Devant la perte de pertinence de nombreuses pratiques d’église face  aux changements actuels de la société, des innovations nombreuses apparaissent aujourd’hui, innovations que notre association se propose d’observer, ainsi qu’il est précisé dans notre page d’accueil dans la rubrique « qui sommes nous ».

Quand on relit le numéro spécial du journal Réforme consacré à Mai 68 (n° 3272 paru en mai 2008 à l’occasion des 40 ans, et en particulier l’article de Bernadette Sauvaget « Le mai 68 des réformés ») ainsi que le courrier des lecteurs du n° 3274, on réalise que l’innovation actuelle est déjà lancée à cette époque dans l’église réformée, que certains jalons sont déjà posés : «malgré tous les soubresauts, l’ERF innove, expérimente. Les ministères spécialisés sont mis en place. Pour être au plus proche de la société, inventer des modèles de présence au monde en dehors du carcan des paroisses s’ouvrent alors aussi des centres gérés par des pasteurs »…
On réalise aussi  rapidement, en lisant ces articles, toute l’ambiguité de cette période, où la dimension politique a pris une place excessive par rapport à la dimension intérieure, suscitant des réactions d’opposition très vives, dont le courrier des lecteurs de 2008 cité ci-dessus se fait encore l’écho aujourd’hui : réactions qui auraient pu être évitées, ou amoindries, si les réformes nécessaires avaient été faites plus tôt et plus hardiment.
Ces transformations sont loin, en effet de se faire dans le calme ; l’ERF, comme d’autres institutions, doit faire face à une jeunesse qui vient la bousculer, et cela bien avant le mois de mai : la faculté de théologie de Montpellier, seule alors dans l’Hexagone, s’est mise en grève le 22 mars, provoquant un véritable choc dans les instances de l’Eglise. « Nous étions en quelque sorte des précurseurs », raconte l’historien Jean-François Zorn, l’un des dirigeants étudiants sur place ». Comme l’Eglise catholique romaine après Vatican II, l’ERF a besoin d’un « aggiornamento , une mise à jour »…
Les paroisses peuvent être aussi touchées  par le mouvement : dans celle du Luxembourg, des étudiants en théologie répandent au cours d’un culte des boules de naphtaline pour symboliser leur interpellation : »Le Christ ne nous appelle pas à être la naphtaline du monde, mais le sel de la terre. »
Toutes ces interpellations, dont certaines peuvent paraître excessives, portent pourtant des fruits : de septembre 1968 à mai 1969, une dizaine de groupes de travail se livrent à un « brainstorming » sur des sujets toujours très actuels : la raison d’être du protestantisme aujourd’hui, les formes du culte, la vie communautaire… : réflexion collective dont les traces sont encore visibles aujourd’hui., et qui porte aussi sur le ministère pastoral, le rôle des églises dans la société, le modèle paroissial (ce dernier était à nouveau à l’ordre du jour au synode de Toulouse en 2008…)
L’innovation dans l’Eglise, c’est aussi la dynamique interconfessionnelle : dès le début des années 60, quand il était pasteur à Poitiers, Jacques Maury, élu par la suite président du conseil national de l’ERF le 5mai 1968, fait état de l’enthousiasme œcuménique qui règne sur le terrain ; pendant les « évènements », il  accueille au siège de l’ERF des catholiques et des protestants qui ont »franchi le Rubicon » en célébrant une intercommunion.
Je termine en espérant que ces différents éléments, loin d’alimenter la nostalgie, comme pourrait le faire notre dernier exemple dans un contexte ecclesial aujourd’hui plus difficile, constitueront au contraire un encouragement à développer et à concrétiser ce qui a déjà été semé pendant cette crise fructueuse à bien des égards.

 Alain Bourgade

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