Grand Prix du Festival de Cannes 2002, prix d’interprétation féminine et Prix du jury œcuménique, le dernier film de Kaurismäki “L’homme sans passé” vient de sortir en DVD.
Un nouveau coup de projecteur s’impose sur ce chef d’œuvre, coup de projecteur emprunté largement, pour la circonstance, à l’excellent article du site “profilfrance.free.fr”, avec son accord.

“L’histoire : Un homme débarque du train à Helsinki. Assommé, laissé pour mort, il est recueilli au bord de l’eau par un SDF, bon samaritain alerté par ses enfants. Amnésique, sans papiers, il trace un nouveau chemin de vie dans un univers de désastre social et humain. Aidé, soutenu par la fraternité, la solidarité d’autres offensés et humiliés et par l’amour d’une salutiste au sourire triste et à l’âme pure, il se forge un destin. Gorgé de références au passé du cinéma, pétillant d’inventivité et d’humour décalé, ce film poétique, d’une généreuse utopie, est un vrai chant d’espérance.
L’analyse : Le dernier film de Kaurismäki est bien cette “pluie de miracles” ( miracle,n.m. métaphore du sens religieux : “réussite exceptionnelle, inattendue”) tombée sur Cannes en mai 2002 et que le jury œcuménique a couronnée à l’unanimité. Subtilement, le pessimisme des films précédents de Kaurismäki s’est transmué, grâce à un humour décapant et une simplicité évangélique, en un conte moral, sans moralisme, sur la dignité des êtres. Par des saynètes dignes des Onze fioretti de St François d’Assise, l’auteur décrit le processus d’humanisation d’un homme inexistant, invisible. Nommé M. (le Maudit ?), cet homme sans nom, sans ombres du passé, donc d’une pureté originelle, sans mémoire, donc sans préjugés, va affronter et maîtriser son destin : “Prends toi en main”, dit la salutiste à celui qui ne possède que son présent. Par son innocence fondamentale, ses initiatives et des stratégies que sa naïveté iinvente et que sa rigueur obstinée impose, il transforme à son tour la vie de ceux qui l’avaient sauvé. Ce martyrisé, crucifié anonyme, est porteur d’espoir tout au long de cette fable bâtie sur une utopie exaltante. C’est par une absolue maîtrise de son art que le réalisateur, auteur du scénario et de dialogues étincelants d’humour, nous conduit et nous tient fasciné — tel le joueur de flûte de Harlem —. Cet homme de très grande culture joue avec des cadrages rigoureux, des scènes et des plans fixes aux silences éloquents, des lumières et des couleurs vives de chromos élaborés. Il nous berce avec une palette musicale allant du bandonéon à la chanson populaire et nostalgique de “Monrepos” (sur la Carélie perdue), entrecoupée de rocks désuets et de blues évocateurs : “Mon cœur doit pleurer” des renégats et “Stay by me” du générique du film. Ce film est aussi une célébration de la magie du cinéma, avec ses clins d’œil au spectateur complice : Keaton, Ford, Capra, Hitchcock sont ainsi de la fête. Ah ! La beauté de la scène du bal, comme celle des émigrants des Raisins de la colère… C’est un film extra-terrestre, christique, traversé de poésie et de générosité où Kaurismäki, par son élégance nonchalante, nous adresse son message sur la fraternité nécessaire des hommes. “Brasier au milieu de la nuit”, cette oeuvre nous bouleverse par l’appel poétique à un monde nouveau, celui que vont construire M. et Irma, tel le couple primordial, au dernier plan du film. “Tout est grâce !” avait-elle déjà annoncé.
Révaz Nicoladzé Membre du jury œcuménique, Cannes 2002″

Réalisation et scénario : Aki Kaurismäki
Interprètes principaux : Markku Peltola : M. Kati Outinen : Irma Sakatu Kuosmanen : Anttila Juhani Niemelä : Nieminen Tähti : la chienne Hannibal

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