Le vote religieux.

 Les études de sociologie électorale nous éclairent sur la répartition des voix en faveur d’Obama. Ces votes sont majoritaires chez les jeunes, chez les femmes, chez les plus instruits, et aussi dans les groupes issus de l’immigration : les hispaniques, et, bien sûr, chez les afro américains qu’on ne peut classer avec des immigrés de fraîche date, car, par des apports majeurs sur le plan culturel et spirituel, ils font partie de l’histoire américaine. Barack Obama a également bien tenu la route chez les travailleurs menacés par la crise économique dans les états anciennement industrialisés dont l’orientation était déterminante pour les résultats des élections. Il a rencontré beaucoup de succès chez les acteurs de la nouvelle économie à forte composante informatique de la Silicone Valley à la Florida. On peut, on doit aussi analyser les résultats en fonction de la composante religieuse qui joue, aux Etats-Unis, un rôle important dans l’orientation des votes. Il y a donc, à chaque élection, une analyse du « vote religieux » (7).
 Manifestement, chez les chrétiens américains, il y a de fortes différences dans le vote selon le contexte ethnique et racial. Les chrétiens afro américains ont voté en masse pour Barack Obama. Chez les chrétiens « blancs » au contraire , le vote démocrate a été plus ou moins minoritaire. En 2008, en milieu « blanc », 47% des catholiques, 34% des protestants ont voté Obama. Cependant, par rapport aux élections précédentes, on observe un gain de cinq points chez les protestants évangéliques  qui passe ainsi du 1/5 au 1/4 ce groupe (21% pour Kerry, 26% pour Obama). Le vote pour Obama atteint les 3/4 de l’électorat chez les juifs, les autres religions et les gens sans religion.

 Ces résultats suscitent des questions avec, en regard, un commentaire personnel. La différenciation dans les votes des chrétiens tient à une pondération différente des critères de choix. La situation est analogue dans d’autres pays. Ainsi des travaux du sociologue Pierre Bréchon ont montré qu’en Europe les catholiques pratiquants penchaient en majorité vers la droite. Le regard sur les mœurs est un facteur d’explication, tout à fait relatif puisqu’il se confronte avec d’autres dimensions éthiques relatives à la société. On peut se demander si, globalement, l’héritage de la chrétienté n’intervient pas : la dépendance vis à vis de l’autorité, une certaine conception de l’ordre. Plus généralement, on peut s’interroger sur les conséquences des polarisations qui interviennent dans les partis dits « religieux ». Comme chrétien, on peut se rappeler que l’opposition la plus farouche contre Jésus est venue d’un clan « religieux ».
 Les conceptions théologiques entrent également en ligne de compte. Par exemple,  aux Etats-Unis, dans un contexte fondamentaliste, une polarisation sur le salut individuel s’accompagne d’un désintérêt pour le bien social. Cette attitude a de nombreuses conséquences, par exemple une indifférence vis à vis du souci écologique. En matière de politique étrangère, d’autres particularités interviennent comme un soutien quasi inconditionnel à la politique de l’état d’Israël en fonction d’une certaine conception des Ecritures. Ces influences ont eu des effets dommageables durant la présidence de George Bush. En ce domaine, on trouvera une excellente analyse historique et sociologique dans le livre de Sébastien Fath : « Dieu bénisse l’Amérique. La religion de la Maison Blanche »  (8).
 La conduite et les thèmes de la campagne de Barack Obama, loin de tomber dans les travers que l’on vient d’énoncer, s’inscrivent dans une grande tradition politique américaine où l’action pour la justice et la liberté se réfère à une inspiration biblique, un message porteur de libération et de vie. Dans cet esprit, comment cette campagne s’inscrit-elle  aussi dans la grande mutation culturelle qui se manifeste aujourd’hui ?

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