A la suite des témoignages sur la venue de l’enfant, vous sollicitez les hommes pour qu’ils écrivent eux aussi sur la venue de leur enfant (1)

Vous avez bien raison car bien que vivant dans une société dite “Macho” où les hommes ont le pouvoir (en politique, en économie…) l’élément masculin et paternel est cruellement absent de certains secteurs de la vie de l’enfant. Il y a les absences dans la famille (père trop occupé par la vie professionnelle ou trop préoccupé donc présent sans être là !). Il y a aussi l’absence dans le discours tenu à l’enfant.

Témoin, par exemple, la classe maternelle où va notre plus jeune fils (4 ans) et où tout le personnel de l’Ecole est féminin.
Les mots écrits dans la classe sont tous féminins avec le mot “Maman” plusieurs fois répété sans qu’apparaisse le mot “Papa”.
L’heure de fin de classe est appelée par la maîtresse : “l’heure des mamans” alors qu’il y a plus de 1O% des pères pour venir chercher leurs enfants. Or grammaticalement parlant, puisque le masculin l’emporte sur le méminin, il suffirait qu’il y ait un père pour que l’on appelle cette heure là “l’heure des papas” !!
Ici la grammaire n’est pas absurde, elle lutte contre le penchant naturel de l’humain qui est d’aller vers la mère. Comme le dit Valérie Fontaine, dans son témoignage, le Père aide la Mère à prendre la distance, et j’ajouterai à séparer l’Enfant de la Mère.

Cette présence du père est essentielle avant même la naissance de l’enfant.
Nathan qui a donc quatre ans maintenant et qui est le dernier d’une fratrie de quatre, avait semble-t-il, pris la décision de ne pas se tourner dans le sein de sa mère, pour se mettre en position de sortie, comme doit normalement le faire tout enfant quelques semaines avant de naître.
Le médecin gynécologue, ayant attendu jusqu’à la dernière limite, prit la décision d’hospitaliser ma femme et de procéder au retournement de l’enfant mécaniquement avec, nous dit-il, le risque très élevé de provoquer un accouchement prématuré.

Le jour venu, nous voilà donc partis avec la valise pour une hospitalisation de trois jours au moins, nous avait-il dit.
Une cinquantaine de kilomètres nous séparaient de l’hôpital.
Avec ma femme, nous eûmes à coeur de prier pendant tout ce trajet.
Nous chantions et parlions à Dieu. Nous prîmes même une dizaine de minutes supplémentaires dans notre voiture sur le parking de l’hôpital pour dire quelques mots à Dieu et à l’enfant.

Je dis à l’enfant : “Ecoute, Nathan, tout le monde t’attend même tes frères qui, au début, ne voulaient pas de toi car avec Maman ils nous trouvent trop vieux (les frères avaient 17, 14 et 11 ans à ce moment-là). Dieu qui est notre Père à tous dans la famille, t’attend aussi. Nous lui avons parlé de toi très souvent.
Alors nous avons envie de nous retrouver ensemble le plus viite possible. Tu fais tout ce qu’il faut pour sortir. Tu ne restes pas qu’avec Maman.”

Arrivés dans le service, on prend ma femme au bloc opératoire. Un quart d’heure après, une infirmière vient m’annoncer :
“Monsieur, tout va bien. L’enfant a tourné. Vous pouvez repartir, votre femme va arriver.”

Je n’ai jamais cru à un Dieu magicien qui, d’un coup de baguette magique, exauce la prière des hommes. La puissance de l’action divine s’étaye sur l’engagement des humains. Par notre dialogue avec Dieu et avec l’enfant, parce que la parole a pu circuler de l’un à l’autre, nous avons ouvert les portes à l’action divine. Dieu est dans cette parole “vraie” que nous avons pu nousadresser les uns aux autres. Et pour cette parole soit vraie, il fallait aussi la présence du père de l’enfant, bien entendu.

Serge Soulié

(1) Cf. Témoins n° 1O8

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