” La tentation n’est pas le péché ”  : texte vu sur une affiche publicitaire, qui rejoint (en tout cas dans la formulation !) un proverbe connu : « on ne peut empêcher un oiseau de se poser sur notre tête, mais on lui laisse ou non y faire son nid ».
Cette tentation, Jésus la subit comme nous dans ce passage, étant un homme « jusqu’au bout » ; mais nous sommes appelés à être, comme lui, des hommes « jusqu’au bout » dans la victoire sur elle.

Personne ne souhaite être soumis à la tentation ; pourtant, c’est par l’Esprit lui-même que Jésus, après avoir été intronisé dans sa mission,  est immédiatement conduit dans le désert, où il est ensuite tenté. Le texte correspondant de Matthieu -4,1-11 – est encore plus net : Jésus est emmené dans le désert « pour » être tenté par le diable ; il s’agit donc d’une épreuve : rempli de l’Esprit après son baptême, il est en état de remporter la victoire sur l’Ennemi, condition pour entrer dans son ministère.

Le désert est à la fois le lieu de la rencontre possible avec Dieu, dans le silence, et celui des difficultés qui nous fragilisent devant les tentations, à commencer par celle du corps ! Jésus, homme « jusqu’au bout » encore une fois, la subit donc au bout de 40 jours de jeûne : un chiffre qui rappelle bien sûr les 40 ans passés dans le désert par les Hébreux, mais correspond aussi à une limite biologique, au-delà de laquelle les dégradations physiques peuvent être irréversibles.

Mais la réponse de Jésus à Satan montre que, pour lui, la recherche de la vie en Dieu est plus importante que la satisfaction des besoins physiologiques, même pressants : « l’homme ne vivra pas de pain seulement » ; déclaration qui renvoie au Deutéronome 8,3 : « Il (l’Eternel) t’a fait souffrir de la faim…..afin de t’apprendre que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche de l’Eternel ». Jésus apparaît donc ici comme le nouvel Israël tenté dans le désert, qui, lui, est sorti vainqueur du combat grâce à la nourriture la plus importante, la Parole de Dieu.

C’est encore grâce à la Parole que Jésus va pouvoir affronter victorieusement la deuxième tentation, qui porte sur l’attrait du pouvoir, que Satan se vante de posséder sur le monde ; tentation qui est ici d’autant plus subtile qu’elle peut sembler justifiée par la noblesse des intentions : faire régner la justice de Dieu sur terre en partant « d’en haut » (et en faisant au passage l’économie de la croix…). On connaît toutes les dérives liées à une approche que Satan ne propose d’ailleurs qu’associée à l’adoration de sa personne ! les croisades, l’inquisition, l’alliance du trône et de l’autel menant à l’idolâtrie du pouvoir royal sous Louis XIV…Jésus répond encore par le Deutéronome (6,13.14) : « Tu adoreras le Seigneur, ton dieu, et tu le serviras lui seul » (verset 8).

La troisième tentation commence, comme la première,  par une insinuation : « si tu es le fils de Dieu »… Satan reprend la formulation du baptême de Jésus (« tu es mon fils bien aimé »…), mais en y introduisant le doute : si tu es « vraiment »le fils de Dieu, semble-t-il dire, tu devrais pouvoir accomplir tel ou tel exploit….

Cette tentation du doute nous guette tous ; mais c’est le prix de la foi, l’occasion pour elle de remporter la victoire grâce à l’Esprit, pour Jésus comme pour nous : cet Esprit que Jésus a gardé en lui après son baptême, et qui peut nous remplir aussi, nous protégeant du débordement de l’affectif, et nous donnant les armes décrites dans Ephésiens 6.

La troisième attaque de Satan associe clairement la divinité supposée de Jésus à la gloire personnelle ; mais Jésus ne demande jamais rien pour lui-même, même quand cela peut paraître légitime (la nourriture dans le désert) ; il va donc refuser de « tenter » Dieu (se jeter du haut du temple comme le lui suggère Satan) pour sa propre gloire, en s’appuyant sur des promesses de Dieu habilement isolées de leur contexte par l’Ennemi ! Ce dernier se garde bien de préciser que l’affirmation du psaume 91 (« Il ordonnera à ses anges de te garder dans toutes tes voies, ils te porteront sur leurs mains de peur que ton pied ne heurte contre une pierre ») concerne les serviteurs fidèles, ceux qui se mettent « à l’abri du très haut »…

On voit bien comment des versets sortis de leur emplacement d’origine peuvent signifier tout autre chose : il suffit de regarder la « guerre des versets » à laquelle peuvent se livrer des chrétiens à l’intérieur d’une église, voire dans un couple ! Mais la riposte de Jésus à Satan montre sa capacité à user de l’Ecriture d’une façon appropriée, dans l’Esprit : « tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu » : affirmation issue encore du Deutéronome (6,16).

La Parole et l’Esprit : les deux voies indissociables de la voix de Dieu, en Jésus et en nous.

Alain Bourgade

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