Femmes et hommes en Eglise. Cette appellation donnée à l’association correspondante traduit un véritable esprit évangélique. En effet, si la plupart des sociétés ont été marquées dans le passé par une situation dominante, voire dominatrice de l’homme engendrant une dépendance de la femme, la nouvelle création en Christ a inauguré une relation de respect et de réciprocité entre l’homme et la femme. Cependant, pendant des siècles, les vieilles structures patriarcales ont fait obstacle au changement.
Dans la majorité des aires géographiques, elles cèdent aujourd’hui sous la poussée des transformations économiques et sociales. Ainsi les femmes peuvent-elles accéder au plein exercice de leurs droits humains.
L’association : Femmes et Hommes en Eglise vient de tenir un colloque sur le thème: « Femmes prêtres, enjeux pour la société et les églises ».
Il s’agit, plus particulièrement, d’ouvrir aux femmes l’accès à l’ordination dans l’Eglise catholique.
Si l’emploi du mot prêtre nous paraît sujet de questionnement au regard de la terminologie du Nouveau Testament, l’accès des femmes aux responsabilités pastorales est aujourd’hui un mouvement qui s’étend dans beaucoup d’églises. L’évolution récente dans l’Eglise anglicane est, à cet égard, tout à fait exemplaire. En France, les femmes pasteures apportent, dans l’Eglise Réformée, une contribution originale et motrice. En 2005, la Fédération des églises baptistes a donné son aval au pastorat féminin.
Le colloque s’est appuyé sur « cet aspect encourageant d’un oecuménisme irréversible ». Et il a donné la parole à des femmes catholiques ressentant un appel au ministère pastoral.
Il ne faut pas cependant négliger l’importance des obstacles qui s’opposent actuellement à l’accès des femmes à un ministère pastoral dans l’Eglise catholique. En effet, selon une approche systémique, ces obstacles s’inscrivent à la fois dans l’organisation même de l’institution concernée et dans des mentalités marquées par une conception du sacré, en symbiose avec un pouvoir quasi monarchique. Si le recours à une légitimité juridique et politique, la reconnaissance des droits de la femme au plan international, est un atout, elle ne peut tenir lieu de la légitimité et de la dynamique spirituelle indispensable pour affronter une telle situation.
Si cette démarche est bien présente dans le colloque, dans la mouvance de Témoins, nous la formulons ici en termes bibliques. Et, dans cette intention, nous empruntons quelques passages à l’excellent livre de Gilbert Bilézikian, une étude biblique approfondie sur ce thème :
« Homme-Femme ; Vers une autre relation »(1). « Jésus s’est introduit dans les institutions d’un monde déchu pour y implanter une nouvelle vie, un irrépressible ferment qui transforme hommes et femmes en leur insufflant
la force bouillonnante de l’Esprit. Dotés de nouvelles possibilités, ils représentent la nouvelle création et constituent une nouvelle communauté. Dans celle-ci, hommes et femmes sont appelés par Dieu à remplir des fonctions et à assurer des rôles liés à son règne, et cela, à un niveau maximum d’engagement compatible avec leurs cultures. De différentes façons, Jésus a posé le principe d’une égale accessibilité par les hommes et par les femmes aux responsabilités dont dépend le fonctionnement harmonieux de la nouvelle communauté… »(p.93-94) ….« L’idéal élevé de l’interdépendance de l’homme et de la femme a été mis en oeuvre dans la vie de la première Eglise. Les preuves existent de la participation des femmes aux fonctions les plus hautes. Une telle cohérence entre la foi et la pratique s’est maintenue en dépit des pressions tendant à un retour au mode patriarcal de la culture ambiante… » (p.163).
Au regard d’un examen approfondi des textes néo-testamentaires, il n’y a pas d’ambiguïté sur la direction empruntée. Les retours en arrière, au cours des siècles de chrétienté, sont en porte à faux par rapport à l’esprit évangélique.
Ainsi le colloque, dont rend compte le communiqué de presse ci-dessous, est un jalon dans un long processus, aujourd’hui en voie d’accélération, pour l’instauration, dans les églises, de relations Homme-Femme correspondant à l’inspiration divine.
Jean Hassenforder

(1) Bilézikian (Gilbert). Homme-Femme. Vers une autre relation. Editions Grâce et Vérité, 1992 (ISBN 2-85331-044-2)

Communiqué de presse – 30 janvier 2006

Le 16° colloque international et œcuménique organisé par l’association Femmes et Hommes en Eglise, (FHE) et son unité de recherches et documentation Genre en Christianisme, à Paris ces 20 et 21 janvier 2006 a rassemblé plus de 150 personnes sur le thème Femmes prêtres, enjeux pour la société et les Eglises. 0n y comptait des jeunes, des prêtres, des hommes et surtout des femmes de diverses confessions et organisations chrétiennes. C’était, en France, la première rencontre ouverte et d’envergure sur ce thème qui concerne spécialement l’Eglise catholique romaine mais qui trouve aussi une incidence notable dans le rapport plus général entre société civile et religions. Car à l’échelon des Etats, comme au Conseil de l’Europe, au Parlement Européen et dans certains organes se référant à L’ONU, on cherche aujourd’hui à ce que les religions ne s’opposent plus au plein exercice par les femmes de leurs droits Humains. Dans ce cadre, le professeur Jean Baubérot, président d’honneur de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes en a présenté la dimension historique, au cours de la conférence publique sur Laïcité, Femmes, Religions ; La laïcité est-elle gage d’égalité ?

Le colloque a équilibré ses séances de travail entre conférences, témoignages inédits et débats. En effet, l’interdit mis par Rome au débat sur l’ordination des femmes n’a pas clos les recherches interdisciplinaires sur les nombreux thèmes qui lui sont liés : conception du ministère, remise en cause du cléricalisme et rôle des laïcs, partage du pouvoir et parité, approche du sacré, prise en compte de la sexualité et refus de l’androcentrisme. La question des prêtres femmes n’est que le point de focalisation le plus actuel, car il s’agit bien d’un verrou institutionnel qui ne parvient plus à cacher le passage-clé vers un renouveau, qu’espèrent des communautés chrétiennes de plus en plus nombreuses, telles ces 45 associations de la Fédération des réseaux du Parvis, soutenant elle aussi le colloque et qui fournira le cadre de la publication des Actes.

Les professeures Kari Borresen d’Oslo et Olivette Genest de Montréal ont rappelé que les arguments invoqués jusqu’ici par Rome ne pouvaient pas être considérés comme définitifs ; ils ne l’ont pas été du reste pour d’autres traditions chrétiennes, anglicanes et réformées, comme l’ont montré les exposés d’Elisabeth Parmentier, professeure de la faculté protestante de Strasbourg et d’Eglantine Jamet-Moreau, maître de conférences à Paris X. Leurs apports ainsi que les témoignages de plusieurs femmes ordonnées sont venus rendre tangible cet aspect encourageant d’un œcuménisme irréversible.

La diversité des témoignages de femmes catholiques, tout comme la richesse et le sérieux des débats, a bien servi les objectifs du colloque : briser le silence, favoriser l’approfondissement du questionnement et la mise en perspective des différents choix possibles.

On y a entendu Geneviève Beney, première femme qui fut ordonnée à Lyon en 2005, ainsi que Patricia Fresen, religieuse dominicaine, chargée de la formation de la centaine de candidates du réseau Roman Catholic Womenpriests se préparant au diaconat et à la prêtrise dans de nombreux pays. Marie Bouclin, présidente de WOW, Women’s Ordination Worldwide a rendu compte d’options plus diversifiées parmi les 40 pays qui ont envoyé leurs 500 représentant-e-s au colloque d’Ottawa en juillet dernier. Certains groupes, a-t-elle dit, soutiennent et préparent ces ordinations « alternatives », sans plus se soucier des menaces d’excommunication, alors que d’autres travaillent activement à la conversion des autorités ecclésiales et à la conscientisation des communautés. Priorité est donnée alors au nécessaire travail critique tandis que l’on craint le risque d’ordinations féminines trop hâtives venant renforcer une organisation ecclésiastique jugée obsolète et contraire même à l’Evangile. Fut cité également le site de John Wijngaards www.womenpriests.org entièrement consacré à la question de l’ordination des femmes dans l’Eglise catholique, que complète désormais son ouvrage récemment traduit en français par Suzanne Tunc.

Pour la France, on retiendra encore deux témoignages précieux : celui d’une responsable de la pastorale de la santé, bien intégrée dans son diocèse et qui parlait avec l’autorisation de son évêque et celui de Michèle Jeunet, religieuse apostolique, heureuse dans son choix de vie et qui a formulé publiquement, elle aussi avec l’aval de sa supérieure et de sa communauté, son désir d’être prêtre pour pouvoir accomplir pleinement sa mission d’accompagnement spirituel.

Références: Groupe “Recherche” Témoins

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