H G nous rapporte ici son parcours de foi.  Depuis sa tendre enfance, elle a eu  « la conscience et l’expérience d’une relation intime et personnelle avec Dieu… Ma foi a grandi et s’est développée au sein de communautés ecclésiales porteuses de croyances extrêmement puissantes, pour certaines très positives, pour d’autres, vecteurs d’exclusion, de culpabilité et de recherche permanente d’une forme de performance spirituelle ». Par la suite, pour une part en fonction de ces entraves, elle a vécu une « crise religieuse », un « long processus de questionnement et de profonde remise en question » de son vécu religieux qui s’est poursuivi pendant près de quinze ans. C’est à travers les livres du pasteur et chercheur néo-zélandais Alan Jamieson qu’H G a pris de conscience du caractère positif de la transformation qu’elle a vécue durant cette période et de la croissance spirituelle qui en est résulté. Aussi a-t-elle voulu partager cet apport en traduisant un livre de Jamieson en français publié, aux éditions Empreinte, sous le titre : « Chysalide » : https://www.temoins.com/chrysalide-les-metamorphoses-de-la-foi-une-ressource-pour-des-chretiens-en-recherche/. H G nous rapporte aussi ses cheminements et l’apport majeur de quelques auteurs qui lui ont apporté une vision de Dieu répondant à sa recherche

Très active, HG a utilisé à fond internet dans son parcours : groupe facebook, formation à distance, groupe de partage sur skype.

Ce texte est riche doublement. C’est un témoignage qui allie une foi persévérante et une ouverture  au monde et à l’humanité, un témoignage qui parle au cœur et à l’intelligence. C’est aussi un document qui contribue à une approche sociologique dans le champ des transformations du croire et de l’émergence de nouvelles pratiques. Ainsi, voit-on apparaître ici de nouveaux modes de rencontre à travers internet. C’était le thème de la journée de Témoins : « Culture numérique et parcours de foi ».

J H

Cet article a été réalisé en rapport avec la rencontre de Témoins consacrée à « la culture numérique et aux parcours de foi », le 10 décembre 2018. Dans les semaines précédentes, nous avions régulièrement échangé avec Jean Hassenforder autour des questions destinées à structurer les échanges de l’après-midi

Témoignage. A partir de son histoire de vie, HG nous fait part d’une riche expérience dans l’usage d’internet au cours de son parcours de foi.

J’écris cet article non en qualité d’expert de ce sujet, mais plutôt en tant que témoin puisque la culture numérique a eu une importance considérable dans mon propre parcours de foi « en marge des cadres institutionnels ».
J’ai vécu mon enfance, mon adolescence et ma jeunesse dans un milieu chrétien, d’abord pentecôtiste puis évangélique charismatique. Depuis ma tendre enfance, j’ai toujours eu la conscience et l’expérience d’une relation intime et personnelle avec Dieu, un Dieu qui m’aimait de manière absolue. Ma foi a grandi et s’est développée au sein de communautés ecclésiales, porteuses de valeurs et de croyances extrêmement puissantes, pour certaines très positives, et pour d’autres, vecteurs d’exclusion, de culpabilité et de recherche permanente d’une forme de « performance spirituelle ». Ce dont je ne me suis aperçue que bien plus tard, car à l’époque, mon amour pour Dieu, mon caractère entier et bien sûr la naïveté de la jeunesse m’ont conduite à intégrer les codes de mon environnement, influençant ainsi ma vision de moi-même, de Dieu et des autres et ma façon de relationner avec chacune de ces composantes.
A l’âge de 25 ans, alors que j’étais très impliquée dans mon église, j’ai vécu une sorte de « crise religieuse », une entrée dans « la chrysalide » comme le décrit si bien Alan Jamieson. Je suis entrée dans un long processus de questionnements et de remise en question profonds, non pas de ma relation à Dieu, mais de mon vécu « religieux ». Cette « crise de foi » combinée avec des choix personnels m’a conduit à déménager dans une autre région. En quelques mois, mon paysage spirituel a été considérablement bouleversé. Je me suis retrouvée isolée, « allergique » au vécu ecclésial tout en ayant une soif inextinguible de réponses que « l’église classique » était incapable de m’apporter.
C’est dans cette période que par l’intermédiaire d’un ami commun, j’ai rencontré Jean Hassenforder et le groupe Témoins. Mon passage en région parisienne a été bref, mais suffisant pour nouer un lien.
Au travers de ma relation avec Jean et des articles publiés sur le site de Témoins, j’ai découvert des auteurs qui proposaient une autre vision de Dieu, une autre approche de la communauté. Je ne suis pas théologienne. Je n’ai pas les connaissances ni l’expertise de Gabriel Monnet, de Jurgen Moltmann ou de Richard Rohr. Je ne suis ni écrivain, ni sociologue ni pasteur. Je n’ai pas l’expérience d’Alan Jamieson. Je n’ai pas conduit d’analyse ou de réflexion approfondie sur l’évolution de l’église comme Brian Mc Laren a pu le faire. Pourtant, chacun de ces auteurs parle de moi… Je dis bien « parle de moi » et non « me parle », aussi étrange que ce propos puisse paraître.

D’une façon ou d’une autre, j’ai trouvé dans leurs ouvrages, du moins ceux que j’ai lu, un « vis-à-vis » qui me manquait cruellement. J’ai découvert que mon errance, mes questionnements, mes doutes, mes réticences vis-à-vis de l’église dans la forme que je connaissais ne m’étaient pas spécifiques. Ces tourbillons intérieurs étaient non seulement connus et vécus par des contemporains, mais avaient été également traversés par des grandes figures chrétiennes de l’histoire. Je n’étais plus seule. Bien que je ne sois pas en lien « physiquement », ces lectures m’ont permis de me sentir reliée à d’autres, de me sentir à nouveau « appartenir ». Et plus important sans doute encore, les témoignages, les réflexions de ces auteurs ont en quelque sorte « validé » mon cheminement de foi. J’avais beau être « en marge », ma foi était réelle et avait de la valeur. Ainsi ces lectures m’ont apporté du réconfort, de la consolation et du courage pour persévérer malgré l’isolement.
Ma période de cheminement quasi-solitaire a duré longtemps, presque 14 ans. J’avais fait à plusieurs reprises des tentatives pour m’impliquer à nouveau dans des communautés chrétiennes, sous différentes formes, mais elles s’étaient toutes terminées en impasse.
Et puis en 2012, un événement pourtant dramatique a changé la donne. J’ai appris que l’un de mes amis de jeunesse venait d’être diagnostiqué comme souffrant de la maladie de Charcot. Cette maladie dégénérative est incurable, privant peu à peu de l’usage des muscles, de la parole, de la respiration. La situation était d’autant plus terrible qu’Adrien était marié et père de 4 enfants dont le plus jeune était encore bébé. Comble de l’horreur, la mère d’Adrien était morte de cette même maladie et nous savions tous le chemin effroyable qui était devant lui.
Je dis « nous » car très rapidement, un réseau de soutien s’est mis en place, grâce à internet. D’abord, grâce aux e-mails réguliers que nous adressait la belle-sœur d’Adrien. Mais ensuite, nous avons ressenti le besoin de plus, de pouvoir être davantage présents auprès d’Adrien et aussi les uns avec les autres malgré la distance géographique. C’est ainsi qu’à l’automne 2013 est né le groupe facebook « Au quotidien avec Adrien ».

Avant d’aller plus loin, il me faut détailler ce « nous ». Nous étions plusieurs dizaines sur ce groupe. La famille, les amis, des membres de l’église d’Adrien. Mais il y avait un « noyau » constitué de la famille bien sûr mais aussi d’amis proches. Pour la plupart, ce noyau était constitué de personnes qui avait fréquenté la même église une quinzaine d’années auparavant. A l’époque, nous étions tous très impliqués et engagés. Puis, la vie, les mariages, le travail nous avait répartis aux quatre coins de France et du monde. Nous nous étions perdus de vue pour la plupart. Et beaucoup d’entre nous avaient également pris de la distance avec la vie chrétienne telle que nous l’avions vécue. Certains allaient encore à l’église, d’autre plus. Pour d’autres Dieu était loin, voire inexistant. Mais la majorité avaient été ou étaient encore traversés de questionnements puissants, ravivés par l’épreuve à laquelle nous étions confrontés.
Pendant un an, nous avons quotidiennement alimenté ce site. De choses quotidiennes, des photos, des messages d’amitié, des anecdotes… Mais aussi et surtout, ce groupe a été le lieu où nous prions ensemble, nous partagions nos questions sur Dieu, notre cheminement de foi, nos découvertes spirituelles, nos abimes de découragement et nos élans d’espoir. Face à une situation aussi terrible, les réponses « toutes faites » n’avaient pas cours. Ce groupe était un lieu de liberté, de partage incroyable, une véritable communauté humaine de foi. Dans cette période, nous sommes plusieurs membres de ce groupe à nous être retrouvés dans une convention chrétienne. Je ne connaissais certaines personnes que par leur participation à ce groupe facebook. Mais quand nous nous sommes vues, nous sommes tombés dans les bras les uns des autres, déjà unis par ce que nous partagions « au quotidien avec Adrien ».
L’été 2014, Adrien nous a précédés auprès du Père. Le miracle que nous espérions n’avait pas eu lieu, ou peut-être pas sous la forme que nous attendions. Nous nous sommes retrouvés pour les obsèques. Beaucoup des membres du groupe facebook étaient présents et la plupart des membres du « noyau » aussi. Malgré la douleur et les questions, je me souviens d’une journée glorieuse. Sans que je ne comprenne comment ni pourquoi, ce jour-là, le ciel était ouvert.
Ce partage quasi-quotidien sur ce groupe facebook m’a permis de renouer des liens plus étroits avec la famille d’Adrien ainsi qu’avec l’un de mes meilleurs amis, Timothée, et sa famille. Nos liens s’étaient distendus au cours du temps, mais ces partages réguliers avaient ravivé la dynamique de notre amitié. Amitié à distance, puisqu’aucun d’entre nous ne vivaient dans la même ville. Nous étions dispersés entre le Sud-Ouest, Lyon, le centre de la France, les Alpes et l’Angleterre.

En parallèle du groupe facebook, nous étions plusieurs à être interpellés par les ouvrages d’un pasteur d’une église aux Etats-Unis. Il témoignait des miracles qui étaient expérimentés régulièrement dans son église. Bien loin de récits uniquement « sensationnels », ses livres nous touchaient surtout par la vision différente de Dieu et de la vie chrétienne qu’il proposait. Un Dieu bon, aimant, n’envoyant pas la maladie comme « une épreuve pour nous faire grandir » ; une vision de la vie chrétienne débarrassée de la performance, ancrée dans l’intimité et dans une identité de « fils et fille ». De confession charismatique, la même « tradition chrétienne » que la nôtre, cet homme parlait de choses que nous connaissions mais d’une façon tellement singulière, qui rencontrait notre désir de « plus mais autrement “.
Mais les Etats-Unis, ce n’est pas la porte à côté ! Difficile de rejoindre une communauté qui se réunit à des milliers de kilomètres de vous ! Et c’est ainsi qu’une fois de plus, la « culture numérique » est devenue le support de notre parcours de foi. Je me surprends moi-même à écrire « notre parcours de foi ». Au fil de temps, ce parcours « aux marges des cadres institutionnels » que j’avais débuté seule se conjuguait désormais à plusieurs.
Cette église aux Etats-Unis proposait une formation à distance à laquelle nous nous sommes inscrits. Pendant un an, chaque mois était abordé un thème sur le Royaume de Dieu. Nous avions des livres à lire, des cours à écouter, des questions auxquels répondre, mais surtout, une fois par mois, nous nous retrouvions pour une vidéo-conférence en ligne. L’outil numérique que cette église utilisait était très performant et permettait l’interactivité. La plate-forme internet permettait bien sûr de voir et d’entendre les intervenants, mais également de poser des questions et de commenter en direct grâce à un chat ou d’échanger en privé avec d’autres participants. Nous étions ainsi chaque mois des dizaines de personnes du monde entier à nous retrouver connectés au même moment. Entre les périodes de vidéo-conférence, le site internet de l’église proposait également un forum dédié spécifiquement aux étudiants inscrits à la même session que nous. Cela permettait d’échanger des témoignages ou des questions. Cette formation en ligne a été marquante pour moi. Au cours de mon chemin solitaire, ma vision de Dieu avait évolué, et j’avais commencé à découvrir que certaines croyances de mon enfance étaient en fait des mensonges qui enfermaient ma vie dans une prison de religion plutôt que de me donner accès à une vie abondante basée sur une relation intime avec Dieu. Les enseignements de cette formation sont non seulement venus conforter et valider des choses que j’avais découvertes « dans mon coin » mais ils m’ont amenée plus loin. Ma relation avec Dieu a grandi et s’est épanouie, avec une réelle dimension de partage avec d’autres chrétiens, malgré la distance géographique.

Mais mon aventure « numérique » ne s’arrête pas là. En 2014, alors que je démarrais ma formation en ligne, j’ai repris contact avec de « vieux amis », Emilie et Clément, qui venait de s’installer à Lyon. Une fois encore, nous nous étions connus dans l’église que je fréquentais dans ma jeunesse. Emilie était comme « une petite sœur » pour moi et nous avions des liens étroits mais une fois de plus, la vie nous avait séparées. Clément était sportif professionnel, mais une blessure l’avait contraint à arrêter sa carrière. Une fois retrouvés, nous nous sommes vus très régulièrement. Nos chemins de foi respectifs nous avait conduit à un endroit similaire. Mais nos partages dans « la vraie vie » ont été de courte durée, car à peine quelques mois plus tard, Emilie et Clément se sont envolés pour les Etats-Unis, pour suivre une année d’école biblique dans la même église que celle avec laquelle je suivais la formation en ligne. Ce qui est amusant, c’est que nous ne nous étions absolument pas concertés sur ce sujet, et qu’ils avaient arrêté leur choix sans savoir que j’étais moi-même en lien avec cette église. Je suis allée les rejoindre pendant un mois lors de leur séjour aux USA. Ces semaines passées ensemble nous ont permis d’approfondir notre amitié et de partager des lieux de cheminement spirituels communs. Mais à mon grand désarroi, lorsqu’ils sont rentrés en France, ils ont choisi de se réinstaller à Toulouse. J’étais à nouveau privée de cette communion « physique » avec des amis très précieux.

C’est à cette période, à l’automne 2014, que nous avons initié un rendez-vous hebdomadaire qui perdure encore aujourd’hui. Chaque mercredi, Timothée depuis Londres, Emilie et Clément depuis Toulouse et moi depuis Lyon nous retrouvons sur skype. Nous partageons nos joies, nos peines, nos questionnements, nous prions, nous louons Dieu ensemble. Il n’y a pas de schéma établi, de contenu décidé par avance. Depuis le démarrage de nos rencontres en ligne, nos situations respectives ont changé. Timothée a rejoint sa famille dans le centre de la France. De mon côté, j’ai rejoint Toulouse. Nos skypes continuent, mais cette fois, je suis dans la cuisine d’Emilie et Clément. Ce rendez-vous du mercredi est « sacré » pour moi. Après le travail, je file chez mes amis. Nous prenons le repas ensemble, nous partageons nos dernières péripéties, écoutons les enfants nous raconter les anecdotes de l’école, puis une fois la table du dîner débarrassée, nous installons l’ordinateur et « rejoignons » Timothée. Il me faudrait écrire un article dédié pour raconter tout ce que nous avons découvert, vécu, expérimenté ensemble et avec Dieu ces quatre dernières années. Chaque été, nous prenons du temps pour discerner une direction pour notre année. Les deux premières, nous avons organisé deux week- ends de rencontres, l’un avec des anciens étudiants de l’église américaine, l’autre avec des anciens amis de l’église que nous fréquentions dans notre jeunesse. L’année dernière, pas de projet de rencontres « externes », mais nous avons compris que Dieu nous invitait à passer plus de temps « en vrai ». Nous avons suivi cette direction, nous organisant afin de passer au mois un week-end ensemble tous les deux mois.

C’est cette année, au cours d’un processus qu’il serait trop long de raconter, que nous avons compris que loin des codes de l’église institutionnelle, ce groupe que nous formions constituait une véritable communauté ecclésiale. Aussi petit soit notre groupe, aussi incongrue soit notre « chapelle virtuelle », nous expérimentons ensemble un amour profond, nous accueillons nos différences, bâtissons ensemble, choisissons encore et toujours l’alliance en mettant au priorité nos relations, même quand les inévitables tumultes relationnels les menacent. Cette alliance entre nous s’ancre dans l’expérience vécue d’une alliance plus grande, celle que Dieu nous a offerte, et dont nous explorons chaque jour un peu plus l’infinie richesse.

HG

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