Tel était le titre du premier texte que j’ai découvert dans un petit livret mis à la disposition des hôtes par les Diaconesses à Versailles. Texte qui m’a beaucoup parlé lors de cette journée de retraite, et que j’ai eu à cœur de recopier, pour qu’il profite à un public plus large.  Texte si actuel, alors que Bernard de Clairvaux (1090 -1153) en est l’auteur.    [Marie-Thérèse Plaine].

 

« Si tout ce qui fait ta vie et ta sagesse, tu le donnes à l’action, sans rien réserver pour la réflexion et la méditation, vais-je le louer ? Non, en cela je ne te louerai pas. Et il ne se trouvera personne, je pense, pour le faire, s’il a entendu cette parole de Salomon : « qui limite son action acquerra la sagesse ». Et assurément, l’action elle-même a besoin d’être précédée par la réflexion.

Par ailleurs, si tu veux être tout entier à tous, à l’exemple de celui qui s’est fait « tout à tous », je loue ton humanité, mais à la condition qu’elle soit pleine et totale. Or comment le serait-elle si tu t’en exclus ? Toi aussi, tu es homme. Donc, pour que ton humanité soit pleine et entière, il faut qu’elle t’inclue toi aussi, dans cette ouverture de cœur que tu réserves à tous. Autrement, que te sert-il, comme disait le Seigneur, de gagner l’ensemble des hommes, si toi tu te perds ? Ainsi, puisque tu es le bien de tous, sois toi-même l’un de ceux qui te possèdent. Pourquoi serais-tu le seul à être privé de cette faveur ? Jusqu’à quand ton esprit va-t-il s’éloigner sans revenir à toi ? Jusqu’à quand vas-tu négliger de te recevoir toi-même, à ton tour, parmi tous ceux qui se présentent ?

Tu te dois aux sages et aux ignorants, et à toi seul tu te refuserais ? Tous pareillement se partagent ta vie, tous, comme à une fontaine publique, puisent à ton cœur, et toi, tu te tiendrais à part, mourant de soif ? Oui, que tes eaux se répandent sur les places, que les hommes et le bétail s’y désaltèrent ; verse à boire même aux chameaux du serviteur d’Abraham ! Mais parmi eux tous, bois, toi aussi, à l’eau jaillissante de ton puits. C’est l’étranger qui ne doit pas en boire, comme il est écrit.

Serais-tu un étranger ?

A qui ne seras-tu pas étranger, si tu l’es à toi-même ? »

Bernard de Clairvaux

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