), mais également, ou du moins je l’espère, tout homme et toute femme que les pratiques de partenariat interinstitutionnelles et les relations de compagnonnage intéressent.

Hors de l’aumônerie hospitalière, cette nouvelle manière de faire Eglise

            Le coeur de ma réflexion consiste à montrer

1 – qu’il est une manière de construire des partenariats entre institutions ou associations, qui fait naître ou consolide du lien social, qui favorise le « vivre ensemble ». Il s’agit de ces partenariats au service de projets éducatifs, humanitaires ou de prise en charge globale de la santé des personnes ou de la reconnaisance de leur place à part entière dans la société quelles qu’elles soient. Lorsque l’Eglise se trouve engagée institutionnellement dans ces partenariats, elle y est conduite à devenir une Eglise dialoguante, aux côtés de…, au service du développement humain.

2 – Quant aux relations de compagnonnage qui peuvent naître au hasard de la rencontre des personnes en situation de précarité ou de dépendance, comme le sont les personnes hospitalisées, ou incarcérées, ou en situation de handicap majeur… elles deviennent lieux de reconnaissance mutuelle et construisent un lien fort de fraternité.

Souvent en ces lieux (hôpitaux, prisons, etc) ce sont des équipes d’hommes et de femmes qui sont « missionnées » par l’Eglise pour y manifester sa présence au coeur de la fragilité et de la précarité. Chacun et chacune peut ainsi se trouver engagé(e) dans une relation qui peut devenir un compagnonnage à durée plus ou moins longue. Cela fait partie de leurs pratiques de se retrouver régulièrement pour partager entre eux les rencontres qu’ils ou elles ont vécues, tout en en respectant la confidentialité. Ces rencontres sont des temps d’analyse de leurs pratiques ou des temps de partage des questions, des doutes et des émerveillements aussi auxquels ces rencontres ont donné lieu. Ce faisant, ils et elles évoquent la manière de Jésus de se faire compagnon de route. Ces équipes le rendent présent au milieu d’elles dans la manière dont elles font mémoire de lui. Un lien fort de fraternité se construit au fil du temps donnant corps et visibilité à une authentique manière de faire Eglise, d’être Eglise. L’Eglise y naît de la rencontre.

Et maintenant…

            J’ai conscience que cette réflexion a développé chez moi une certaine manière d’accueillir et d’écouter toute réalité humaine qui se présente. Il me semble, par exemple, que l’accompagnement des familles en deuil, dans un cadre « ecclésial » tout comme dans un cadre « civil », est aussi un de ces lieux privilégiés où peuvent s’initier des partenariats et des compagnonnages.

Je demeure ainsi disponible pour tout approfondissement, avec d’autres, de ces chemins que propose mon livre.

Propos d’Agathe Brosset

Recueillis par Jean Hassenforder

(1)     Une recherche innovante en ecclesiologie : le rapport de soutenance de la thèse d’Agathe Brosset.** Voir article sur ce site **

(2)     Brosset (Agathe). Une Eglise de la rencontre. Compagnonnage et partenariat. Editions de l’Atelier, 2013

(3)     Agathe Brosset a déjà relaté sur ce site sa participation active aux “communautés chrétiennes de base” qui est un aspect important de son parcours : “Les communautés chrétiennes de base en France. L’exemple de la région de Nantes. Conversation avec Agathe Brosset”. ** Voir article sur ce site **

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