Quelle est la signification de Pâques pour nous ? Nous savons que la mort et la résurrection du Christ sont au cœur de notre foi. Ici, la victoire sur la mort est manifeste. Cette victoire éclaire notre vie. Celle-ci échappe ainsi à l’absurdité. Dans la foi, elle débouche sur un avenir.

Mais en quoi notre vie s’en trouve-t-elle changée ? Certes, cette croyance nous rassure. Nous savons que nos vies ne se terminent pas abruptement, mais débouchent sur un au delà. Elle nous invite aussi à l’espérance. Nous savons que viendra un jour, « un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Ap 21/1). Cette perspective nous aide à penser et agir positivement.

Mais la résurrection du Christ ne nous invite-t-elle pas à aller bien plus loin dans l’ouverture de nos représentations ? Ne nous appelle-t-elle pas à entrer, dès maintenant, dans une dynamique de vie ?

Le grand théologien, Jürgen Moltmann (1) nous parle de cette réalité dans son livre : « Le rire de l’univers » (2) où il nous montre « comment depuis la Genèse jusqu’à la parousie, toute l’histoire de la création a pour centre le Verbe créateur. A travers son incarnation, sa mort, sa résurrection, Il la récapitule en sa personne, pour la ramener au Père, dans la communion de l’Esprit ».

La plénitude de Dieu.

Jürgen Moltmann nous parle de la résurrection du Christ comme la manifestation de la « plénitude de Dieu ». Et, la manière dont il nous la décrit, nous fait entrer dans une nouvelle dimension : « La plénitude de Dieu est la plénitude débordante de la vie divine qui se communique de façon inépuisable et créatrice ; une vie débordante qui donne vie à ce qui est mort et qui a dépéri ; une vie de qui tout ce qui vit reçoit la force et la joie de vivre ; une source de vie à laquelle tout ce qui a reçu la vie répond avec une joie profonde et une jubilation éclatante… La plénitude de Dieu est lumière qui rayonne, qui se reflète dans les mille couleurs de la création… La gloire de Dieu prend la forme de la communication, à profusion, de sa plénitude de vie » (3).

Ces paroles, si fortes, font écho à de nombreux passages des psaumes. Et, par exemple :
« Tu secours, ô Eternel, et les hommes et les bêtes.
Que ton amour est précieux, ô Dieu !
Les humains savourent les festins de ta maison.
Au torrent de tes délices, tu leur donnes à boire. Car, chez toi, est la source de la vie.
C’est dans ta lumière que nous voyons ta lumière » (Ps 36 :7-10).

La résurrection du Christ manifeste la plénitude de Dieu !

« La résurrection du Christ », nous dit Jürgen Moltmann, est la victoire sur la mort et la manifestation de la vie divine qui s’ouvre et se communique ».

Cette vie que la Bible appelle « charis », « n’est pas seulement vie dans l’au delà, « après la mort ». Elle est, dès maintenant réveil, nouvelle naissance et don de nouvelles puissances de vie au bénéfice de la vie terrestre… ».

Comme l’être humain est à la fois « esprit, âme et corps » (I Thess 5/23), les bienfaits de Dieu irriguent toute son existence et empruntent de voies multiples. Ainsi, comme l’écrit Moltmann, la vie divine, la « charis » ne se traduit pas seulement par les « dons » de la grâce », mais par de nouvelles énergies vitales »… La « charis » est vie prise de la plénitude de Dieu et elle se manifeste par une vitalité nouvelle, la joie et le bonheur… La réaction à la « charis » est la « chara », la joie… Dans la joie que donne la plénitude de Dieu, nous ne recevons pas seulement « grâce sur grâce », mais également « vie sur vie ». Cette vision peut inspirer et éclairer tout ce qui se vit dans le courant chrétien qui œuvre pour une unification de vie dans une dimension de plénitude (« wholeness ») et pour la guérison divine qui s’y manifeste (4).

Et, comme l’écrit Moltmann, « la joie que donne la plénitude de Dieu » induit une « transfiguration de la vie » qui devient « vie festive ». Ici, c’est la dimension de la louange, à la fois résultante et motrice de cette vie nouvelle.

Comme la plénitude de vie nous est communiquée par Dieu, de même, Il nous appelle à la communiquer : « Les croyants possèdent-ils cette joie pour eux-mêmes dans un monde qui leur est hostile et qui est ennemi de la vie ? Non, la transfiguration de la vie dont ils font l’expérience dans la joie pascale n’est, pour eux, qu’un petit commencement de la transfiguration du cosmos tout entier… Le Christ ressuscité entraîne également toutes choses dans son avenir, pour qu’elles deviennent nouvelles et qu’elles prennent part à la fête de la joie éternelle de Dieu ».

La vie festive, dont nous parle Moltmann, c’est aussi un appel à la créativité, à une manifestation de beauté. Une occasion pour présenter ici une œuvre d’un peintre réputé, Michel Jouenne, intitulé « l’envol » (5).

Que l’Esprit de Dieu nous inspire et nous conduise dans la prise de conscience et la nouveauté de vie auxquelles la pensée de Jürgen Moltmann nous convie.

Jean Hassenforder
21 03 08

(1) On pourra apprécier l’œuvre de Jürgen Moltmann à travers le livre : Neusch (Marcel), Chenu (Bruno). Au pays de la théologie. A la découverte des hommes et des courants. Centurion, 1994 (foi vivante 347). ( Site de témoins : culture, livres) ;
(2) Moltmann (Jürgen). Le rire de l’univers. Traité de christianisme écologique. Anthologie réalisée et présentée par Jean Bastaire. Cerf, 2004.
(3) Les citations présentées dans cet article sont extraites du dernier chapitre du livre : « la fête de la joie éternelle » (p.142-144).
(4) Ces questions ont souvent été abordées dans le magazine et sur ce site. Voir notamment, dans la rubrique : repères, développement, les articles : « Vivre une vie unifiée » et « Souffle de vie ».
(5)

http://www.galerie-estelle.com/zoom.php?xml=peintres&artist=michel_jouenne&id=315&width=600&height=478

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