Un entretien avec Thérèse Glardon, conduit par François Sergy .

– Ces crises qui nous font naître (Labor et Fides, 2009) est un ouvrage d’un optimisme invétéré alors qu’a priori la crise, on la redoute, on en a une vision négative. Quel a été votre propos ?
– Mon but était de montrer le bénéfice positif de la crise dont on prend conscience après coup. Elle nous atteint de plein fouet, mais à quoi mène-t-elle ? Sur le plan collectif, mais surtout sur le plan individuel. Les médias aiment à dramatiser les diverses crises que nous traversons (crises financière, climatique, etc.) Les écrits bibliques ont une autre perspective. Ils nous mènent à la question du sens.

Y a-t-il un espoir, un demain à quoi je puis me raccrocher ? Il est essentiel de donner à celui qui traverse une crise une espérance. Une espérance qui conduit à la vie.
– La crise est-elle incontournable ?
– Oui, mais tout dépend de quoi on parle. Il peut s’agir d’évènements qui font partie de l’évolution de notre vie : crise de l’adolescence, de la cinquantaine ou du passage à la retraite. Ces crises-là, on peut les prévoir, s’y préparer. Tout autre est la crise qui nous frappe brutalement, soudainement : la mort d’un proche, la maladie, le chômage, un conflit, etc. J’ai englobé dans ce livre ces deux aspects.

A coeur et à cri
– Vous proposez une lecture de quatre récits de l’Ancien Testament dans lesquels les personnages de Jonas, de Mefibosheth, d’Elie et des filles de Tselofhad sont confrontés à une crise. Qu’y a-t-il à voir entre nos crises et ces écrits bibliques ?
– Les écrits bibliques ont un langage, un langage imagé qui parle à notre âme. Le premier Testament, avec sa langue sémitique, ne laisse pas tant place à des discours didactiques abstraits qu’à des récits. J’ai donc choisi de rapporter, Bible en mains, les histoires de ces quatre personnages qui reflètent quelque chose de nous-mêmes. Ainsi, au travers de ces aventures, je suis renvoyé à ma propre existence.
– Comme lorsqu’on lit un roman ou que l’on voit un film : on s’identifie aux personnages ?
– Oui, sauf que là – si je crois que la Bible est inspirée – il nous est proposé un message de vie, essentiel, profond, vital et unique. C’est une parole vivante, qui suscite la vie en moi et m’oriente vers Dieu.

Jonas, loin des yeux…

– On ne peut pas s’arrêter sur tous les personnages, mais prenons Jonas et Mefibosheth.
– Il y a le Jonas traditionnel qui fait sourire avec l’histoire de la baleine que l’on raconte aux enfants. Mais on aurait tort de ne pas prendre au sérieux ce récit plein d’humour. Le héros à qui un message est adressé fuit dans la direction opposée à Ninive où il aurait dû se rendre. Il se fait avaler par un poisson après avoir été, lors d’une tempête, jeté par-dessus bord ! Si on lit le texte au niveau symbolique et s’il est bien replacé dans son contexte, toute une richesse de sens se dévoile. Le livre de Jonas est rangé au coeur même des douze petits prophètes, comme s’il y avait là quelque chose d’intentionnel.
– Que lui demande Dieu ?
– De délivrer un message à la grande ville de Ninive, mais on n’en connaît pas la teneur. « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et fais une proclamation contre elle, car le mal qu’elle a fait est monté jusqu’à moi. » Ni une ni deux le prophète file dans la direction opposée ! Il est frappant de constater que l’expression fuir « loin de la face (du Seigneur) » n’a été utilisée que pour deux personnages du Premier Testament, Jonas et Caïn. (1) Ce n’est pas rien d’envoyer quelqu’un chez ses pires ennemis. Ninive était réputée pour sa cruauté. Mais ce n’est pas la peur de la mission elle-même qui fait fuir Jonas, on va le découvrir par la suite. Pour l’instant le lecteur est intrigué. Il y a un suspense, et ce n’est qu’au chapitre quatre qu’on en saura plus ! Jonas fuit donc, s’embarque et descend en fond de cale, s’endort en pleine tempête, et ce sont les marins qui le suscitent à sa vocation : « Invoque ton Dieu ! » Là enfin il confesse : « Je suis hébreu, et c’est le Seigneur, le Dieu du ciel que je vénère, celui qui a fait la mer et les continents… »
– A quelle metanoïa, à quel changement de regard et de comportement, Jonas est-il appelé ?
– Il est descendu toujours plus bas : à Jaffa, en fond de cale, puis au fond de la mer dans le ventre d’un poisson où là, dans ce lieu matriciel, il réalise sa détresse et renoue le contact avec Dieu. « De ma détresse, j’ai invoqué le Seigneur, et il m’a répondu ; du sein du séjour des morts j’ai appelé au secours, et tu m’as entendu… » Il va être réengendré à quelque chose de nouveau. Il se produit un retournement, comme une nouvelle naissance.
– Une autre vision de Dieu émerge-t-elle ?
– Non, mais il est arrivé à crier ce qu’il y a au fond de lui. Il était crispé dans un mutisme passif/agressif. On a l’impression qu’il en voulait à Dieu, mais on ne sait pas pourquoi. Il descend dans les entrailles du poisson comme dans ses propres entrailles et touche sa détresse profonde. Ce cri que les marins savaient crier à leur dieu, lui ne le criait pas puisqu’il s’enfermait en luimême. Il est important en situation de crise d’être en contact avec sa détresse, de ne pas la nier, mais de la crier à Dieu, de l’exprimer. La parole de Dieu bouleverse tout autour de Jonas, marins et Ninivites. Sauf Jonas. Mais Dieu ne l’abandonne pas pour autant.
– En quoi y a-t-il crise ?
– Le message prophétique dont il est chargé est traditionnel, c’est un oracle de malheur. Tout aurait dû aller comme sur des roulettes. Mais rien ne va plus pour lui. La crise c’est ça. On fait comme si, puis quelque chose en nous se ferme, quelque part ça ne joue plus. Il suffit d’un bouleversement extérieur qui nous déstabilise, nous n’arrivons plus à capter le sens de notre vécu. Le message que Jonas était chargé de délivrer était apparemment de condamnation; or, il s’est avéré être un message de salut. Et ça, Jonas a du mal à le digérer. Que Dieu puisse être plein de compassion et pardonner à des Ninivites, ces païens et ennemis jurés du peuple élu ! Et même se repentir de ses menaces, ça le dépasse. (2) Nous sommes amenés à découvrir, dans la crise, un nouveau visage de Dieu que nous ne percevions pas. Grâce à cette crise, on apprend aussi des choses sur soi et sur les autres : les marins ne sont pas aussi païens qu’ils en ont l’air, ils savent tout de suite ce qu’il faut faire, tout comme les Ninivites. Même les éléments naturels sont en phase avec leur Créateur. Dieu garde la maîtrise dans les tempêtes que nous traversons, même si l’on « boit la tasse » ou que l’on se retrouve à fond de cale !

Maintenir le dialogue

– Jonas a-t-il vraiment appris la leçon, quand on voit qu’après avoir enfin délivré le message de Dieu il n’en reste pas moins fâché ?
– La première fois, il devait crier contre la ville, comme de haut en bas. Quand il y va enfin, c’est plutôt comme d’égal à égal, car lui-même a appris à crier sa peine et son mal-être profond. Il s’exclame donc : « Encore quarante jours, et Ninive sera mise sens dessus dessous », « détruite » selon certaines traductions. Le verbe hébreu est effectivement utilisé pour la destruction de villes. Mais on peut aussi traduire « mise sens dessus dessous » (TOB), retournée. Jonas lui-même a été « tout retourné », il a connu un retournement intérieur, il s’est rapproché de la présence de Dieu, il le connaît un peu plus, il est donc à même de délivrer un message de retournement. Et Ninive va être mise sens dessus dessous, mais pas dans le sens attendu. Elle ne va pas être détruite, mais bouleversée par ce message. Et illico presto, les habitants se repentent, ils se convertissent, c’est la techouva hébraïque. (3) Nous prenons ici conscience de la puissance de la parole de Dieu. Et ceux que l’on croit être de fieffés païens s’avèrent quelquefois plus proches de Dieu que certains bons croyants ne l’imaginent. L’auteur biblique ne manque pas d’humour. Même les animaux se repentent ! Le premier surpris, c’est Jonas. Il se retire et se fâche. Il avait lui-même entamé un processus de retour, et voilà que ça bloque à nouveau. Cela nous dit que l’on avance par paliers, par étapes. S’il en est ainsi d’un grand prophète, à combien plus forte raison pour nous. Ça dédramatise les aléas de nos spiritualités vacillantes. L’histoire de Jonas nous incite à maintenir le dialogue avec Dieu. Même quand ça va très mal. Jonas exprime sa rancoeur, ce que n’avait pas fait Caïn qui entretenait une colère rentrée. Jonas, lui, ose dire que s’il s’est empressé de fuir à Tarsis c’est parce qu’il savait que Dieu « est clément et compatissant, patient et grand par la fidélité »… et que même lui « renonce au mal ». Dieu se repent. (4) Jonas est choqué, irrité d’avoir affaire à un Dieu qui fait grâce. Il croit en une justice divine par laquelle, logiquement, les bons sont récompensés, les méchants punis.
– Et son statut de prophète de malheur en prend un coup !
– Le prophète de Dieu est fondamentalement prophète de la miséricorde divine, même si souvent il est amené à dire : « Voilà ce qui va se passer si vous continuez sur cette voie-là. » Ce qu’on traduit souvent au sujet de la ville de Ninive par « méchanceté » peut aussi être compris en hébreu par « malheur », et donc par souffrance. Un seul mot, ra’a exprime le mal que l’on fait ou que l’on subit et ce qui en résulte, le malheur. Il s’agit donc d’un mal/malheur. « Son malheur est monté jusqu’à moi… » Ce qui bouleverse Dieu, c’est notre malheur. C’est ce qu’il tente de faire comprendre à Jonas quand celui-ci se lamente du dépérissement soudain de sa plante chérie qui lui donnait son ombre. Si le sort de cette plante émeut tant Jonas, pourquoi Dieu serait-il indifférent au sort de cette immense ville qui ne sait pas que Dieu est bon et qu’il veut le bien/bonheur de toutes ses créatures ?

Jésus en crise, en croix
– Jésus parle du signe de Jonas : qu’enseigne-t-il à ce sujet ? (5)
– Des religieux demandent à voir un signe de sa part. Jésus répond qu’il ne sera pas donné d’autre signe que le signe du prophète Jonas. Jésus n’a pas d’autres preuves à apporter que la force de sa prédication. Les signes ou miracles de guérisons sont des oeuvres de compassion, non pas des preuves inéluctables ou flagrantes de l’existence de Dieu. Jésus reprend à son compte l’épisode peu glorieux de la vie de Jonas, enfoui « trois jours et trois nuits dans le ventre du grand poisson ». « De même, précise-t-il, le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le coeur de la terre. » Cette reprise par Jésus est positivée puisqu’il annonce ici sa mort et sa résurrection. Là est le signe du Fils de l’Homme, le signe de l’humain. Nous avons à capter une vérité qui ne se livre pas dans les apparences, et qui dégage en nous l’image de Dieu. Nous sommes en croissance constante, et nous pouvons à notre tour devenir de petits signes de Jonas.
– Jésus lui-même n’a-t-il pas traversé des crises ?
– Oui, des crises de sens, on le voit à Gethsémané où jusque-là il avait conscience de sa mission. Il savait où il allait. Mais dans le jardin des Oliviers, il a eu un moment de doute. (6) Etait-il possible que Dieu l’appelât à la mort de la croix ? Jonas n’a pas exprimé son doute, alors que Jésus, au contraire, le déverse devant son Père. Jésus préserve en permanence le dialogue, alors que Jonas a dû traverser tout un parcours pénible avant de renouer avec Dieu et vider son coeur. Après avoir traversé sa propre crise intérieure, Jésus est remis debout, dans sa stature de Fils de l’Homme et de Fils de Dieu, prêt à accomplir sa mission. Et quelle mission !
– « La croix, c’est la volonté de Dieu quand elle croise la nôtre. » (7) Êtes-vous d’accord ?
– Oui, et cette volonté divine n’est jamais catapultée comme ça du haut du ciel, elle requiert notre acquiescement profond. Quand Marie reçoit cette incroyable nouvelle de la naissance du Messie par son intermédiaire, elle n’hésite pas à interroger : « Comment cela se produira-t-il, puisque je n’ai pas de relations avec un homme ? » Elle a aussi connu ses moments de crise. Bien des personnages bibliques ont été traversés par des doutes. Si on se sent appelé, il est clair qu’il va y avoir des tempêtes, des remises en question. Elles sont à traverser pour que quelque chose du divin émerge. Dieu ne veut pas se passer de nous : l’apôtre Paul écrit que nous sommes co-ouvriers avec Dieu, donc partenaires de Dieu… (8)

Mefibosheth : le poids du passé
– Jonas a la stature du prophète intraitable, Mefibosheth, lui, c’est un peu le pauvre type si j’ose dire, non ? (9)
– Oui, mais pas pour toujours ! Ce n’est qu’au fil des pages que l’on découvre le personnage et ce à quoi il est appelé. Les récits bibliques savent maintenir le suspense, tout n’est pas dit tout de suite. Ce Mefibosheth, sorte d’idiome signifiant « bouche de la honte », on le découvre par hasard au détour d’une histoire assez sombre. Son grand-père, le roi Saül, s’est suicidé, son père Jonathan et ses oncles prétendants au trône ont été massacrés. Il est seul de sa famille à rester en vie. Il avait cinq ans quand sa nourrice l’a laissé tomber dans sa fuite, ce qui l’a rendu infirme, boiteux. Puis on n’en parle plus, il est mis de côté, oublié, probablement parce que, du fait de son handicap, il lui était difficile de prétendre régner. Il n’est pas très menaçant pour David devenu roi d’Israël. Mais l’histoire rebondit quand celui-ci s’enquiert de l’existence d’une descendance du roi Saül. On peut s’inquiéter ! Va-t-il se venger, éliminer les rivaux potentiels comme le font tous les rois ? « Reste-t-il encore quelqu’un de la maison de Saül, pour que j’agisse avec fidélité envers lui à cause de Jonathan ? » C’est bien le « à cause de Jonathan » qui change la donne. On doit se rappeler l’alliance contractée entre David et Jonathan.
– David ne s’est-il pas trouvé lui-même, par le passé, dans la situation de ce Mefibosheth, ignoré et pourchassé ?
– Oui, il devait se cacher dans les déserts et les cavernes pour échapper à la colère de Saül. Mais David n’a jamais voulu éliminer son rival, il a laissé Dieu agir. Et vis-à-vis- de Mefibosheth, il va agir en sa faveur au nom de son amitié avec Jonathan. Car cette alliance, cette promesse de secours mutuel qu’ils ont fait l’un et l’autre devant Dieu engageait la descendance de Jonathan en contrepartie de la protection que le père de Mefibosheth était prêt à accorder à son ami. David est lié par ce serment. Il va donc porter secours à Mefibosheth dont le destin va basculer. Handicapé, il se retrouve au milieu des propres fils de David, à sa table. C’est extraordinaire ! Certains ont estimé que c’était pour l’avoir sous son contrôle, mais non ! Parce que le texte insiste par quatre fois : « Tu mangeras constamment à ma table. » Et le récit se termine ainsi : « Mefibosheth habitait à Jérusalem, car il mangeait constamment à la table du roi. Il était boiteux des deux jambes. » L’hébreu le montre : on est dans un temps hors temps. Mefibosheth est réhabilité.
– Belle fin, mais qu’est-ce que cela peut nous dire, à nous aujourd’hui ?
– Cela peut faire écho à notre propre histoire, au poids de notre propre enfance. Mefibosheth, comme nous d’ailleurs, n’avait aucune prise sur son passé, en particulier sur cet accident qui le rendit handicapé. Il était absolument impuissant à changer quoi que ce soit. Sa nourrice l’a laissé tomber, elle qui était censée le porter et lui donner cette confiance basique en la vie et en Dieu. On a des tas de raisons de manquer de cette confiance fondamentale. Telle personne ou nos parents peut-être n’ont pas été à la hauteur, tels que nous les 12 13 aurions souhaité. Nous n’avons pas eu la famille dont nous avions rêvé, les circonstances de la vie ont été tragiques. L’amour de Dieu vient se glisser dans les failles de notre histoire, qui est souvent loin d’être lisse. Mefibosheth avait un lourd passé, un secret de famille, l’ombre du suicide de son grand-père planait toujours. La crise ici est liée à un vécu, au passé. Cette histoire de Mefibosheth nous dit que rien n’est définitif ni désespéré. Quand David dont le nom veut dire « bien-aimé » l’appelle, Mefibosheth a très peur, il craint pour sa vie. Il se jette aux pieds du roi et dit : « Qui suis-je pour que tu regardes un chien mort tel que moi ? » Il se dévalorise. Un sentiment d’infériorité peut nous tarauder, il est enfoui, on n’en a pas forcément conscience. Il y a peut-être en nous un Mefibosheth, un enfant qui a souffert, recroquevillé sur lui-même, qui a besoin d’un David. Celui-ci lui a offert un amour inconditionnel. Est utilisé le langage des théophanies, c’est-à-dire des apparitions de Dieu : « N’aie pas peur ! Je vais agir avec fidélité envers toi à cause de Jonathan, ton père… » Le terme hébreu hésed que l’on traduit ici par fidélité signifie aussi grâce, miséricorde. Faire hésed, dans le langage biblique, c’est plus que contracter une alliance d’amitié avec devoir d’assistance; le mot est d’ailleurs traduit en grec par eleos, compassion, et en latin par misericordia. La hésed suppose l’amour, le don, la grâce. Cette grâce qui est offerte à chacun.

A la grâce de Dieu !

– On voit que Mefibosheth, aussi promu soit-il, demeure handicapé !
– Oui, les cicatrices de notre vécu demeurent, mais elles vont être transfigurées. Le terme « boiteux » en hébreu est composé des mêmes lettres que le mot « Pâque » ! Au début de l’histoire, il est indiqué qu’« il a été rendu boiteux », c’est un passif. L’enfant subit. Fatalité aveugle qui paraît sceller à tout jamais sa destinée ? A la fin du récit, il est simplement constaté qu’il est boiteux, la racine du mot laisse apparaître le passage de la Pâque. Mefibosheth aurait pu refuser l’amour, estimer dangereuse et impossible la réconciliation avec David. Mais non, il a accueilli la hésed, la grâce qui lui était faite. Et le voilà dans l’abondance. On est vraiment à la table du banquet du Royaume qui ne finit pas. Nos infirmités sont transfigurées comme les cicatrices de Jésus qui laissa passer la lumière de la résurrection. On peut entendre cette réalité-là derrière ce texte.
– « Ces crises qui nous font naître ». Que diriez-vous en résumé ?
– La crise concerne tout changement que nous sommes appelés à vivre. C’est le passage d’une étape à une autre, un défi pour le développement de notre être. C’est un passage de tunnel. On perd son orientation, ce qui nous motivait, ce qui structurait notre existence. Chômage, maladie, décès, drame familial, on ne comprend pas : si nous avons la foi, comment Dieu peut-il permettre de telles choses ? Ça paraît absurde. Il y a toute une remise en question. On a envie de fuir, même si extérieurement on ne laisse rien paraître. Un cheminement parfois long nous apprendra à accepter et à exprimer nos sentiments. Il importe de les vivre et de s’ouvrir à Dieu, de se confier à quelqu’un, un ami, un confident, un thérapeute, un pasteur… Et, petit à petit, des bribes de sens, une issue, vont naître. Dieu entend notre cri, et il y répond. C’est toujours après-coup que l’on peut comprendre ce qui s’est passé. Le mot crise vient du grec krisis, dérivé du verbe krinein qui signifie à l’origine « séparer », « passer au crible ». Il est dit dans la deuxième épître aux Corinthiens que « la tristesse selon le monde produit la mort. » (7.10) Sans Dieu, il n’y a pas d’espérance. Mais la tristesse selon Dieu, ce mal malheur qui m’atteint, produit la vie dans la mesure où je me tourne vers Dieu et lui remets ma détresse.

Un entretien avec Thérèse Glardon,

conduit par François Sergy

Notes

1. Jonas 1.3 et Genèse 4.16.
2. 3.10 et 4.2.
3. Cf. Matthieu 12.41 : Jésus évoque la metanoia des Ninivites à l’écoute du kérygme (prédication) de Jonas.
4. Le verbe hébreu niham a pour sens : se repentir, changer de sentiment, se laisser fléchir, avoir pitié, pardonner.
5. Cf. Matthieu 12.38-42.
6. Cf. Matthieu 26.36-46.
7. Hélène Guisan-Démétriadès, Les carnets du silence (Editions Ouverture, Suisse, 2002), page 34.
8. 1 Corinthiens 3.9; 2 Cor. 6.1.
9. Cf. 2 Samuel 4.4 et 9.1-13.

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